Une étude de l’institut de sondage Sotomo avance que les femmes votent désormais plus à gauche que les hommes. Mais un spécialiste n’est pas aussi catégorique.
Une étude réalisée par l’institut de sondage Sotomo pour la «NZZ am Sonntag» a démontré que la proportion de femmes à se sentir «de gauche» a fortement augmenté depuis dix ans. Alors que, en 2010, 35% des femmes âgées de 18 à 29 ans se positionnaient à gauche du centre, elles sont aujourd’hui 52% – soit une jeune femme sur deux.
Chez les jeunes hommes, la tendance est inverse: aujourd’hui 43% d’entre eux se positionnent à droite du centre, quand ils n’étaient que 29% à le faire en 2010.
La conclusion de cette recherche tend à dire que «les opinions politiques des jeunes hommes et femmes n’ont jamais été aussi éloignées qu’aujourd’hui». Néanmoins, Georg Lutz, professeur en sciences politiques à l’Université de Lausanne, doute que cette «tendance soit aussi claire. On ne peut pas savoir si ces données seront confirmées sur le long terme ou si cette analyse n’est valide que pour notre période contemporaine.»
«Nos études sur les votations depuis 1981 démontrent que les différences entre hommes et femmes ont toujours existé.»
«Nos études sur les votations depuis 1981 démontrent que les différences entre hommes et femmes ont toujours existé et qu’elles varient énormément en fonction des votations. Il est difficile, en analysant l’étude de Sotomo, de parler de réelle tendance», soulève celui qui était également directeur de projet de VOTO, la série d’enquêtes menées après chaque votation populaire fédérale en Suisse.
Il s’accorde toutefois avec l’étude concernant l’exemple récent le plus marquant de différence entre les hommes et les femmes: la réforme de l’AVS. L’année dernière, 64% des hommes ont voté pour relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, contre seulement 38% des femmes.
Comportement électoral «volatil»
L’étude soulève ainsi que le nombre de jeunes femmes qui se disent à gauche est passé de 35% à 52% entre 2010 et aujourd’hui. Du côté des hommes se disant à droite, ce chiffre est passé de 29 à 43% sur la même période. Sur ce point, le spécialiste se montre plus prudent. «Certes, lors des deux dernières élections, les différences ont été très marquées. Mais la proportion de votes pour la gauche est stable au niveau national depuis l’introduction du vote proportionnel en Suisse en 1919, soit aux alentours de 30%.»
Il voit, en cette étude de Sotomo, un conflit entre des mythes et la réalité. «Il existe tout d’abord la croyance que les jeunes votent davantage pour la gauche que les personnes plus âgées. Mais dans les faits, notre vote est influencé par nos pairs et surtout nos propres parents. De plus, le comportement électoral des jeunes personnes n’est pas fixé dans le temps, il reste très volatil et changeant en fonction de l’évolution des individus.»
D’un point de vue plus historique, «lorsque le suffrage féminin en 1971 a été introduit, les partis bourgeois ont eu très peur de l’introduction du droit de vote des femmes. Un mouvement important vers la gauche a donc été attendu. Mais on reconnaît aujourd’hui que le suffrage féminin n’a rien changé en termes de proportion.»
Pour expliquer les résultats de la recherche de Sotomo, l’institut évoque entre autres la relance du mouvement féministe. Georg Lutz n’est pas convaincu par cette réponse. En pointant les disparités présentes depuis des décennies, il a le sentiment qu’il n’existe pas de bonnes explications pour décortiquer les différences actuelles.
24heures