Les forêts sont-elles nos meilleurs alliés contre le changement climatique ?

Nos forêts sont précieuses. À de multiples points de vue. Elles nous aident à limiter le réchauffement climatique en stockant du carbone, par exemple. Mais elles souffrent aussi de ce même réchauffement. Certaines plus. D’autres un peu moins. Il sera bientôt important de cibler lesquelles pour y concentrer nos efforts de régénération.

Du côté de la Californie, une période de mégasécheresse qui s’est étalée sur trois ans, entre 2012 et 2015, a mis à mal les forêts de pins ponderosa, décimées par une invasion de petits scolytes, des dendroctones du pin. Plus largement, près de 130 millions d’arbres d’espèces différentes sont morts. Des chercheurs du Laboratoire national de Los Alamos (États-Unis) annoncent aujourd’hui que ces forêts ne retrouveront probablement pas avant un siècle leur densité d’avant. Un problème pour le stockage de carbone. Mais la bonne nouvelle, c’est que ces forêts semblent désormais protégées des autres attaques, justement du fait de leur faible densité.

Les interactions sont complexes, expliquent les chercheurs. Avec le réchauffement climatique, les scolytes se développent plus rapidement. Ils sont moins nombreux à mourir l’hiver. Avec le stress dû aux sécheresses qui se multiplient, les forêts les plus peuplées deviennent aussi plus sensibles aux attaques de dendroctones. Et ce n’est qu’une fois la densité des forêts drastiquement réduite par les scolytes que lesdites forêts redeviennent plus résistantes. Un phénomène à prendre en compte au moment d’envisager de régénérer les forêts.

Des chercheurs de l’université de l’Utah (États-Unis) le confirment. Selon eux, les régions des États-Unis les plus à risque de perdre du carbone forestier par les feux de forêt, le stress climatique ou les dommages causés par les insectes — trois causes rendues plus fréquentes dans le contexte de changement climatique — sont celles où de nombreux projets de compensation carbone par le couvert forestier ont été mis en place. « Il est vraiment urgent de mettre à jour ces projets », commente William Anderegg, auteur principal de l’étude, dans un communiqué.

Des interactions complexes à préciser
Avec son équipe, il a élaboré les futurs possibles pour les forêts des États-Unis dans le contexte de changement climatique en s’appuyant non seulement sur des données historiques, mais aussi en utilisant l’apprentissage automatique pour identifier les niches climatiques que les espèces d’arbres préfèrent le plus et grâce à des modèles complexes qui incluent les interactions entre l’écosystème et l’atmosphère. Si ces différents modèles ont montré quelques divergences, ils ont aussi fourni certains points de convergence.

Ainsi, selon les chercheurs, les forêts du pays devraient, d’ici la fin du XXIe siècle, stocker entre 3 et 5 milliards de tonnes de carbone en plus. C’est une bonne nouvelle. Même s’il faut noter que, sans le réchauffement climatique, le chiffre serait monté à près de 9,5 milliards de tonnes.

Le saviez-vous ?

Des chercheurs de l’université de Stanford (États-Unis) ont observé que l’augmentation de la superficie et de la gravité des incendies limite la capacité des forêts à stocker du carbone. Après un sinistre d’ampleur, les arbres mettent plus de temps à revenir à leurs taux d’absorption d’avant qu’après un feu de forêt plus classique.

Les chercheurs signalent aussi qu’un grand nombre de projets forestiers de compensation carbone — planter des arbres pour capter le carbone dans l’atmosphère –, surtout dans le sud-est et sur la côte ouest des États-Unis sont voués à l’échec. Avant la fin du siècle, les zones reboisées émettront du carbone — à cause de feux de forêt ou d’attaques d’insectes — au lieu d’en stocker.

Mais beaucoup de questions restent encore en suspens. Dans quelle mesure l’augmentation des concentrations en CO2 dans l’atmosphère pourrait-elle profiter aux plantes et aux arbres et les aider à pousser davantage ? Quels sont les effets réels des feux, du stress climatique et des insectes sur la mortalité des arbres ?

Ou encore, comment les biomes vont-ils se déplacer ? Les chercheurs devront y répondre au plus vite. En attendant, ils rappellent que « lutter contre le changement climatique le plus rapidement possible et passer à un avenir à faible émission de carbone réduit massivement les risques auxquels les forêts sont susceptibles d’être confrontées et augmente les avantages potentiels que nous pourrions tirer de ces mêmes forêts ».

Futura

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