Le procureur de la capitale américaine Washington a lancé des poursuites mardi 25 mai contre Amazon, qu’il accuse d’entrave à la concurrence dans le commerce en ligne. « Le comportement d’Amazon et sa part de marché prouvent son intention de bâtir un monopole, avec une dangereuse probabilité de succès », détaille la plainte.
Le procureur Karl Racine reproche au géant du e-commerce d’empêcher les entreprises de vendre leurs produits moins chers ailleurs que sur sa plateforme. Il réclame des dommages et intérêts ainsi que des mesures pour interdire ce genre de pratiques à l’avenir.
Le groupe de Seattle « maximise ses profits aux dépens des vendeurs et des consommateurs forcés de payer des prix artificiellement élevés, tout en nuisant à la compétition et à l’innovation », continue le procureur.
« C’est exactement l’inverse », a réagi un porte-parole d’Amazon, contacté par l’AFP. « Les commerçants déterminent leurs prix pour les produits qu’ils vendent dans notre magasin. » Et d’ajouter :« Amazon est fier de proposer des prix bas sur une sélection large, et, comme n’importe quel magasin, nous nous réservons le droit de ne pas mettre en avant des offres dont le prix n’est pas compétitif »
.« Capacité de nuire »
Le magistrat vise en particulier une clause dans les contrats avec les commerçants, qui leur interdisait de proposer leurs biens à des prix inférieurs sur d’autres sites. Amazon dit avoir arrêté cette pratique en 2019.
« En réalité, ils ont discrètement remplacé cette clause par une autre, équivalente, qui dit que les vendeurs tiers peuvent être sanctionnés ou renvoyés d’Amazon s’ils commercialisent leurs produits pour des prix moins élevés ailleurs », assure le magistrat.
Il mentionne aussi les « commissions élevées » prélevées par la firme, « jusqu’à 40 % du prix du produit ». La plainte demande de « retirer à Amazon la capacité de nuire à la compétition », y compris en ayant recours à des mesures structurelles, qui peuvent désigner un démantèlement.
« Les demandes du procureur général forceraient Amazon à afficher des prix plus élevés pour les clients, ce qui est paradoxalement contraire aux objectifs essentiels des lois antitrust », a commenté le porte-parole du groupe. « Cela nuirait aussi aux PME, qui sont déjà suffisamment en difficultés en ce moment », a abondé Ryan Young, un analyste du centre de réflexion Competitive Enterprise Institute.
Il estime en outre qu’Amazon fait déjà face à de la compétition de la part du géant de la distribution Walmart, qui a sa propre plateforme de e-commerce ouverte aux tiers, ainsi que d’autres sites comme eBay, Etsy ou Shopify.
Résistance aux Gafa
La Commission européenne multiplie les attaques depuis des années contre les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon), dont les comportements sont jugés anti-concurrentiels. Mais la pression monte aussi aux Etats-Unis. Google et Facebook font l’objet de poursuites lancées par des autorités fédérales et des coalitions d’Etats américains visant leurs « monopoles », notamment sur la publicité.
Plusieurs enquêtes examinent également les pratiques d’Apple et Amazon, accusés d’être à la fois juges et parties sur leurs plateformes respectives. L’administration de Joe Biden semble décidée à remettre en cause le pouvoir que ces firmes ont accumulé dans leurs secteurs, y compris à la faveur de la pandémie, qui a rendu leurs services encore plus prépondérants.
Le président démocrate a notamment fait part de son intention de nommer la juriste Lina Khan, connue pour son hostilité aux monopoles des géants de la tech, à la tête de l’agence américaine de la concurrence (Federal Trade Commission, FTC). Cette universitaire s’était fait connaître dans le monde académique en 2017, alors qu’elle était encore étudiante, en publiant un article intitulé « Le paradoxe antitrust d’Amazon » dans la revue de droit de l’université Yale. Elle y estimait que l’arsenal législatif américain était insuffisant pour lutter contre les pratiques monopolistiques de groupes comme le géant du commerce en ligne.
Le multimilliardaire Jeff Bezos, fondateur et patron d’Amazon, affirme lui sa différence avec les sociétés de la Silicon Valley, en faisant valoir que son groupe « ne compte que pour 1 % du marché mondial de la distribution, et 4 % aux Etats-Unis ».
Le leader mondial du commerce en ligne et du cloud (informatique à distance) a plus que triplé son bénéfice net au premier trimestre, à plus de 8 milliards de dollars.
Source: sudouest.fr
1 Commentaire