Dangote dote le Nigeria d’une méga-raffinerie de pétrole

L’inauguration tant attendue, ce lundi 22 mai ? avec sept ans de retard ? de la première raffinerie privée de pétrole brut du Nigeria, par l’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, concrétise un vieux rêve pour les Nigérians. En effet, il s’agit bien de l’un des plus gros investissements du Nigeria. Plus qu’une infrastructure industrielle, la méga-raffinerie ambitionne de répondre entièrement aux besoins en carburant du pays le plus peuplé d’Afrique et même d’en exporter sur le continent.

Cet ambitieux projet promet, également, de stimuler la croissance, alors que ces dernières années ont été marquées par une grave détérioration de la situation économique dans le pays le plus peuplé d’Afrique (215 millions d’habitants).

Preuve de l’implication de l’État, l’usine est détenue à 20 % par la Nigeria National Petroleum Co., la compagnie pétrolière d’État, qui s’est en tout cas engagée à fournir 300 000 barils de brut. Et le président nigérian Muhammadu Buhari était, bien évidemment, aux premières loges, lors de l’inauguration, dans la zone franche de Lekki, dans la périphérie de Lagos.

Lancé en 2013, le projet industriel de plus de 18,5 milliards de dollars (le double du coût initial) est « la plus grande raffinerie à train unique du monde », selon le groupe Dangote, et devrait, à plein régime, avoir la plus grande capacité de raffinage de brut sur le continent africain.

Une inauguration en grande pompe
Preuve que le projet entre dans une stratégie plus globale d’industrialisation du pays, le site industriel a été construit à côté du nouveau port en eau profonde de Lekki, inauguré en 2022, qui doit permettre de désengorger le port de Lagos, mais aussi d’exporter une partie du pétrole raffiné de Dangote vers d’autres pays africains.

« Ce complexe a la capacité de traiter 650 000 barils de brut par jour, ce qui permettra à notre pays d’atteindre l’autosuffisance en matière de produits raffinés, et même d’avoir des réserves pour l’exportation », a déclaré le chef de l’État, Buhari, à quelques jours de la fin de son second mandat.

« Il s’agit d’une étape importante pour notre économie et d’un changement de donne pour le secteur pétrolier, non seulement au Nigeria, mais sur l’ensemble du continent », a-t-il ajouté devant plusieurs chefs d’État africains, et responsables nigérians, dont les présidents Mohamed Bazoum (Niger), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo-Addo (Ghana) et Faure Gnassingbé (Togo).

Le nouveau président élu du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu (candidat du parti au pouvoir élu en février), qui doit entrer en fonction lundi prochain, n’était pas présent. Il était représenté par son vice-président Kashim Shettima.

« Au-delà de la cérémonie d’aujourd’hui, notre premier objectif est d’accélérer la production des différents produits pour nous assurer que, cette année, nous serons en mesure de satisfaire pleinement les demandes de notre pays », a pour sa part annoncé, optimiste, Aliko Dangote, dont l’influence politique à Abuja ne se dément pas.

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Le Nigeria vers l’autosuffisance dans le secteur énergétique
La raffinerie, dont la mise en service a été maintes fois reportée, ne devrait commencer ses opérations qu’en juin. Ce qui en ferait l’un des plus importants complexes industriels du continent, et pourrait changer la donne au Nigeria. Car si le pays est l’un des plus gros producteurs de pétrole d’Afrique, il importe pourtant la quasi-totalité de son carburant, en raison de la défaillance de ses raffineries d’État.

Le Nigeria échange son pétrole brut estimé à des milliards de dollars contre du carburant importé, qu’il subventionne par la suite, pour garder un prix artificiellement bas sur le marché, créant un gouffre financier. Ainsi, en 2020, le géant économique d’Afrique de l’Ouest a dépensé 7,78 milliards de dollars pour importer des produits pétroliers raffinés. L’année suivant, la valeur de ces importations a même augmenté de 45 % pour atteindre 11,3 milliards de dollars.

Selon les analystes, ce système encourage la corruption et empêche l’État d’investir massivement dans des secteurs clés, comme la santé ou l’éducation, alors que près de la moitié des Nigérians vivent dans une extrême pauvreté. Le Nigeria a dépensé près de 10 milliards de dollars en subventions aux carburants en 2022. Un chiffre qui représente environ 24 % du budget 2022 et constitue surtout un frein insoutenable aux finances publiques.

Selon le milliardaire nigérian ? que l’on retrouve dans le ciment, les engrais, l’agriculture ?, à terme, « au moins 40 % de la capacité de la raffinerie sera disponible pour l’exportation, ce qui devrait entraîner pour le pays d’importantes entrées de devises ». Lors de son discours, il a assuré que les premiers produits pétroliers devraient être mis sur le marché nigérian « avant la fin du mois de juillet, début août de cette année ».

Faire avec une production en baisse et d’immenses contraintes
Cependant, si les planètes semblent alignées pour le groupe Dangote, les analystes doutent de la date avancée pour la mise en service de la raffinerie. En effet, l’installation a besoin d’un approvisionnement constant en brut, mais la production de pétrole du Nigeria a diminué en raison des vols de pétrole répétés, du vandalisme des pipelines et du sous-investissement. Ces dernières années, le pays a fait face à plusieurs pénuries de carburant, qui ont fait flamber les prix des transports et des produits de base.

Pour ce qui est des récentes pénuries de carburant, elles ont été imputées à la guerre russo-ukrainienne, ainsi le prix du carburant importé a augmenté de plus de 100 %. Et les importateurs ont opéré à perte en raison des plafonds de prix fixés par le gouvernement.

« Il est peu probable que les premiers produits soient disponibles en août, ce sera probablement à la fin de l’année », affirme, à l’AFP, Tunde Leye, du groupe d’analyse nigérian SBM intelligence. « On s’attend à ce que la raffinerie tourne à plein régime à la fin de l’année 2024 seulement », ajoute-t-il, précisant que l’inauguration de la raffinerie avait fort probablement été avancée pour des raisons politiques.

Elle intervient en effet une semaine avant le départ du pouvoir du président Buhari, qui se retire après deux mandats marqués par une grave détérioration de la situation économique (inflation à deux chiffres, pénurie de carburants, de devises, pauvreté rampante, etc.).

Un projet titanesque attendu par les Nigérians
Selon l’analyste, la méga-raffinerie de Dangote devrait permettre au Nigeria d’en finir avec les fréquentes pénuries de carburant, mais également d’augmenter la qualité du carburant en circulation. Il doute cependant qu’elle permette de baisser dans l’immédiat le prix du carburant au Nigeria, « car M. Dangote a été contraint d’emprunter massivement ». « Il devra rembourser ces prêts rapidement, alors il vendra le pétrole au prix du marché », dit-il.

Autant de défis à relever pour la nouvelle usine, qui devrait, en pleine exploitation, créer plus de 250 000 emplois directs et indirects. La raffinerie « mettra fin au drainage des devises » et « créera des emplois massifs », a déclaré à l’AFP un haut responsable du conglomérat Dangote, qui n’a pas souhaité être nommé. Selon lui, le projet « répondra à l’ensemble des besoins des Nigérians » et servira les besoins du monde entier. « Nous avons la capacité d’exporter les produits vers n’importe quelle partie du monde. Nous disposons de deux navires pour acheminer le brut et de trois navires pour l’exporter vers n’importe quelle partie du monde », a-t-il déclaré.

Des pipelines sous-marins d’une longueur de 1 100 kilomètres ont été installés pour relier le delta du Niger, riche en pétrole, au complexe industriel. Ce vaste complexe comprend également une usine d’engrais d’une valeur de 2 milliards de dollars et d’une capacité de 3 millions de tonnes par an.

lepoint

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