Tunisie : enquête sur la fusillade meurtrière à Djerba pendant un pèlerinage juif

Au lendemain de la fusillade ayant fait quatre morts à Djerba, l’enquête tentait mercredi d’en établir les circonstances précises. Un dispositif de sécurité a été déployé dans le périmètre de la synagogue de la Ghriba, fermant toutes les routes y donnant accès.

Attentat « terroriste » ou acte isolé ? Les autorités tunisiennes enquêtent, mercredi 10 mai, pour élucider les circonstances de l’attaque menée par un gendarme ayant tué deux de ses collègues et deux fidèles devant une synagogue sur l’île de Djerba, pendant le pèlerinage juif annuel, avant d’être abattu.

La synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d’Afrique, avait déjà été visée en 2002 par un attentat-suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts.

« Une enquête criminelle préliminaire a été ouverte », a déclaré à l’AFP Fethi Bakkouche, porte-parole du tribunal de Médenine, dont dépend l’île de Djerba.

L’attaque a eu lieu en deux temps alors que des centaines de fidèles participaient au pèlerinage juif annuel de la Ghriba qui touchait à sa fin mardi soir.

 

Un dispositif de sécurité a été déployé dans le périmètre de la synagogue, fermant toutes les routes y donnant accès, ont constaté des correspondants de l’AFP sur place.

Selon le ministère tunisien de l’Intérieur, le gendarme auteur des tirs a d’abord tué l’un de ses collègues par balle sur le port de Djerba et s’est emparé de son arme et de ses munitions. Il s’est ensuite rendu aux abords de la synagogue, distante d’une quinzaine de kilomètres, où il a ouvert le feu sur les forces de l’ordre qui assuraient la sécurité du lieu, avant d’être abattu.

Condamnations de Paris et Washington

Deux fidèles, un Tunisien et un Franco-Tunisien ont été tués par les tirs de l’assaillant, et quatre autres ont été blessés et évacués vers un hôpital, selon les autorités. Six gendarmes ont également été blessés par les tirs de l’assaillant. L’un d’eux a succombé à ses blessures mardi soir, selon le ministère de l’Intérieur.

Selon l’ancien ministre tunisien du Tourisme, René Trabelsi – une figure de la communauté juive tunisienne présent dans la synagogue au moment de l’attaque –, les fidèles tués sont deux cousins : Aviel Haddad, un juif tunisien de 30 ans, et Benjamin Haddad, 42 ans, qui résidait en France et se trouvait à Djerba pour participer au pèlerinage.

Dans une interview à la radio Mosaïque FM, René Trabelsi a indiqué que « sans l’intervention rapide des forces de sécurité, un carnage aurait eu lieu car des centaines de visiteurs se trouvaient sur les lieux ». Selon lui, l’assaillant portait son uniforme de gendarme et un gilet pare-balles.

« Toujours, sans relâche, nous lutterons contre la haine antisémite », a par ailleurs prévenu mercredi Emmanuel Macron. « L’attaque contre la synagogue de la Ghriba nous bouleverse. Nous pensons avec douleur aux victimes, au peuple tunisien, nos amis. Nous sommes aux côtés de la famille de notre compatriote assassiné », a ajouté le président français dans un message publié sur Twitter.

Le tourisme à nouveau affecté ?

Selon les organisateurs, plus de 5 000 pèlerins juifs, essentiellement venus de l’étranger, ont participé cette année au pèlerinage de la Ghriba qui a repris l’année dernière après deux ans d’interruption en raison de la pandémie de Covid-19.

Organisé au 33e jour de la Pâque juive, le pèlerinage de la Ghriba est au cœur des traditions des Tunisiens de confession juive, qui ne sont plus que 1 500 – majoritairement installés à Djerba –, contre 100 000 avant l’indépendance en 1956.

Des pèlerins viennent aussi traditionnellement de pays européens, des États-Unis ou encore d’Israël, mais leur nombre a considérablement diminué après l’attentat de 2002.

L’attaque survient au moment où le tourisme enregistre une forte reprise en Tunisie après un net ralentissement pendant la pandémie. Ce secteur clé pour l’économie avait été gravement affecté après les attentats de 2015 contre le musée du Bardo à Tunis et un hôtel de la station balnéaire de Sousse, dont le bilan s’était élevé à 60 morts dont 59 touristes étrangers.

La Tunisie traverse par ailleurs une crise financière et institutionnelle qui a empiré depuis que le président Kais Saied s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021, faisant vaciller la démocratie née de la première révolte du Printemps arabe en 2011.

AFP

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