Au Soudan, un ancien responsable de la dictature recherché pour crimes contre l’humanité a annoncé avoir fui la prison de Kober, dans la capitale Khartoum, en compagnie d’ex-collaborateurs alors que le cessez-le-feu de 72 heures ne semble plus respecté.
Au Soudan en plein chaos, un ancien responsable de la dictature recherché pour crimes contre l’humanité a annoncé s’être enfui de prison en compagnie d’ex-collaborateurs, faisant craindre un nouvel embrasement, au moment où le cessez-le-feu de 72 heures conclu sous l’égide des États-Unis ne semble plus respecté.
Ahmed Haroun était détenu à la prison de Kober, dans la capitale Khartoum, avec d’autres hauts responsables de l’ancien régime, en particulier Omar el-Béchir, dictateur déchu en 2019 et sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes contre l’humanité » et « génocide » au Darfour.
Dans une allocution enregistrée à la télévision soudanaise mardi soir, Ahmed Haroun, également recherché par la CPI, a affirmé que d’anciens responsables du régime d’Omar el-Béchir n’étaient plus en détention. « Nous sommes restés en détention à Kober pendant neuf jours (…) et nous avons désormais la responsabilité de notre protection » dans un autre lieu, a-t-il affirmé.
Le cessez-le-feu de 72 heures au Soudan entré en vigueur mardi ne semble plus respecté. Les évacuations d’étrangers et de civils fuyant le pays se poursuivent mercredi.
Omar el-Béchir « toujours dans un hôpital sous la garde de la police »
Les combats opposent depuis 12 jours les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo à l’armée régulière d’Abdel Fattah al-Burhane, deux généraux auteurs du coup d’État en octobre 2021, qui se livrent désormais à une guerre sans merci pour le pouvoir.
L’armée soudanaise a affirmé mercredi qu’Omar el-Béchir, au pouvoir pendant 30 ans, était « toujours dans un hôpital sous la garde de la police judiciaire ». Comme Ahmed Haroun, il est recherché pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » au Darfour, dans l’ouest du Soudan.
De son côté, le bureau du procureur de la CPI a indiqué qu’il suivait de près les événements, observant que les informations sur les personnes incarcérées à Kober n’avaient pas été « confirmés de manière indépendante ».
Un conflit y avait éclaté en 2003 entre Khartoum et des membres de minorités ethniques non arabes. Il avait fait quelque 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Les forces des FSR regroupent des milliers d’anciens miliciens arabes recrutés par Omar el-Béchir et soupçonnés d’exactions au Darfour.
Depuis le début des combats le 15 avril entre paramilitaires et armée régulière, plus de 459 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées selon l’ONU.
« Près de la frontière tchadienne, les combats ont repris et des rapports de plus en plus nombreux et inquiétants font état de tribus s’armant et rejoignant les combats », a déclaré mardi soir devant le Conseil de sécurité le chef de la mission de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, depuis Port-Soudan (est du pays), où les Nations unies ont relocalisé une partie de leur personnel.
Il a ajouté que des « affrontements intercommunautaires » avaient également éclaté dans la région du Nil Bleu, à la frontière sud-est avec l’Éthiopie. Jusqu’à 270 000 personnes pourraient encore fuir au Tchad et au Soudan du Sud, pays voisins, selon l’ONU.
Le conflit risque d' »envahir toute la région et au-delà »
« Le plus difficile, c’est le bruit des bombardements et des avions de chasse qui survolent notre maison. Cela a terrifié les enfants », a déclaré Safa Abu Taher, qui a atterri avec sa famille en Jordanie dans la nuit de mardi à mercredi.
Un bateau transportant 1 687 civils ayant fui le Soudan et originaires de plus d’une cinquantaine de pays est arrivé mercredi en Arabie saoudite, et 245 ressortissants français et étrangers évacués par avion par les autorités françaises ont atterri mercredi matin près de Paris. La Norvège a de son côté évacué 22 de ses ressortissants par avion militaire.
Ceux qui ne peuvent pas quitter Khartoum, ville de plus de cinq millions d’habitants, tentent de survivre, privés d’eau et d’électricité, soumis aux pénuries de nourriture et aux coupures téléphoniques et d’Internet.
Selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors service. À Khartoum, plus de 60 % des centres médicaux sont fermés, a indiqué mercredi l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle a ajouté qu’une « évaluation approfondie des risques » sanitaires était en cours après la prise par l’un des deux camps d’un « laboratoire public » de Khartoum, qui renferme des agents pathogènes de la rougeole, du choléra et de la poliomyélite.
De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’inquiète d’un risque biologique « énorme » après la prise « par l’une des parties combattantes » d’un « laboratoire public de santé » de Khartoum, qui renferme des agents pathogènes de la rougeole, du choléra et de la poliomyélite.
« Ce à quoi nous assistons est une lutte de pouvoir entre deux généraux, mais il s’agit également d’une tentative de faire dérailler la transition démocratique du Soudan et de ramener le pays sous le contrôle de l’ancien régime », a déclaré Dame Rosalind Marsden, ancienne ambassadrice britannique et ex-représentante spéciale de l’Union européenne pour le Soudan.
AFP