Si l’année 2020 a été particulièrement bonne pour Netflix, la plateforme a depuis essuyé les conséquences d’une crise économique et sanitaire d’ampleur. Face à une offre de plus en plus éclatée, et la diminution des budgets des ménages consacrés à la culture, le N rouge enregistrait pour la première fois depuis dix ans une baisse de son nombre d’abonnés.
En 2022, l’entreprise rencontrait de premières difficultés, après avoir longtemps régné sans partage sur le secteur du divertissement à la demande. Il lui fallait donc revoir sa stratégie pour assurer la pérennité de son modèle et continuer à produire des films et des séries pour renflouer son catalogue.
En décembre dernier, c’est l’arrivée de la publicité au sein d’une offre low-cost qui a remis le service sur le droit chemin. Cet abonnement, proposé à 5,99 euros par mois, est d’ailleurs largement plébiscité à travers le monde. Il faut dire que l’idée est bonne. Il permet à l’entreprise de conquérir de nouveaux marchés, notamment du côté des ménages les plus modestes.
Mais pour que cette offre s’impose véritablement, encore faut-il qu’elle soit la seule, option possible pour économiser quelques deniers supplémentaires. Certains utilisateurs à travers le monde, 100 millions selon l’entreprise américaine, ne paient pas leur abonnement.
Ces squatteurs de compte représentent un immense manque à gagner pour la plateforme, dont elle compte bien s’emparer au cours des prochains mois. C’est de cette volonté de tirer parti de ces utilisateurs fantômes qu’est née la campagne contre le partage de compte. D’abord au Canada et en Espagne, puis dans nos vertes contrées, le N rouge a déployé une stratégie visant à empêcher l’accès à un compte à ceux qui ne résident pas au sein du foyer principal.
Grâce à des algorithmes, l’entreprise est capable de détecter quels appareils appartiennent à des personnes vivant sous le même toit, et lesquels sont détenus par des squatteurs. C’est le Wi-Fi qui joue un rôle crucial dans la manœuvre, chacun des appareils devant s’y connecter au moins une fois par mois pour conserver son accès.
Quelques exceptions ont néanmoins été annoncées, permettant dans des cas très précis de favoriser le partage avec les enfants dans le cas d’une garde partagée ou lorsqu’un utilisateur voyage souvent pour affaire ou dans une résidence secondaire. Mais l’entreprise ne peut évidemment pas s’adapter à tous les cas de figure et les mécontents sont nombreux.
#CancelNetflix
Il n’a donc pas fallu attendre très longtemps avant qu’un phénomène ne naisse sur les réseaux sociaux. Depuis quelques jours, le hashtag #CancelNetflix s’est invité dans les tendances Twitter. Sur le réseau social de l’oiseau bleu, nombreux sont les utilisateurs à partager leur mécontentement après la mise en place des blocages en France et dans le pays de l’Oncle Sam. Certains y dénoncent une approche trop radicale, comme cet utilisateur qui ne peut plus accéder à ses séries et à ses films depuis l’hôpital où il séjourne.
Ahhh. Its finally happening in the US. @netflix is cracking down on Password sharing. Time to #CancelNetflix. This is stupid btw cause I'm in a hospital and not at home with my family that I share Netflix with. pic.twitter.com/LEJRYYpDGo
— The_Legendary_Quarintined_Potato (@LegendarySuper7) May 26, 2023
Néanmoins, il est encore difficile de savoir exactement combien d’usagers ont réellement pris la tangente. Il semble d’ailleurs assez peu probable que l’entreprise ne livre ses chiffres avant la prochaine présentation de ses résultats financiers. Une étude Kantar révélait pourtant qu’en Espagne, ce sont pas moins d’un million d’utilisateurs qui ont plié bagage après la fin du partage de compte. Un phénomène assez prédictible, mais qui n’inquiète pas vraiment le géant de la SVOD. Plus tôt, cette année, Netflix expliquait à ses investisseurs :
“D’après l’expérience menée en Amérique latine, nous nous attendons à une réaction d’annulation sur chaque marché lorsque nous déploierons le partage de compte payant. Cela aura un impact sur la croissante de notre nombre d’abonnés à court terme.
Mais à mesure que les ménages emprunteurs commencent à activer leurs propres comptes autonomes et que des membres supplémentaires sont ajoutés, nous nous attendons à voir une amélioration de nos revenus globaux. C’est notre objectif avec tous les changements de plan et de tarification”.
La première mesure du genre… mais sans doute pas la dernière
Netflix n’est pas la seule plateforme à devoir relever le défi de la rentabilité. Disney+ est aussi dans la tourmente, ses activités se faisant à perte depuis son lancement. L’entreprise annonçait en février dernier le licenciement de pas moins de 7 000 collaborateurs chargés du service SVOD.
La situation ne s’est d’ailleurs pas améliorée depuis, en mai dernier, c’est une baisse de 4 millions d’utilisateurs à travers le monde que l’entreprise accusait. Si Bob Iger espère atteindre la rentabilité dès l’année 2024, notamment en se séparant de certaines productions n’ayant pas rencontré le succès, la réponse à ces problèmes pourrait également se trouver du côté de la fin du partage de compte.
Les abonnés qui augmentent depuis la publication de ce tweet https://t.co/s9IupCsfFa pic.twitter.com/seU21Z6Rru
— Prime Video France (@PrimeVideoFR) May 24, 2023
Les amateurs de streaming commencent à en avoir l’habitude, lorsqu’une stratégie fonctionne chez un acteur, ses concurrents directs ne tardent pas à lui emboîter le pas. Ça a été le cas pour la publicité chez Disney+, Netflix, mais aussi HBO Max aux États-Unis.
Si Prime Video s’amuse à moquer la décision du N rouge, une démocratisation de ces blocages n’est pas à exclure. Reste que les entreprises doivent marcher sur des œufs, pour éviter un retour en force du piratage. Si les mesures prises par les gouvernements n’ont pas vraiment endigué le phénomène, c’est l’arrivée du streaming payant qui aura relégué les sites pirates au rang de vestiges du numérique.
L’éclatement de l’offre les avait déjà remis sur le devant de la scène. Les prochains mois seront donc décisifs pour Netflix et consorts, qui sont à un tournant de leur histoire.
BGR