Créé le 10 mai 1973, le Front populaire pour la libération de Sakia el-Hamra et du Rio de Oro – devenu une année plus tard le Front Polisario –, avait pour but de libérer ce territoire de 266 000 km2 de l’emprise espagnole. Le Sahara occidental s’appelait alors « Sahara espagnol » et était réclamé, à l’époque, à la fois par le Maroc et par la Mauritanie.
Le Front Polisario était, dans un premier temps, financé et armé par la Libye de Kadhafi, qui souhaitait être le soutien des mouvements de libération en Afrique. Le rôle a plus tard été repris par l’Algérie qui, à l’époque, confisquait les armes venant de Libye pour le compte du Polisario, ne voulant pas fâcher l’Espagne d’un côté et le Maroc de l’autre.
Cinquante ans jour pour jour après la naissance du mouvement, où en est-on de cette lutte pour l’indépendance d’un territoire dont les deux tiers sont aujourd’hui contrôlés par le Maroc ?
Un statu quo qui arrange tout le monde
Lors de son 16e congrès en janvier dernier au camp de Dakhla, l’un des combattants du Polisario a déclaré au journal Le Monde que « l’inaction de la communauté internationale nous condamne à une mort lente. Nous préférons, a-t-il dit, mourir avec dignité ». Un refus net du statu quo qui prédomine dans ce conflit post-colonial, le plus vieux sur le continent africain.
« Le statu quo est l’un des problèmes de ce conflit qui n’est pas géostratégiquement important pour attirer une attention suffisante qui fasse que la communauté internationale mette la pression sur les parties pour arriver à une résolution », affirme Aboubakr Jamaï, spécialiste du Maghreb et professeur de relations internationales à Aix-en-Provence. Cet universitaire remarque qu’il « y a toujours eu des conflits plus pressants pour la communauté internationale, comparé à un conflit qui est assez froid en réalité… On peut probablement dire que c’est un échec du Polisario, parce qu’il pensait qu’en décidant de rompre le cessez-le-feu, il allait pouvoir attirer cette attention-là. Force est de constater qu’il a perdu sur ce point, parce qu’il n’y a pas eu de regain d’intérêt en faveur de ce conflit, ce qui, à mon avis, joue en faveur du statu quo et qui est en faveur du Maroc ».
Selon Aboubakr Jamaï, c’est cette situation de statu quo qui fait que « les prémices d’une solution sont éloignées en raison de cette radicalisation des uns et des autres ».
Depuis que le président américain Donald Trump a reconnu la « marocanité » du Sahara, l’attitude marocaine fait écho à cette position même si, en question de droit international, rien n’a changé et que le Sahara, au regard des Nations unies, reste un territoire « non autonome ». Selon plusieurs observateurs, ce statu quo arrange finalement tout le monde, surtout les Européens qui ne veulent pas se brouiller avec le Maroc ou avec l’Algérie à cause de cette question. Ils ne veulent pas non plus aller contre la volonté des États-Unis.
La jeunesse du Polisario s’oppose à l’ancienne génération
Aujourd’hui, il y a, au sein du mouvement Polisario, deux tendances qui s’opposent : la jeunesse qui réclame un changement de stratégie face au statu quo. Elle appelle à un durcissement de la lutte armée. Face à elle, la vieille génération parie toujours sur l’ONU et la communauté internationale pour résoudre ce conflit.
La position de cette jeunesse et son opposition est un élément très important qui vient d’apparaître dans l’équation sahraouie. Selon Ricardo Fabbiani, directeur de recherche sur le Maghreb à l’International Crisis Group, « c’est une opposition au leader, Ibrahim Ghali. La jeunesse réclame de faire monter un peu le niveau de combats et d’essayer de mener une espèce d’escalade militaire contre le Maroc, à l’intérieur même du territoire occupé, afin de faire monter la tension dans la région ».
Une position qui va à l’encontre de la stratégie adoptée par le chef du Polisario, qui continue, lui, dans une certaine mesure à être ouvert à l’hypothèse de la reprise de pourparlers. « Cette opposition au sein du Polisario est surtout soutenue par la jeunesse. Il y a une génération de Sahraouis, dans les camps de Tindouf, qui a grandi dans l’atmosphère de cessez-le-feu de 1991 et donc l’accord de l’ONU pour organiser un referendum, qui n’a jamais donc eu lieu. C’est une jeunesse qui en a marre du statu quo et qui croit qu’il faut revenir aux armes pour libérer le territoire occupé », analyse Ricardo Fabbiani.
L’impuissance de l’ONU
Si ce long conflit marque également le manque d’intérêt géopolitique de la communauté internationale pour cette région, la guerre récente en Ukraine n’arrange pas les choses. « Finalement, on est revenu à une configuration internationale, États-Unis contre la Russie, Occidentaux contre ce qu’on appelait autrefois les non-alignés. Donc, le fait de revenir à une configuration qui n’est pas la guerre froide, mais qui y ressemble, ne va pas, en tout cas, dans le sens d’une régulation, souligne Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Cela étant dit, ce qui va être très important, c’est la sortie de la crise de l’Ukraine. Est-ce que la Russie va gagner, est-ce que qu’il y aurait un statu quo ? Est-ce que les États-Unis ou leurs alliés vont plutôt marquer des points ? »
C’est donc l’issue de ce conflit en Ukraine qui va déterminer le nouveau contexte international et qui fera naître, peut-être, un nouvel ordre mondial. Il faut rappeler, note Pierre Vermeren, « que cette question du Sahara, elle est en débat chaque année à l’ONU, que l’ONU est présente sur le terrain, que l’ONU a montré depuis très longtemps son impuissance, notamment à cause de la guerre froide, mais la guerre froide est finie depuis très longtemps et l’impuissance (de l’ONU) a demeuré ».
Actuellement, l’hypothèse d’une reprise de pourparlers semble difficile à envisager. Le Polisario exige une évolution de la position de l’ONU. Quant au Maroc, il a réussi à imposer une nouvelle réalité sur le front politique et diplomatique. Plusieurs pays africains et européens reconnaissent désormais la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
rfi