Le chef de l’État s’est démultiplié depuis la promulgation de la réforme des retraites avec pas moins de six déplacements de terrain en moins d’un mois, et se rend ce vendredi à Dunkerque. Si les fidèles du Président salue sa volonté de « dialogue » avec les Français, d’autres s’inquiètent du « tournis » et de l’absence de réponse sur la réforme des retraites.
Un agenda qui a pris une toute autre tournure. Après une relative discrétion médiatique entre l’annonce de la réforme des retraites en janvier et la promulgation express du texte fin mars, Emmanuel Macron renoue tous azimuts avec le terrain. Direction Dunkerque ce vendredi. Mais si la stratégie vise à sortir de l’ornière, elle peut aussi s’avérer explosive.
« Assez inédit en dehors d’une présidentielle »
Avant d’ajouter: « Un déplacement de terrain du Président bien orchestré, c’est le premier sujet par lequel commencent les journaux télévisés du soir, un papier dans toute la presse quotidienne régionale, plusieurs heures sur les chaînes d’info. C’est un outil extrêmement puissant ».
« Pas assez présent »
Entre janvier et mars, en pleine contestation sociale et alors que les députés débattent de la retraite à 64 ans, Emmanuel Macron n’était ainsi descendu dans l’arène qu’à quatre reprises, dont deux fois au milieu des badauds à Rungis puis au Salon de l’Agriculture.
Les deux autres déplacements étaient, eux, extrêmement cadrés, de l’annonce du vaccin contre le col de l’utérus pour tous les collégiens en Charente au dévoilement du plan eau dans les Hautes-Alpes.
« Un côté catalogue de mesures »
La leçon est manifestement retenue. Conditions de travail dans le Bas-Rhin pour son retour sur le terrain le 19 avril, climat éducatif dans l’Hérault, réforme du lycée professionnel en Charente-Maritime, batteries électriques à Dunkerque ce vendredi… Le chef de l’État met à nouveau les mains dans le cambouis et veut s’atteler au sujet de la vie quotidienne avec souvent des annonces à la clé: hausse des salaires des professeurs, stages rémunérés en CAP…
« Un président ne peut pas se déplacer sans annoncer quelque chose. Donc forcément, ça peut donner un côté catalogue de mesures qui perdent un peu les Français », avance Franck Louvrier, l’ancien conseiller presse de Nicolas Sarkozy.
Des visites très cadrées pour « ne pas abîmer la fonction »
Mais le risque de perdre les Français à trop multiplier les messages n’est pas ce qui cristallise les inquiétudes de son entourage. Ce sont plutôt les concerts de casseroles qui ont suivi Emmanuel Macron lors de la reprise de ses déplacements qui ont donné des sueurs froides à ses équipes. Si officiellement le Président veut continuer d’aller au contact, le format a changé.
Après un bain de foule très houleux dans le Bas-Rhin, entre huées, slogans « Macron démission » et sifflets, l’Élysée a revu le format des déambulations. Halte aux bains de foule préparés en amont, bonjour les déplacements « improvisés ».
Ainsi, après la visite très cadrée d’un collège à Ganges (Hérault), où un comité d’accueil l’attendait, le chef de l’État s’est arrêté à Pérols, la commune de sa secrétaire d’État Patricia Mirallès, pour prendre une bière et des tapas avant de se balader dans les rues.
« Village Potemkine »
Les préfectures de police ont également multiplié les arrêtés interdisant tout rassemblement dans le périmètre des visites présidentielles. S’ils ont été à plusieurs reprises validés par la justice administrative, un arrêté a bien été suspendu: celui pris autour du déplacement d’Emmanuel Macron à Vendôme.
Les manifestants pouvaient donc désormais s’approcher de la maison de santé dans laquelle le Président échangeait avec des soignants. Emmanuel Macron est alors parti rapidement à la sortie des échanges et n’a discuté brièvement qu’avec quelques badauds qui attendaient au bord de la route, avant qu’il ne rentre en hélicoptère à Paris. Au risque de sembler éviter la confrontation?
« C’est dur »
L’ancien proche du prédécesseur d’Emmanuel Macron s’étonne également des thématiques des déplacements. « Les Français ont envie qu’on leur parle retraites et pouvoir d’achat. Et ça, il ne veut pas le faire », regrette Gaspard Gantzer.
Le diagnostic n’est pas partagé par les proches du chef de l’État, qui mettent en avant « le retour de la bande passante pour d’autres sujets » après des semaines de réforme des retraites sur la scène politique. « On arrive aussi à des dossiers matures après un an de travail. Donc on les porte, on les défend », avance ainsi un lieutenant du quadragénaire. Certains macronistes s’inquiètent pourtant.
« Pas d’autre choix »
« Peut-être qu’on aurait dû lancer quelque chose sur le modèle de l’itinérance mémorielle avec cette fois-ci comme fil rouge le thème de l’inflation », regrette un député macroniste.
À l’automne 2018, Emmanuel Macron avait parcouru pendant six jours les lieux marquants de la Première Guerre mondiale dans les Hauts-de-France et le Grand Est. La comparaison peut cependant étonner: une semaine plus tard commençait la crise des gilets jaunes.
Emmanuel Macron n’a pas prévu de lever le pied sur le terrain les prochaines semaines. Il a ainsi demandé à ses équipes de lui organiser deux déplacements par semaine jusqu’au début de l’été.
bmftv