A Gaza, l’économie de la débrouille pour échapper à la misère

Dans les allées des marchés de Gaza, Islam Abou Taïma, dont les diplômes n’ont été d’aucune aide, scrute les recoins à la recherche de bouts de carton dont elle se servira pour fabriquer des jouets qu’elle tentera de vendre, dans l’espoir de sortir sa famille de l’indigence.

Les occasions d’emploi sont maigres dans la bande de Gaza, langue de terre de 2,3 millions d’habitants coincée entre l’Egypte, Israël et la mer Méditerranée, minée par une succession de guerres, et sous blocus israélien depuis la prise de pouvoir du mouvement islamiste Hamas en 2007.

Le taux de chômage y était de 45% fin 2021, selon le Fonds monétaire international (FMI), et culmine même à 73,9% parmi les diplômés du supérieur âgés de moins de 29 ans, d’après le Bureau central des statistiques palestiniens.

Mère de cinq enfants, Islam Abou Taïma, 39 ans, a étudié la littérature anglaise, mais cela ne lui a pas permis de trouver un emploi.

Islam Abou Taïma (g) et son mari Mohamed qui fabrique des jouets en carton, dans leur logement du camp de réfugiés d'Al-Shati, le 1er avril 2023 à Gaza

 

 

Son époux, avec qui elle vit dans un logement sans eau ni électricité dans le camp de réfugiés d’Al-Shati, à Gaza, est aussi sans travail.

« Il a eu l’idée de fabriquer des jouets car les enfants n’arrêtaient pas d’en demander et il ne peut pas en acheter », explique-t-elle. « Il a commencé à faire des vélos et des petites voitures (en carton) pour qu’ils jouent avec. Ils étaient contents ».

Sur un trottoir d’un quartier plus aisé du centre de Gaza, elle vend pour cinq à dix shekels (1,24 et 2,48 euros) des villas et des voitures de papier.

« Tout ce que nous rêvons de posséder, nous le fabriquons », confie-t-elle à l’AFP. « Mon mari a pensé à fabriquer des vieux avions et des cabriolets comme en conduisent les personnes célèbres. Ca lui permet de sortir de sa dépression ».

Mohamed Abou Taïma fabrique des jouets en carton qui seront vendus par sa femme Islam sur un marché, le 1er avril 2023 à Gaza

 

 

Pour elle, aller de marché en marché en quête de bouts de carton n’est pas toujours facile. « C’est difficile de marcher dans la rue car les gens me dévisagent, ils demandent +Mais pourquoi tu récupères du carton?+ ».

Même si elle écoulait tout son stock, elle ne parviendrait pas à obtenir les 450 shekels (112 euros) nécessaires à payer le loyer. « L’objectif, dit-elle, est d’aider ma famille à vivre ».

Petite pépinière
A Deir al-Balah, plus au centre de la bande de Gaza, Alaa et Salama Badwane ont transformé leur toit en petite pépinière.

Salama Badwane et sa femme Alaa s'occupent de leurs plantes d'aloe vera cultivées sur le toit de leur maison à Deir al-Balah, le 29 mars 2023 à Gaza

 

 

« Nous l’utilisons car nous manquons d’espace », explique Salama Badwane, 40 ans, entre les pneus peints en rouge et vert qui servent de pots à cactus mais surtout à aloe vera.

 

Lui est en charge de tailler cette plante pour en récolter la sève.

Son épouse Alaa, 37 ans, l’utilise ensuite pour faire du savon dans un atelier de fortune, chez eux.

L’idée lui est venue en consultant des sites internet sur la cosmétique naturelle, en vogue à Gaza, explique-t-elle.

Alaa Badwane dispose les savons qu'elle vient de faire à partir de la sève d'aloe vera dans sa maison à Deir al-Balah, le 29 mars 2023 à Gaza

Le couple, qui vend ses produits à des pharmacies locales, ne rentre pas encore dans ses frais mais espère faire de ce savon « made in Gaza » l’équivalent du renommé savon à l’huile d’olive de Naplouse, en Cisjordanie occupée.

« La situation est difficile mais l’opinion des gens est positive et encourageante », déclare Mme Badwane.

tv5monde

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