En Tunisie, le chef d’Ennahda Rached Ghannouchi placé sous mandat de dépôt

Le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi, a été placé sous mandat de dépôt, jeudi. Ce dernier est l’opposant le plus en vue depuis le coup de force du président Kais Saïed en 2021. Son arrestation a été critiquée par l’Union européenne et les États-Unis notamment.

Le chef d’Ennahda Rached Ghannouchi a été placé sous mandat de dépôt, a indiqué jeudi 20 avril son parti, en dénonçant sur sa page Facebook un « emprisonnement injuste ». Le chef du parti islamo-conservateur et de l’ancien Parlement, âgé de 81 ans, est le principal opposant du président Kaïs Saïed depuis le coup de force de ce dernier, qui s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.

Il avait été interpellé lundi soir sur la base de déclarations dans lesquelles il avait affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique, comme Ennahda, y étaient éliminés.

Selon l’avocat Mokhtar Jemai qui intervenait sur une radio privée, un juge d’instruction a décidé d’émettre un mandat de dépôt pour incarcérer le chef islamiste à l’issue d’un interrogatoire de plus de 9 heures.

Le Front de salut national (FSN), coalition d’opposition dont est membre Ennahda, a confirmé que le juge a invoqué, notamment, le motif de « complot contre la sécurité de l’État » pour écrouer Rached Ghannouchi.

Le FSN a dénoncé « un effondrement des libertés dans le pays », soulignant que Rached Ghannouchi n’avait fait qu’émettre « une opinion dans un séminaire organisé par le FSN ». Pour le FSN, le pouvoir « a fini par criminaliser la liberté d’expression et d’activité politique pacifique, preuve de son échec à préparer un dossier judiciaire sérieux ».

Dans un communiqué, Ennahda a rejeté toute intention de Rached Ghannouchi d’appeler à la guerre civile, disant « condamner fermement une décision injuste qui a pour but de couvrir l’échec total du pouvoir à améliorer les conditions économiques des citoyens ».

Ennahda a décrit l’opposant comme « un symbole national qui a passé le plus clair de sa vie à résister à la dictature à travers une lutte pacifique ».

Concert de réprobations
La Tunisie avait par ailleurs fermement rejeté, mercredi, les inquiétudes, exprimées notamment en Europe, après l’arrestation de l’opposant islamiste, les qualifiant d' »inadmissibles ».

L’Union européenne, un partenaire clef de la Tunisie, a dit, mardi, suivre « avec beaucoup d’inquiétude les derniers développements » dans le pays, citant l’arrestation de Rached Ghannouchi et la fermeture des locaux de son parti. L’UE a aussi souligné « le principe fondamental du pluralisme politique ».

La France a, pour sa part, noté que cette interpellation « s’inscrit dans une vague d’arrestations préoccupantes », rappelant son « attachement à la liberté d’expression et au respect de l’état de droit ».

Pour les États-Unis, ces arrestations représentent une « escalade inquiétante ». « Les arrestations par le gouvernement tunisien d’opposants et de critiques sont fondamentalement contraires aux principes que les Tunisiens ont adoptés dans une Constitution qui garantit de manière explicite la liberté d’opinion, de pensée et d’expression », a affirmé dans un communiqué le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel.

« La justice s’exerce sereinement »
Le ministère tunisien des Affaires étrangères a affirmé dans un communiqué, publié mercredi soir en réaction aux déclarations françaises et européennes, que « les lois de la République s’appliquent à tous les justiciables sans exception, avec toutes les garanties légales », et que « la justice s’exerce sereinement, sans être influencée par la vague de commentaires inappropriés et inadmissibles ».

Il a soutenu que ces commentaires « ne peuvent qu’affecter les efforts intenses du pays pour redresser une situation économique et financière sous grande tension du fait, en grande partie, de la mauvaise gouvernance et de l’amateurisme ayant caractérisé la décennie écoulée » pendant laquelle le parti Ennahda de Rached Ghannouchi jouait un rôle politique de premier plan.

Le ministère n’a pas expliqué le lien qu’il fait entre les inquiétudes exprimées sur l’état de droit et les libertés dans le pays et sa situation économique. « Ces communications constituent une ingérence inacceptable dans les affaires internes de la Tunisie émanant de parties pourtant informées sur les réalités du pays », a ajouté le ministère tunisien, soulignant de nouveau « l’importance du redémarrage de l’économie tunisienne dans les meilleures conditions possibles ».

La Tunisie traverse une grave crise politico-économique qui pousse de nombreux Tunisiens à essayer de gagner clandestinement l’Europe par la mer au risque de leur vie.

france24

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