Une expérience encore assez singulière pour le moment, mais qui pourrait devenir la norme d’ici quelques années.
D’après le South China Morning Post, un système basé sur l’IA a récemment pris le contrôle total d’un satellite chinois. Rassurez-vous : il ne faut pas y voir l’émergence d’un Skynet en bonne et due forme ou le début d’une Troisième guerre mondiale. Il s’agit simplement d’une expérience conduite par des chercheurs, et elle pourrait rapidement avoir des retombées assez concrètes.
Les auteurs de ces travaux sont affiliés à l’équipe de Wang Mi, un chercheur de l’Université de Wuhan. Ils souhaitaient vérifier comment vérifier comment un l’IA pouvait se débrouiller pour piloter un petit satellite depuis la Terre en autonomie totale, sans la moindre intervention ou indication humaine.
Ils ont jeté leur dévolu sur Qimingxing-1, un petit satellite d’observation positionné en orbite terrestre basse. Et apparemment, sa cohabitation avec l’IA s’est bien passée. Les auteurs expliquent que leur modèle a sélectionné un certain nombre de zones de son propre chef avant de les prendre en photo, comme si un humain en chair et en os le lui avait indiqué. On peut notamment citer Patna, une ville du nord de l’Inde, ou encore le port d’Osaka, au Japon.
Pour prendre cette décision, l’IA a d’abord été entraînée à partir d’un immense ensemble d’images, mais aussi de données textuelles, un peu comme le fameux GPT. Même s’il n’est pas prévu pour répondre à un utilisateur, grossièrement, il fonctionne un peu de la même façon que le LLM d’OpenAI ; il synthétise toutes ces données pour identifier des relations fonctionnelles entre les éléments à sa disposition. Ces éléments sont ensuite soumis à un deuxième sous-système qui est chargé de déterminer la viabilité d’une observation en fonction des conditions météorologiques et des capacités du satellite (couverture nuageuse, angle de vue…).
Un système autonome… et pas vraiment transparent
Toute la question, c’est de savoir pourquoi le réseau de neurones a sélectionné ces destinations en particulier. Et malheureusement, il est impossible de parvenir à une réponse 100 % objective. C’est tout le problème du machine learning ; on sait quelles données on donne à l’algorithme, on obtient un résultat en retour, mais ce qui se passe entre les deux est souvent beaucoup trop abstrait pour les humains.
Mais en l’occurrence, il existe effectivement quelques points communs entre les zones ciblées. Ce sont des endroits où la Chine dispose d’intérêts stratégiques. Le SCMP rappelle que Patna, la première ville observée, est aussi la base du régiment Bihar. Cette e unité militaire indienne a justement été opposée à l’armée chinoise en 2020. Des affrontements sanglants ont eu lieu dans la vallée de Galwan, une zone contestée et revendiquée par les deux pays.
Le port d’Osaka est aussi très important. C’est l’un des centres névralgiques du commerce en Asie, et surtout, le Japon a tendance à y héberger des navires de guerre de son allié américain. La Chine n’a jamais vu cette proximité d’un très bon œil. Le fait que l’IA ait choisi cet endroit spontanément est donc assez intéressant.
Précisons toutefois qu’il n’y a aucune garantie que ce choix soit basé sur ces critères géopolitiques et militaires. Le programme aurait tout à fait pu sélectionner le port d’Osaka pour son importance économique, par exemple. Plus que les cibles en elles-mêmes, c’est l’approche qui est intéressante.
Rentabiliser les engins qui occupent l’orbite
C’est un changement assez radical par rapport aux méthodes de planification traditionnelles. Certes, certains engins sont programmés pour réagir automatiquement à certains événements. Cela concerne notamment les satellites qui surveillent les catastrophes naturelles depuis l’orbite.
Mais jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a jamais évolué en autonomie complète de cette façon. Et les chercheurs pensent que cette philosophie pourrait leur permettre de réaliser beaucoup plus d’observations, puisqu’ils ne dépendraient pas de la disponibilité des opérateurs humains.
En théorie, cela se traduirait par une augmentation radicale de la rentabilité de ces engins. C’est un point extrêmement important à notre époque. Actuellement, ces engins prolifèrent à toute vitesse, avec tout ce que ça implique pour l’encombrement de l’orbite. Il va devenir de plus en plus difficile de faire cohabiter les milliers d’engins qui seront bientôt perchés au-dessus de la Terre. Il est donc absolument fondamental que les engins déjà en orbitant justifient leur place en produisant beaucoup de données.
L’IA, future reine de l’orbite
Et au-delà de cette question de rentabilité, l’IA pourrait aussi faire des merveilles à d’autres niveaux. Elle pourrait aussi permettre de contourner – littéralement – ce problème de trafic. Un système à base de machine learning pourrait notamment calculer, puis appliquer des manœuvres d’évitement en cas d’urgence.
C’est une technologie qui pourrait donc devenir indispensable assez rapidement. Car d’ici quelques années, l’orbite terrestre basse héberge déjà plusieurs dizaines de milliers de satellites. Il sera donc de plus en plus irréaliste d’espérer gérer ce grand ballet sans l’aide d’un système au moins semi-autonome.
Il sera donc très intéressant d’observer l’évolution de cette niche technologique dans l’espace. On peut d’ores et déjà parier que l’IA va s’imposer comme l’une des clés de voûte de cette nouvelle ère de conquête spatiale. Et ce changement de paradigme s’annonce fascinant à tous les niveaux.
South China Morning Post