Et de trois. Ce lundi, le Parti communiste a annoncé, via l’agence de presse Chine nouvelle, que les couples chinois pourront désormais avoir jusqu’à trois enfants pour faire face au vieillissement de la population. Depuis 2015 et la fin de la politique de l’enfant unique, entrée en vigueur dans le pays en 1979, les familles qui le souhaitaient étaient autorisées à mettre au monde jusqu’à deux enfants. A l’époque déjà, l’augmentation du nombre de Chinois s’approchant de l’âge de la retraite et le ralentissement du nombre d’actifs étaient venus justifier ce virage historique.
Cinq ans après la mise en place de cette mesure censée stimuler la natalité, le nombre annuel de naissances continue de chuter, et le taux de natalité est au plus bas depuis la fondation de la Chine communiste, en 1949. Le dernier recensement réalisé en 2020 et paru début mai a semble-t-il alerté les autorités chinoises, qui n’ont pas attendu longtemps pour réagir et inciter à procréer davantage, reconnaissant entre les lignes un échec cuisant de leurs politiques précédentes.
Selon le bureau des statistiques de Chine, l’équivalent local de l’Insee, le taux de fécondité dans le pays est toujours aujourd’hui de 1,3 enfant par femme (contre 1,87 en France), bien en dessous du seuil permettant le renouvellement des générations, établi à 2,1 enfants par femme. De quoi laisser présager un vieillissement inexorable de la population.
Des enfants trop onéreux
Si la fin de la politique de l’enfant unique n’a pas permis, comme espéré, de faire exploser les naissances, c’est avant tout pour des raisons économiques, selon Emmanuel Véron, enseignant chercheur spécialiste de la Chine contemporaine à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) : «Faire un enfant en Chine coûte beaucoup d’argent, malgré les tentatives d’aide de l’Etat. On voit beaucoup de couples vivant en milieu urbain, parfois assez aisés, attendre d’avoir 35-40 ans et des ressources suffisantes pour avoir un enfant. Il est donc assez rare d’en avoir un deuxième.» Une réalité que l’on retrouve moins en milieu rural, où la natalité est historiquement restée plus élevée.
Outre le simple coût d’un enfant, le fait que ces parents ou futurs parents soient eux-mêmes issus de la politique de l’enfant unique n’arrange pas les choses. «On parle de schéma familial 4-2-1 : quatre grands-parents, deux parents, et un enfant, sur qui tout repose», reprend Emmanuel Véron. L’enfant, qui n’a donc ni frère ni sœur, doit soutenir seul ses aînés, tant structurellement que financièrement.
Difficile dans ce contexte d’ajouter le poids d’un ou plusieurs enfants, et les aides mises en place par les autorités chinoises pour inciter à procréer ne suffisent pas à combler le coût d’un marmot. De nouvelles aides ont d’ailleurs été évoquées ce lundi par le Parti communiste, allant de congés maternité plus souples à une baisse des coûts de l’éducation, sans plus de précisions.
Un tiers de séniors en 2050
Face à cette situation, et sans renouvellement à court terme de sa population, la Chine va voir inexorablement la proportion de personnes âgées grandir au cours des prochaines années. Alors que les plus de 60 ans étaient 264 millions en 2020, le ministère des Affaires étrangères, cité par le South China Morning Post, estimait en 2020 que ce chiffre allait grimper à 300 millions sous cinq ans, avant d’atteindre 400 millions en 2033. Ils devraient représenter entre un quart et tiers de la population d’ici au milieu du XXIe siècle.
A l’instar du Japon et de la Corée du Sud, confrontés à la difficile gestion des personnes âgées, ce vieillissement entraînera un besoin onéreux en infrastructures de santé, de loisirs, et en pensions de retraite, qui sera difficilement compensé, faute de main-d’œuvre active suffisante dans les prochaines années. Le régime chinois compte néanmoins miser sur les robots, applications et autres nouvelles technologies, qui devraient prendre une importance plus importante encore dans la société à l’avenir, pour combler le manque de bras.
Enfin, la quarantaine d’années de contrôle drastique des naissances va aussi coûter très prochainement à la Chine sa place de pays le plus peuplé au monde au profit de l’Inde. Une défaite avant tout symbolique, mais qui a son importance pour Emmanuel Véron : «C’est forcément plus anecdotique, mais il y a une vraie rivalité géopolitique perçue par le Parti communiste, qui essaye à tout prix de gagner cette bataille du nombre.»
Source: liberation.fr
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