Sévices, maltraitances psychologiques dans le sport ou le revers de la médaille

Abus de pouvoir, méthodes d’entraînement physiquement inhumaines ou encore maltraitance psychologique. Dans Le revers de nos médailles, l’ancien judoka Patrick Roux rassemble des témoignages édifiants. Au-delà du judo, tous les sports sont concernés.

Les faits de violence dans le sport de haut niveau ne sont plus tabous depuis le témoignage choc de la patineuse Sarah Abitbol, concernant les violences sexuelles qu’elle a subies quand elle était mineure de la part de son entraîneur. Mais les violences dans le sport ne sont pas uniquement sexuelles : elles sont aussi physiques et morales. Plusieurs victimes pratiquant le judo ont décidé de témoigner dans le livre de Patrick Roux, ancien champion d’Europe et médaillé de bronze mondial.

« Ça m’a dégoûté de mon sport »
Dans Le revers de nos médailles, cet ancien cadre de la Fédération française publie des récits de judokas décrivant les humiliations, insultes ou châtiments corporels qu’ils ont subis lors de leurs passages dans des pôles Espoirs, les structures de préformation destinées à mener les jeunes vers le haut niveau.

Parmi ces témoignages, celui de A., 17 ans, lors d’un stage en équipe de France en 2001 ou 2002. « On était comme du bétail, de la viande, on se faisait insulter et traiter de « grosse vache » etc. Si j’avais eu le choix, j’aurais arrêté plus tôt. Ça m’a dégoûté de mon sport. (…) Ce que j’ai subi provoque des dégâts psychologiques importants ».

Patrick Roux qui a travaillé comme entraîneur en France, en Grande-Bretagne et en Russie, estime que le temps du changement doit se faire au plus vite. « Dans le monde du sport, tout le monde se connaît. On est athlète et parfois on devient cadre administratif. Et on a croisé l’accusé. Il faut faire tomber les tabous et reconnaître les faits, donc les victimes », avance-t-il à RFI. Patrick Roux a fondé en 2020 l’association « Artémis sport » destinée aux victimes de violences dans le sport et aux lanceurs d’alerte. Depuis 2020 et l’affaire Abitbol, 900 signalements (tous sports confondus) ont été transmis aux autorités compétentes.

« Le flux ne se tarit pas. Souvent, des dirigeants nous regardent en nous disant que l’on est là pour faire des histoires. Nous avons été traités de menteurs. Pourtant il faut du courage aux victimes pour témoigner. Il ne faut pas se voiler la face, on est sur un marché, et les clients achètent des licences. Donc, en tant que président de fédération, ce n’est pas une bonne pub », explique Patrick Roux.

Du manque d’appréciation à l’humiliation pure et simple
En 2021, une étude menée au niveau européen argue qu’une large majorité d’enfants ayant pratiqué un sport ont été victimes d’abus psychologiques ou physiques.

Sur 10 000 personnes provenant de six pays européens, près des deux tiers des personnes interrogées déclarent avoir subi des violences psychologiques. Dans le même temps, 44 % disent avoir été victimes de violences physiques, selon les travaux de l’université Edge Hill, située au nord-ouest de l’Angleterre.

La forme la plus courante d’abus, défini comme psychologique, va du manque d’appréciation de la part des entraîneurs à l’humiliation pure et simple. L’incidence la plus élevée d’abus est observée chez les enfants qui ont participé à des compétitions internationales.

Respect du caractère psychologique des athlètes à chaque âge
L’étude indique que les abus ont eu lieu le plus souvent au sein de la structure des clubs et des organisations sportives, et les garçons sont plus susceptibles de faire l’objet de ces violences.

« Il y a encore des entraîneurs qui harcèlent les jeunes qui ne sont pas équipés psychologiquement pour supporter une telle pression. Ils vont se démotiver. Et même faire une dépression, et c’est très grave. Je crois aux valeurs éducatives et sociales du sport. Je ne peux pas accepter ce qui se passe. Le fond du problème c’est de se responsabiliser collectivement et de se poser les bonnes questions face à ces dérives », estime Patrick Roux.

Face à ce constat, comment limiter ces violences ? « Il faut écouter les victimes pour en tirer des conclusions et les analyser. Dans les pays du monde anglo-Saxon, ils ont exploré le sport à travers les sciences et développé un concept de parcours de formation à long terme, en respectant le caractère psychologique à chaque âge. Il faudrait un outil sur le projet de développement des jeunes athlètes en France dans chaque fédération. Cela devrait être même inscrit dans la loi du sport. On ne s’en sortira pas si on ne met pas de ligne rouge dans le monde du sport. Les lois de la République ne doivent pas échapper au monde du sport. La médaille olympique ne doit pas tout pardonner », répond Patrick Roux.

Pour l’heure, Patrick Roux dénonce le manque d’accompagnement des victimes. « C’est pourquoi nous sommes déjà nombreux à penser qu’il est nécessaire que ce combat, cette cause, devienne une question politique, et non un problème juridique et administratif », écrit-il dans Le revers de nos médailles.

MSN

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