Toutes les contraceptions hormonales augmentent le risque de développer un cancer du sein

Les contraceptions hormonales combinées ou uniquement progestatives augmentent le risque de développer un cancer du sein de 20 à 30%, selon une étude publiée dans la revue Plos Medicine. Des chiffres qui viennent confirmer de précédentes études épidémiologiques, mais qui restent à nuancer.

Il est parfois difficile de choisir une contraception, encore plus lorsqu’on se pose des questions sur ses effets secondaires. Les contraceptions hormonales sont souvent la cible de critiques et pourtant peu d’alternatives s’offrent à elles. Une étude publiée dans la revue Plos Medicine menée par les Universités d’Oxford (Royaume-Uni) et d’Adélaïde (Australie) a montré que le risque de développer un cancer du sein en prenant une contraception hormonale était 20 à 30% supérieur qu’en son absence, peu importe le contraceptif utilisé.

L’étude part d’un constat simple : l’utilisation actuelle ou récente de contraceptifs oraux combinés a été associée à une augmentation du risque de cancer du sein. Alors que les progestatifs seuls sont de plus en plus prescrits, l’équipe de chercheurs a souhaité savoir si ceux-ci faisaient évoluer différemment le risque de développer un cancer du sein.

C’est au travers une étude cas-témoins (étude statistique observationnelle et rétrospective) basée sur une base de données de soins primaires britannique, que 9498 femmes âgées de moins de 50 ans et atteintes d’un cancer du sein invasif diagnostiqué entre 1996 et 2017 et 18.171 témoins, ont été étudiées.

Sur la moitié des femmes atteintes d’un cancer du sein, 44% avaient reçu une ordonnance de contraceptif hormonal en moyenne 3 ans avant le diagnostic (et 39% des témoins). La moitié de ces prescriptions étaient des progestatifs seuls.

Selon cette étude, que l’on utilise un contraceptif oral combiné, un progestatif oral seul, un progestatif injectable, un implant progestatif ou un dispositif intra-utérin progestatif, les risques de développer un cancer du sein étaient globalement les mêmes. Les chercheurs ont conclu, après une étude approfondie de leur échantillon et de nombreux calculs statistiques, que le risque relatif de développer un cancer du sein avec une contraception hormonale est 20 à 30% plus élevé que sans contraception hormonale.

Le fait que le contraceptif soit combiné ou à progestatif seul n’a pas d’incidence sur ce risque.

A l’aide d’autres études publiées antérieurement, les chercheurs ont aussi montré que ces risques évoluaient différemment selon l’âge de la personne. « On a estimé à 8 pour 100.000 utilisatrices âgées de 16 à 20 ans et à 265 pour 100.000 utilisatrices âgées de 35 à 39 ans l’excès de risque absolu sur 15 ans associé à l’utilisation de contraceptifs oraux combinés ou progestatifs pendant 5 ans dans les pays à revenu élevé », ont expliqué les chercheurs : une différence qui se justifie en partie par le fait que les cancers du sein se manifestent moins chez les femmes jeunes. 10% des cas de cancer du sein se manifestent chez les femmes de moins de 35 ans, et 20% chez les moins de 50 ans, selon l’Institut National du Cancer.

« Etant donné que le risque sous-jacent de cancer du sein augmente avec l’âge, l’excès de risque absolu sera plus faible chez les femmes qui l’utilisent à un âge plus jeune qu’à un âge plus avancé. Ces risques excessifs doivent toutefois être replacés dans le contexte des avantages bien établis de l’utilisation de contraceptifs pendant les années de procréation des femmes », ont précisé les chercheurs.

D’autres facteurs peuvent intervenir, le niveau de vie par exemple, ou encore la durée de la prise de la contraception hormonale, comme le suggère une étude menée par des chercheurs de l’Université de Copenhague, dont les résultats étaient publiés dans la revue The New England Journal of Medicine en 2017.

Contraception hormonale et cancer du sein : une question de longue date
« Le lien entre contraception hormonale et cancer du sein est établi et le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) s’est exprimé plusieurs fois à ce sujet ces dernières années », explique à Sciences et Avenir Pascal Guenel, directeur de recherche à l’Inserm et chercheur en épidémiologie des cancers.

En effet, en 2015, le CIRC avait classé la pilule contraceptive comme produit cancérogène de « groupe 1 », signifiant que ses risques étaient avérés dans le cadre du cancer du sein.

En 2017, les chercheurs de l’université de Copenhague ont réalisé une vaste étude visant à déterminer comment la contraception hormonale augmentait le risque de développer un cancer du sein. Après une étude de cohorte (visant à suivre dans le temps une population définie) menée sur 1,8 million de femmes, ils ont conclu que la contraception hormonale augmentait le risque relatif de développer un cancer du sein d’environ 20%.

Ce même risque est différent selon la durée de la prise du contraceptif, puisqu’il a été évalué à 9% après un an de prise par les chercheurs, et à 38% après 10 ans.

Bien que les résultats de cette étude puissent difficilement être remis en question, certains aspects en avaient été critiqués, notamment le manque de données relatives à l’alcoolémie des patientes, leur activité physique ou l’allaitement. La nouvelle étude menée conjointement par les universités d’Oxford et Adélaïde a en partie outrepassé ces biais, puisqu’elles incluent des données sur la consommation d’alcool, le nombre d’enfants ou les antécédents chirurgicaux (hystérectomie, par exemple) des participantes.

Bien qu’il reste des inconnues au sein de cette nouvelle étude (comme les impacts de la contraception à long terme), ces résultats semblent bien venir appuyer ceux de l’étude de 2017 et laissent peu de place au doute quant au risque augmenté de développer un cancer du sein sous contraception hormonale.

Des risques de cancer bien plus élevés à partir de 50 ans
Le point commun entre l’étude menée en 2017 par l’équipe danoise et celle récemment publiée est qu’elles portent sur des femmes en situation de préménopause. Ceci a été fait afin d’éviter les biais liés à la ménopause, les traitements hormonaux de la ménopause étant, eux aussi, associés à des risques de cancer.

« Les traitements hormonaux de la ménopause sont œstroprogestatifs avec des doses beaucoup plus élevées que dans les contraceptifs et sont reconnus comme des facteurs de risques de cancers du sein en post-ménopause. Mais ils sont moins prescrits depuis ces dernières années du fait de ce risque », développe Pascal Guenel. Alors que 2/3 des cancers surviennent après 50 ans, l’augmentation du risque de développer des cancers de 20 à 30% en prenant une contraception hormonale reste certes concernant, mais s’applique à un taux déjà relativement faible de cancers du sein développés pendant la période de préménopause.

Ces risques doivent également être contrebalancés avec le fait que la contraception hormonale est efficace dans la réduction des risques de développer un cancer de l’ovaire et de l’endomètre.

sciencesavenir

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