Des partisans de l’ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan protestent contre son arrestation, devant le Haut-commissariat du Pakistan à Londres, Grande-Bretagne, le 9 mai 2023. Photo Henry Nicholls/Reuters
L’ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan comparaît mercredi devant un tribunal spécial au lendemain de son arrestation lors d’une convocation judiciaire, qui a déclenché de violentes manifestations de ses partisans à travers le pays. Les tensions semblaient s’être apaisées mercredi matin après une nuit agitée. Mais un important dispositif de sécurité a été mis en place dans la capitale, en particulier à l’extérieur du bâtiment de police où le tribunal spécial se réunira pour statuer sur le cas d’Imran Khan, Premier ministre de 2018 à 2022.
Dans la nuit de mardi à mercredi, des affrontements ont éclaté entre les partisans du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de M. Khan, et la police dans plusieurs grandes villes. Près de 1.000 manifestants ont été arrêtés dans la province du Pendjab, la plus peuplée du pays, et 130 membres de la police ont été blessés, selon cette dernière. Les autorités ont également ordonné mercredi la fermeture des écoles dans tout le pays et ont continué à restreindre l’accès aux médias sociaux tels que Twitter et Facebook.
L’ancien joueur vedette de cricket, reconverti en politique depuis 1996, a fait l’objet d’une arrestation mouvementée mardi dans un tribunal d’Islamabad où il devait répondre d’accusations de corruption. Imran Khan avait été destitué de ses fonctions de chef du gouvernement en avril 2022, après avoir perdu le soutien de l’armée et le vote d’une motion de censure à son encontre. Après sa chute, M. Khan, 70 ans, visé par plusieurs dizaines d’affaires judiciaires et dont les relations avec l’institution militaire n’ont fait que se dégrader, a fait pression pour l’organisation d’élections anticipées avant la date limite d’octobre, dans l’espoir de revenir au pouvoir. En vain.
« Affaire illégitime »
L’ex-Premier ministre, parvenu au pouvoir avec l’appui de l’armée en 2018 avant de se brouiller avec la hiérarchie militaire, a accusé ce week-end un officier supérieur d’avoir comploté pour l’assassiner en novembre lors d’un meeting, au cours duquel il a été blessé par balle à une jambe. « Ces allégations fabriquées de toutes pièces et malveillantes sont extrêmement malheureuses, déplorables et inacceptables », a répondu lundi dans un communiqué l’armée, estimant que « cette propagande tapageuse » visait à « promouvoir des objectifs politiques ».
Officiellement, l’agression est l’oeuvre d’un tireur solitaire qui, selon une vidéo diffusée par la police, a avoué en être l’auteur et qui est incarcéré, mais cette théorie est rejetée par M.Khan. Les critiques à l’encontre de l’armée sont rares au Pakistan, où ses chefs exercent une influence politique considérable. Elle a organisé au moins trois coups d’Etat depuis l’indépendance en 1947, régnant pendant plus de 30 ans. « Mes (chers) Pakistanais, au moment où ces mots vous parviendront, j’aurai été arrêté dans le cadre d’une affaire illégitime », avait déclaré mardi M. Khan dans une vidéo pré-enregistrée, anticipant son arrestation. Sur une vidéo diffusée mardi par des chaînes de télévision locales, on aperçoit M. Khan poussé par des dizaines de paramilitaires dans une voiture blindée stationnée dans l’enceinte du tribunal à Islamabad.
« Etat de droit »
« Aucun dirigeant ou avocat du PTI ne sait rien de l’état de santé de M. Khan. Nous n’avons pas le droit de le voir », a déploré mercredi auprès de l’AFP un de ses avocats, Faisal Hussain Chaudry. Quelques heures après la nouvelle de l’arrestation, de violentes manifestations ont éclaté mardi. Des protestataires ont fait irruption dans la résidence du commandant militaire de Lahore (est) et ont bloqué les grilles d’entrée du quartier général de l’armée à Rawalpindi, près d’Islamabad. À Peshawar, la foule a détruit le monument de Chaghi, une sculpture en forme de montagne qui honore le lieu du premier essai nucléaire pakistanais. Plusieurs monuments à la mémoire des militaires tués en service actif ont également été vandalisés.
Shah Mehmood Qureshi, le vice-président du PTI, a exhorté ses partisans à continuer à manifester « de manière légale et pacifique », ajoutant que les avocats du parti déposeraient de nombreux appels contre l’arrestation de M. Khan. Les États-Unis veulent « s’assurer que tout ce qui se passe au Pakistan est conforme à l’Etat de droit, à la constitution », a déclaré mardi le secrétaire d’État, Antony Blinken, lors d’une conférence de presse avec le ministre britannique des affaires étrangères, James Cleverly, à Washington. « Nous voulons une démocratie pacifique dans ce pays », a ajouté M. Cleverly. Le ministre de l’Intérieur pakistanais, Rana Sanaullah, a souligné de son côté que cette arrestation était « conforme à la loi » et avait été effectuée par l’Office national anti-corruption (NAB), « un organisme indépendant qui n’est pas contrôlé par le gouvernement ».
lorientlejour