L’aide humanitaire au Soudan, entre défi sécuritaire et casse-tête bureaucratique

Au Soudan, un haut responsable de l’ONU a exigé, mercredi, des garanties de sécurité pour pouvoir acheminer l’aide humanitaire au Soudan, après le « pillage » de six camions. Outre les risques pour leurs équipes, les ONG doivent composer avec de lourdes contraintes bureaucratiques, alors que les combats entre l’armée et les paramilitaires continuent malgré la trêve.

Vingt jours après le début du conflit fratricide au Soudan entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, l’acheminement de l’aide humanitaire demeure difficile dans le pays.

Le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires a réclamé, mercredi 3 mai, des garanties de sécurité « au plus haut niveau » pour assurer l’acheminement de l’aide, après le pillage de six de ses camions, alors qu’ils se dirigeaient vers le Darfour, dans l’ouest du pays.

« Ces engagements sont une condition préalable à une action humanitaire à grande échelle », a déclaré Martin Griffiths, qui s’exprimait depuis Port-Soudan, lors d’une visioconférence avec des journalistes à Genève.

« Nous avons besoin d’avoir un engagement au plus haut et très publiquement, et nous devrons concrétiser ces engagements par des accords locaux », a-t-il dit, avant d’indiquer que les camions pillés transportaient de l’aide alimentaire pour le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM). Avant cela, « 17 000 » des 80 000 tonnes de stocks alimentaires d’avant la guerre avaient été volés.

Pour Bastien Renouil, correspondant de France 24 à Nairobi, ces évènements illustrent les nombreux défis sécuritaires auxquels font face les ONG sur place.

« Il est possible d’acheminer l’aide humanitaire dans les villes où les réfugiés se sont installés », comme Atbara, à 250 km au nord de Khartoum, souligne-t-il. « En revanche, il est beaucoup plus compliqué d’arriver dans les zones touchées par les combats », du fait « des tirs d’artillerie et explosions qui rendent la situation extrêmement dangereuse pour les humanitaires ».

Obstacles bureaucratiques
Martin Griffiths se trouvait mercredi à Port-Soudan, ville côtière dans le nord-est du pays, où l’ONU s’est repliée en raison de la guerre qui déchire le pays depuis le 15 avril, pour rencontrer notamment des responsables des principales agences humanitaires.

« Les discussions que j’ai eues ici et celles que j’ai eues en chemin à Nairobi m’ont clairement montré que le désir et la volonté des agences humanitaires d’agir sont plus forts que jamais », a-t-il indiqué.

« Le deuxième aspect sur lequel j’ai déjà commencé à travailler ici aujourd’hui est de s’assurer que nous avons des engagements publics, clairement donnés par les militaires, afin de protéger les systèmes humanitaires pour qu’ils puissent opérer », a-t-il expliqué.

Les premières cargaisons arrivent au compte-goutte dans le pays, l’un des plus pauvres au monde où un habitant sur trois dépendait de l’aide humanitaire avant la guerre. L’ONU a indiqué être en attente de l’autorisation des douanes pour acheminer « 80 tonnes d’équipements médicaux d’urgence ».

Cette aide arrive par bateau ou avion via Port-Soudan, explique Bastien Renouil. « Pour cela, il faut obtenir l’autorisation des militaires et, selon plusieurs ONG qui essayent de travailler sur place, ces démarches sont extrêmement compliquées. L’armée prend son temps, elle ne semble pas pressée de laisser arriver cette aide humanitaire dans le pays ».

« Nous disposons d’un plan pour savoir où nous pourrions nous déployer, nous disposons d’un plan pour l’acheminement des fournitures », a assuré Martin Griffiths. Mais pour cela, les humanitaires ont besoin « d’un accès » et « d’un pont aérien » a-t-il lancé, avant d’expliquer que l’ONU avait demandé aux parties combattantes « d’accepter des discussions sur l’ensemble des questions humanitaires ».

Martin Griffiths a par ailleurs plaidé en faveur d’une levée des « obstacles bureaucratiques à l’acheminement de l’aide au Soudan ».

« Il n’est pas facile d’obtenir des visas ou des certificats de circulation. J’ai moi-même eu quelques difficultés à obtenir des visas, mais d’autres personnes, en particulier des ONG internationales, m’ont dit aujourd’hui qu’elles avaient vraiment besoin d’aide dans ce domaine », a-t-il détaillé.

Mercredi, les équipes de Médecins Sans Frontières au Soudan ont exhorté « les parties au conflit à assurer la circulation en toute sécurité des fournitures et équipements médicaux » afin qu’elles puissent atteindre « les installations médicales et les personnes dans le besoin ». « Sans fournitures médicales vitales, il y aura d’autres pertes de vie » ont-ils alerté.

Manque de financement
Des centaines de milliers de personnes ont déjà fui le Soudan pour trouver refuge dans les pays voisins, en majorité en Égypte, au Tchad et au Soudan du Sud.

Selon Martin Griffiths, cet exode devrait se poursuivre. Mais, a-t-il relevé, « nous devons fournir de l’aide à l’intérieur du Soudan pour encourager les gens à ne pas partir, à ne pas avoir besoin de partir ».

Il a également appelé la communauté internationale à se mobiliser pour financer l’appel de 1,7 milliard de dollars pour le Soudan, lancé avant l’escalade actuelle, et qui est financé à hauteur de 200 millions de dollars.

Dans la capitale soudanaise Khartoum, les cinq millions d’habitants survivent sans eau ni électricité, à court de nourriture sous une chaleur écrasante. Seuls 16 % des hôpitaux de Khartoum fonctionnent aujourd’hui.

Le Soudan du Sud, médiateur historique, a annoncé « un accord de principe » sur une trêve « du 4 au 11 mai ». Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’armée a dit avoir « accepté » cette prolongation, tout en précisant que ses engagements sont conditionnés au « respect de la trêve » par l’autre camp.

À minuit passé, les paramilitaires des Forces de soutien rapide n’avaient toujours pas commenté.

Les combats ont déplacé plus de 335 000 personnes et poussé 115 000 autres à l’exil, selon l’ONU, qui s’attend à huit fois plus de réfugiés.

france24

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