Radar ou optique, la surveillance de l’espace étend sa toile

Avec la prolifération des débris et des satellites en orbite, les services commerciaux de surveillance de l’espace s’activent pour renforcer leurs moyens de détection. Le but: éviter les risques de collision et les « manoeuvres inamicales » à proximité d’actifs stratégiques.

L’agence spatiale européenne (ESA) dénombre 36.000 débris de plus de 10 centimètres et un million de plus d’un centimètre qui orbitent à 28.000 km/h autour de la Terre.

A cette vitesse, une simple écaille de peinture est susceptible de provoquer des dommages, potentiellement irrémédiables.

Et si 7.000 satellites sont actuellement en orbite, 24.500 de plus doivent être lancés au cours de la prochaine décennie, estime le cabinet spécialisé Euroconsult.

Sur la poignée de satellites d’observation ou d’écoute électromagnétique dont dispose la France en orbite basse, à quelques centaines de kilomètres d’altitude, « nous avons 400 situations d’alerte par semaine » pour des risques de collision, confie le général Philippe Adam, commandant de l’espace, la « space force » française.

Ces alertes conduisent à « quelques manoeuvres » d’évitement par an, qui consomment du carburant et réduisent donc la durée de vie du satellite.

Toute une économie se développe pour surveiller les trajectoires – l’orbitographie- des satellites et des débris, par radar, par optique ou encore par détection des émissions électromagnétiques.

L’américain LeoLabs a misé sur la technologie radar et inaugure mercredi aux Açores sa onzième station dans le monde.

Ses plaques en forme de rampe de skate-board permettent de détecter sur l’orbite basse des objets allant « jusqu’à deux centimètres » et à lui seul, « grâce à sa position stratégique, 96% des satellites et débris répertoriés », s’enorgueillit auprès de l’AFP Alan DeClerk, vice-président de la société.

– Boule de pétanque –

Cette technologie permet selon lui de prévoir les risques de collision jusqu’à sept jours à l’avance et donc d’effectuer les manoeuvres d’évitement avant que l’irréparable ne se produise.

Le général Philippe Adam, commandant de l'espace, la Le général Philippe Adam, commandant de l’espace, la « space force » française, le 22 septembre 2022 à Toulouse 

ces auprès de sociétés commerciales, le ministère japonais de la défense, mais aussi les principaux opérateurs de constellations (Starlink, Oneweb…)

« Près des deux tiers de tous les satellites en orbite basse aujourd’hui sont sous contrat avec LeoLabs », affirme Alan DeClerk.

L’armée française également « négocie des achats de service auprès de LeoLabs », qui a une « longueur d’avance », concède Michel Friedling, ancien commandant français de l’espace. Revenu à la vie civile, il a fondé l’an passé sa start-up, Look Up space, qui ambitionne de développer son propre réseau de radars de surveillance.

Les acteurs historiques du spatial ne veulent pas rester à l’écart de ce marché de la surveillance en forte croissance. A l’instar d’ArianeGroup, constructeur des fusées Ariane, qui exploite depuis 2011 un réseau de télescopes baptisés GeoTracker pour surveiller l’orbite géostationnaire.

Sur cette orbite moins encombrée située à 36.000 kilomètres d’altitude se trouvent les satellites de télécommunication. Plus que le danger de collision, ce sont les risques de « manoeuvres inamicales » qui y prédominent, comme lorsque le satellite russe Louch-Olymp s’est approché en 2017 du satellite militaire franco-italien Athena-Fidus pour capter ses transmissions.



ArianeGroup a décidé d'étendre à l'orbite basse ses moyens de surveillance de caméras et télescopes, rebaptisés Helix, en référence à une nébuleuse en forme d’œil (AFP/Archives - Eric PIERMONT)ArianeGroup a décidé d’étendre à l’orbite basse ses moyens de surveillance de caméras et télescopes, rebaptisés Helix, en référence à une nébuleuse en forme d’œil

ArianeGroup a décidé d’étendre à l’orbite basse ses moyens de surveillance de caméras et télescopes, rebaptisés Helix, en référence à une nébuleuse en forme d’œil.

Cette technologie permet de voir depuis Paris l’équivalent d’une balle de pétanque située à Tokyo, assure le groupe.

Son réseau de 15 stations réparties autour du globe doit doubler d’ici 2025.

« Plus on a de stations, plus on a de données et mieux on peut prévoir » les trajectoires, explique Hélène Blanchard, responsable des programmes de sécurité de l’espace chez ArianeGroup.

Sur l’une d’elles, près de Bordeaux, six caméras disposées en cercle assurent une « veille » du ciel. Quelques mètres plus loin un télescope d’une quarantaine de centimètres de diamètre est chargé de « désigner et suivre » un objet d’intérêt, expose-t-elle.

« Par rapport à la taille d’ArianeGroup, ça restera un marché de niche, mais à forte croissance, pas seulement en France mais à l’international », estime Martin Sion, président exécutif de la société, pour qui la surveillance de l’espace « c’est vraiment la conjonction des enjeux spatiaux et de défense ».

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