L’ONU s’est alarmée, dans un rapport publié lundi, d’une insécurité digne d’un « conflit armé » en Haïti. Le même jour, une dizaine de membres présumés d’un gang ont été lynchés par des habitants à Port-au-Prince, tandis que des familles par dizaines ont quitté les quartiers pris dans la spirale des violences.
Plus d’une dizaine de membres présumés d’un gang ont été lapidés et brûlés vifs lundi 24 avril par des habitants d’un quartier de Port-au-Prince, selon la police et des témoins, l’ONU s’alarmant ce même jour d’une insécurité digne d’un « conflit armé » en Haïti.
Ce nouvel accès de violence meurtrière s’est produit alors que les policiers venaient d’interpeller ces hommes armés, dans un contexte de vive tension dans la capitale haïtienne.
« Lors d’une fouille d’un minibus à bord duquel se trouvaient des individus armés, la police a confisqué des armes et d’autres matériels. Par ailleurs, plus d’une dizaine d’individus qui circulaient à bord de ce véhicule ont été malheureusement lynchés par des membres de la population », a relaté la police nationale d’Haïti dans un communiqué.
La police d’Haïti n’a pas précisé le nombre exact de victimes. Elle n’a pas détaillé non plus dans quelles conditions elle avait perdu la garde de ces suspects, assassinés ensuite par les habitants de ce quartier nommé Canapé-Vert.
Au moins trois autres membres présumés d’un gang ont été tués puis brûlés en milieu de journée, selon des photos et vidéos qui ont été partagées en ligne.
Les violences avaient commencé avant l’aube, quand des membres de gangs ont fait irruption dans plusieurs quartiers résidentiels de la capitale, pillant des maisons et s’attaquant à des riverains, selon des témoins.
« Ce sont les bruits de projectiles qui nous ont réveillés ce matin. Il était 3 h du matin, les gangs nous ont envahis. Il y a eu des tirs, des tirs », a relaté à l’AFP un habitant du quartier mitoyen de Turgeau.
Urgence humanitaire majeure
« Si les gangs viennent nous envahir, nous allons nous défendre, nous aussi on a nos propres armes, nous avons nos machettes, on va prendre leurs armes, nous n’allons pas fuir », a ajouté un autre riverain, très tendu. « Les mères qui veulent protéger leurs enfants peuvent les envoyer ailleurs », a-t-il ajouté.
De fait, des familles par dizaines ont quitté lundi ces quartiers pris dans la spirale des violences, ont constaté des journalistes de l’AFP. Hommes, femmes, enfants ont fui les lieux à pied, emportant dans des sacs ou des baluchons quelques effets personnels.
L’insécurité dans la capitale haïtienne atteint des niveaux « comparables à ceux des pays en situation de guerre », s’est alarmée l’ONU dans un rapport publié lundi qui souligne une hausse importante des homicides et des enlèvements dans le pays. « Le peuple haïtien reste en proie à l’une des pires crises des droits humains depuis des décennies et à une situation d’urgence humanitaire majeure », décrit le rapport du secrétaire général Antonio Guterres. « Du fait du nombre élevé de morts et de la superficie croissante des zones contrôlées par les bandes armées, l’insécurité dans la capitale a atteint des niveaux comparables à ceux des pays en situation de conflit armé », ajoute-t-il.
Affrontements « plus violents »
Entre le 1er janvier et le 31 mars, le nombre d’homicides signalés a augmenté dans le pays de 21 % par rapport au précédent trimestre (815 contre 673), et le nombre d’enlèvements de 63 % (637 contre 391).
Les bandes armées « continuent de se disputer le contrôle du territoire dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, et s’étendent à des quartiers jusqu’alors épargnés », note également le rapport, décrivant des affrontements « plus violents et plus fréquents » entre gangs, et entre police et gangs. Résultat, « la situation des personnes vivant dans les zones contrôlées par les bandes armées reste tout à fait effroyable » et « dans les zones récemment prises pour cible par les bandes, la situation se dégrade radicalement ».
Selon le communiqué, entre le 14 et le 19 avril, des affrontements entre gangs rivaux ont fait près de 70 morts dans la population, dont 18 femmes et au moins deux mineurs.
Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU répète dans le rapport qu' »il faut de toute urgence déployer une force armée spécialisée internationale » notamment pour aider la police à rétablir l’ordre.
Antonio Guterres avait relayé en octobre un appel à l’aide du Premier ministre Ariel Henry, demandant au Conseil de sécurité d’envoyer cette force. Mais sans résultat depuis : si quelques pays ont indiqué être prêts à y participer, aucun ne semble vouloir en prendre la tête.
AFP