La Cour suprême des États-Unis a rejeté jeudi une carte des circonscriptions électorales dessinée en 2021 par les élus républicains d’Alabama et accusée de diluer le vote afro-américain. Les sages ont par la même occasion refusé de détricoter davantage le Voting Rights Act, la grande loi sur les droits civiques de 1965.
La Cour suprême américaine a invalidé jeudi 8 juin une carte des circonscriptions électorales adoptée par les élus républicains en Alabama, dans le sud du pays, et accusée de discriminer les électeurs noirs.
À une courte majorité de cinq juges sur neuf, le temple du droit américain a refusé au passage de détricoter un peu plus la grande loi sur les droits civiques de 1965, au grand soulagement des défenseurs des minorités.
Ce texte, le Voting Rights Act, avait été adopté pour empêcher les anciens États ségrégationnistes de priver les Afro-Américains du droit de vote, mais a été vidé ces dernières années d’une partie de sa substance par la haute cour. Ce dossier était perçu comme une nouvelle tentative de l’affaiblir.
Au-delà du débat sur sa carte, l’Alabama avait tenté de convaincre la Cour suprême de changer sa jurisprudence, qui interdit de diluer le vote des électeurs noirs en les concentrant dans un nombre limité de circonscriptions pour diminuer leur influence ailleurs.
En acceptant de se saisir de son recours, la Cour, solidement ancrée dans le conservatisme, avait semblé prête à lui donner raison. Lors de l’audience, la juge progressiste Elena Kagan s’en était émue : « Le Voting Rights Act est l’un des grands progrès de notre démocratie (…) Que va-t-il en rester ? »
La « nouvelle approche » proposée par l’Alabama, qui voulait empêcher de prendre en compte les critères raciaux pour évaluer la légalité des découpages électoraux, « n’est convaincante ni en théorie ni en pratique », a toutefois tranché jeudi le chef de la Cour suprême, John Roberts, au nom de la majorité.
« Idée orwellienne »
Cet arrêt « confirme un principe de base : il ne doit pas y avoir de discriminations raciales lors des élections », a salué le président Joe Biden, pour qui « le travail n’est pas terminé » pour autant. Le démocrate, élu en grande partie grâce aux suffrages des Afro-Américains, a appelé le Congrès à légiférer pour restaurer et renforcer la loi de 1965. Une proposition en ce sens est bloquée par l’opposition des républicains.
La puissante organisation de défense des droits civiques ACLU s’est également réjouie de cette « victoire » pour les électeurs noirs. « La Cour suprême a rejeté l’idée orwellienne qu’il est inapproprié de considérer des critères raciaux pour déterminer l’existence de discriminations raciales », ce qui aurait rendu la loi inopérante, a souligné un des avocats de l’ACLU, Davin Rosborough.
La décision, qui maintient donc le statu quo, oblige également les autorités républicaines de l’Alabama à revoir une carte dessinée en 2021 pour attribuer les sièges à la Chambre des représentants.
Selon ce découpage, les électeurs noirs, qui votent majoritairement démocrate, n’étaient majoritaires que dans une seule des sept circonscriptions de l’État, alors qu’ils représentent 27 % de sa population. La nouvelle carte passait également au milieu d’une région majoritairement noire, la « Black Belt », et la coupait en deux. En vertu de l’arrêt de la Cour suprême, les autorités devront créer une seconde circonscription avec une majorité d’électeurs afro-américains.
AFP