Manque d’accès à des interprètes ou à des médecins, zones pour mineurs surpeuplées, violences, lenteur des procédures d’asile… les centres fermés pour migrants des îles grecques de la mer Égée sont depuis leur ouverture en 2021 la cible de critiques de la part des ONG. Mais cette fois, elles émanent de l’Union européenne, qui finance ces structures.
Près de deux ans après leur ouverture, les centres pour demandeurs d’asile de Samos, Leros et Kos, sur les îles grecques de la mer Égée, ne font plus l’unanimité dans la classe politique européenne.
Ces centres d’accès contrôlé (CLC), financés par l’Union européenne (UE) à hauteur de 270 millions d’euros, étaient pourtant présentés par les responsables européens comme des exemples à suivre pour l’accueil des migrants en Europe. Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait vanté le « modèle européen » de la structure de Samos, lors d’une visite sur l’île en octobre 2021.
Accès insuffisant aux soins
Mais moins de deux ans plus tard, le constat est plus mitigé. Loin du « camp impeccable » dont parlait le ministre grec des Migrations, Notis Mitsotakis, lors de l’ouverture de Samos, les centres de la mer Égée sont pointés du doigt pour leurs nombreuses défaillances par leur propre bailleur, l’UE.
Des documents internes de l’Union européenne, que s’est procurés Al Jazeera, montrent d’importantes violations des droits des migrants dans la sécurité, l’accès à l’asile, à des soins ou à des interprètes.
La chaîne d’information qatarie s’est basée sur des dizaines de rapports hebdomadaires effectués par des représentants de la Commission européenne sur les îles entre mars 2022 et février 2023.
Dans le centre de Samos, les membres de l’UE ont fait état à plusieurs reprises de personnel soignant en quantité suffisante, notamment pour les mineurs isolés, cantonnés dans des « zones de sécurité » à l’intérieur du camp.
Le peu de médecins présents dans tous les centres est « un énorme problème » selon les rapporteurs de la Commission. Cela entraîne des retards dans l’assistance médicale et dans les contrôles médicaux nécessaires pour déterminer l’âge, ou le statut de vulnérabilité des nouveaux arrivants pouvant bénéficier de protection et de procédures spéciales.
Dans la structure de Leros, la Commission a documenté des « problèmes quasi quotidiens » de « violence » et de « vandalisme » dans la partie réservée aux mineurs non accompagnés, en raison notamment de la surpopulation.
L’UE s’inquiète par ailleurs du manque d’interprètes, qui ralentit les traitements des procédures d’asile et limite les soins des demandeurs d’asile.
L’accès à l’eau potable peut aussi être problématique, pointent les documents de l’UE. L’an dernier, les demandeurs d’asile du camp de Samos ont passé plus de deux semaines sans eau courante.
En octobre 2021, une forte tempête avait endommagé le « camp modèle » de Samos. De nombreux conteneurs d’habitations avaient subi des fuites d’eau. « Le centre a été construit au fond d’une vallée donc l’eau ruisselle depuis les hauteurs », s’inquiétait une source de Samos Advocacy Collective qui assurait que « l’île est bien connue pour être régulièrement exposée à de fortes pluies ».
« Respecter les normes d’accueil »
Contactée par Al Jazeera, la Commission européenne a affirmé qu’elle « surveillait en permanence l’évolution de la situation grâce à son personnel déployé sur les îles pour s’assurer que les centres financés par l’UE respectent les normes d’accueil ». Pour l’UE, « il incombe en dernier ressort aux autorités grecques de veiller à ce que ces normes soient respectées ».
Ces centres avaient été construits pour mettre fin aux immenses camps où s’entassaient des milliers de migrants dans des conditions déplorables. Celui de Moria à Lesbos, appelé « camp de la honte », était le plus tristement connu.
Depuis leur ouverture, les centres pour demandeurs d’asile des îles grecques sont la cible de critiques de la part des ONG. Les humanitaires les comparent à des prisons à ciel ouvert. Isolés des centres-villes, les camps marginalisent encore plus les exilés, selon les associations.
Quarante-cinq ONG et groupes de la société civile avaient, dès leur ouverture, demandé à l’UE et au gouvernement grec d’y mettre fin. Selon eux, ces lieux « entraveront l’identification et la protection des personnes vulnérables, limiteront l’accès aux services et à l’assistance pour les demandeurs d’asile, et exacerberont les effets néfastes du déplacement sur la santé mentale des individus ».
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