Au cours de ces quatre jours de visite, la première à Pékin pour Félix Tshsiekedi depuis le début de son mandat en 2019, l’objectif de Kinshasa est de remettre à plat la relation sino-congolaise émoussée par le « contrat du siècle » passé il y a 15 ans sous l’ère Kabila.
Un contrat « mines contre infrastructures » qui a tourné au fiasco. La RDC et les Congolais sont les grands perdants de ce contrat jugé léonin et que le numéro un Congolais va tenter de renégocier à partir de ce vendredi.
C’est d’abord l’histoire d’un méga-contrat de la Sicomines, la Sino-Congolaise des Mines, une co-entreprise montée dans l’ex-Katanga avec la société publique congolaise, la Gécamines et le GEC, le Groupement d’entreprises chinoises.
L’ancienne présidence Kabila en était l’architecte. Des mines de cobalt et de cuivre contre des routes, des chemins de fers, etc.
Ça, c’était sur le papier, car dans la réalité : le contrat du siècle a plutôt été le casse du siècle, d’après Jean-Pierre Okenda, le directeur des industries extractives à Resource Matters : « C’est l’arnaque du siècle. Pourquoi ? […] En gros, la Chine accepte de mettre à la disposition une ligne de crédit : 6 milliards de dollars américains.
Ça a été réduit de moitié après l’intervention du FMI qui avait peur d’une dette, que le projet n’était pas soutenable. Et donc il y avait cet argent. Et de l’autre côté, la Chine avait besoin d’accéder aux minéraux, et donc la RDC a dit qu’elle avait des réserves très très importantes : à l’époque, la Gécamines estimait les réserves à 10 millions de tonnes de cuivre, 600 000 tonnes de cobalt. Voilà à quoi ressemblait ce deal. »
Un deal resté lettre morte ou presque
Routes, barrages hydro-électriques de Kakobola et Katende, des milliers de logements sociaux, 145 centres de santé… Tous ces chantiers devaient être faits. Mais quinze ans après, la somme réellement investie par la partie chinoise est restée minimale, selon Jean-Pierre Okenda : « On est en 2023 et on se rend compte aujourd’hui que la Chine n’a déboursé que seulement 30%, soit 822 millions de dollars en infrastructures. »
Ce chiffre, c’est un rapport officiel congolais qui le donne. L’Inspection générale des Finances a sorti un rapport accablant : « dilapidation », « bradage », « colonialisme économique ». L’IGF estime que pour la Sicomines, les mines katangaises ont été une machine à cash : 10 milliards dollars.
Le président congolais passe à l’offensive avec Pékin
Une task force dans le cadre d’une commission ad hoc composé de ministres, du cabinet présidentiel et de membres de la société civile a débouché il y a une semaine sur un document que nous avons pu consulter.
Il a été conçu comme une base des négociations avec Pékin. Premier enseignement : Kinshasa veut inverser le rapport de force actionnarial au sein de la Sicomines et passer de 32% actuellement détenues par la Gécamines à 70% pour la société publique et les autorités congolaises
C’est l’idée force de la renégociation qui semble en vue lors de cette visite d’État. Même si des sources contactées par RFI au sein de la délégation présente à Pékin affirment qu’il faut plutôt refonder la relation sino-congolaise.
La pression est immense sur les autorités congolaises. La société congolaise qui dénonce depuis plus de dix ans ce contrat chinois, les Occidentaux, les Américains et les Européens ou encore l’Initiative pour transparence des industries extractives (Itie) tout le monde pousse pour que Kinshasa reste dans ce cadre de négociations.
« En saluant l’initiative du gouvernement de vouloir renégocier, il est aussi vraiment indispensable de mettre en place des garanties pour s’assurer qu’au final ces négociations soient profitables au Congo et à l’entreprise d’État », indique Jean-Pierre Okenda
Vers un dédommagement ?
La RDC pourrait réclamer 2,2 milliards de dollars comme exigé dans ce document de négociation. Reste que pour un autre acteur de la société civile congolaise, Jean Claude Mputu du Congo N’est pas à Vendre, le timing est loin d’être anodin : « L’arme la plus forte du pouvoir congolais, ce sont ses richesses minières, en particulier les minerais stratégiques pour la transition énergétique.
Donc tous les moyens sont bons pour s’en servir, pour des raisons électorales […] parce qu’on se rend compte que l’Occident est très regardant sur les élections, il faut peut-être éviter de trop mettre la pression sur la Chine, et au moins avoir un allié pour les derniers mois. »
Au-delà de ce contrat, Kinshasa vient clairement trouver un soutien. Après l’entretien bilatéral tout à l’heure avec le président Xi Jinping, Félix Tshisekedi se rendra demain chez Norinco, marchand d’armes, puis chez Huaweï à Shenzen dimanche avant de repartir de Hong Kong au terme de cette visite d’État.
rfi