Les autorités islandaises autorisent chaque année un certain nombre de prises de baleines. En 2019, un quota de 209 rorquals communs avait été décidé. La chasse à ce deuxième plus grand mammifère marin – après la baleine bleue – a toutefois connu une pause ces trois dernières années à cause d’une baisse de la demande et de la concurrence japonaise.
Cette année, la compagnie Hvalur est néanmoins repartie à la chasse de ce cétacé classé « vulnérable » sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature. La chasse commerciale à la baleine a été interdite en 1986 par la Commission baleinière internationale (organe mondial de conservation des baleines).
Le rorqual commun est le deuxième plus grand mammifère marin.
Dans son documentaire, le Tessinois Philippe Blanc essaie de comprendre les raisons qui ont poussé l’Islande à reprendre cette chasse en 2006. « L’Islande refuse la décision de la Commission internationale en soutenant qu’il existe une population de rorquals communs ‘islandais’ et que ceux-ci sont surpeuplés, ce qui permettrait, selon des instituts de recherche, de chasser un quota de rorquals communs, 160 en 2022 », explique le réalisateur dans l’émission Tout un monde de la RTS.
« Mais c’est impossible, parce que ce sont des animaux qui migrent, qui vont en Islande pendant l’été et descendent vers les Caraïbes en hiver. »
Des baleines enceintes
Le film montre l’impressionnante capture d’une baleine. Des images de drone montrent l’animal prisonnier hissé lentement vers le bateau où il sera mis à mort. L’immense cétacé est ensuite découpé par des machines et des hommes. On apprend alors qu’il s’agit d’une baleine portante.
« On a vu plusieurs baleines chassées qui étaient enceintes et c’est un problème énorme. Il faut savoir que c’est un animal qui vit 90 ans, qui atteint sa capacité reproductive après une vingtaine d’années et qui peut avoir un petit tous les trois ans. Chasser une baleine enceinte, c’est vraiment un désastre », se désole Philippe Blanc.
Pour repérer les chasseurs de baleines, les équipes du film ont fait le guet, seul moyen pour repérer leurs bateaux. Leurs signaux de localisation par satellite indiquaient qu’ils étaient dans le port de Reykjavik, alors que l’équipe les avait vus partir au large. On découvre ainsi que les baleiniers désactivent leur système AIS (automatic identification system), outil qui permet d’être visibles des autres bateaux et d’éviter les collisions.
« Ils vont très au large, ils éteignent ce système pour ne pas être suivis, mais aussi probablement parce qu’ils sortent des eaux islandaises et qu’ils entrent dans l’espace économique danois, entre le Groenland et l’Islande. Ils font ça en toute illégalité, parce qu’ils entrent dans un pays qui ne chasse pas et qui ne peut pas chasser la baleine », explique Philippe Blanc.
Vers une interdiction en 2024
Le Tessinois dénonce une omerta en Islande sur la chasse à la baleine. « On a essayé de parler avec le propriétaire de l’unique société de chasse, Kristján Loftsson, un des hommes les plus riches d’Islande à la tête d’un fonds spéculatif qui s’appelle Hvalur. Il n’a évidemment pas accepté de nous parler. »
« Le Premier ministre et le ministre de la Pêche n’ont pas non plus voulu nous répondre. Ils nous ont dit qu’ils étaient en train de faire une évaluation sur l’impact économique et social de chasse. Mais l’impact sur les baleines ne semblait pas trop les intéresser. »
Kristján Loftsson, propriétaire de Hvalur, un fond de placement qui est aussi l’unique société chassant des baleines en Islande.
Lors du tournage, des employés sont venus à la rencontre des journalistes et se sont emparés de leur drone. Les journalistes ont pu récupérer leur matériel, après avoir alerté la presse locale, mais l’incident témoigne de la tension autour de cette question.
En 2022, 148 rorquals communs ont été tués par Hvalur, selon l’organisation « Whale and Delphin Conservation ». Le gouvernement islandais envisage d’arrêter la pêche en 2024. Les Islandais et Islandaises mangent très peu de viande de baleine, et la concurrence japonaise est forte.
Bien public mondial
Pour les écologistes et les associations de défense de l’océan, cette chasse est cruelle et une catastrophe pour la biodiversité et la survie des espèces. Les baleines jouent également un rôle très important face au changement climatique. Les biologistes ont récemment découvert qu’elles captaient une grande quantité de CO2 dans leur corps.
Elles favorisent aussi la production du phytoplancton qui capte du dioxyde de carbone et libère de l’oxygène. Tout cela fait dire aux biologistes que la baleine est un bien public mondial.
RTS