Maladie du viking : l’héritage de Néandertal

Celle qu’on appelle aussi la maladie de Dupuytren, un handicap qui affecte les doigts de la main, a un versant génétique connu. Une nouvelle étude observationnelle indique que 2 des 3 facteurs de risque les plus importants nous ont été transmis par l’Homme de Neandertal.

Le Baron de Dupuytren ne se doutait sans doute pas que la maladie qui portera son nom et qu’il décrit pour la première fois en 1831 nous a probablement été léguée par un lointain cousin, disparu il y a 30.000 ans : l’Homme de Néandertal. Pathologie handicapante, qui entraîne la flexion progressive et irréductible des doigts des mains (le plus souvent l’annulaire et le majeur). Elle est parfois appelée « maladie du viking », en raison de sa prévalence élevée chez les hommes d’Europe du Nord (l’affection est nettement moins fréquente chez les femmes) où elle touche près de 30% des plus de 60 ans, contre 8 à 9% en France.

Pour comprendre les raisons de cet excès de cas nord-européens, par rapport aux populations africaines et asiatiques, il fallait bien qu’un héritier des vikings s’y colle ! Ainsi, c’est Hugo Zeberg, de l’Institut Karolinska en Suède qui a dirigé cette étude publiée dans la revue Molecular Biology and Evolution.

De nombreux nouveaux variants identifiés
Depuis les années 1980, les médecins savent que la maladie de Dupuytren est liée à un terrain génétique et possède une forte composante héréditaire, bien qu’aucun gène associé n’ait été identifié jusqu’à présent. Sa répartition géographique a incité les chercheurs à explorer l’hypothèse d’une transmission de cette affection par des populations archaïques d’humains aujourd’hui disparues : « Étant donné que la maladie de Dupuytren est rarement observée chez les personnes d’ascendance africaine, nous nous sommes demandés si les variantes génétiques des Néandertaliens pouvaient en partie expliquer pourquoi les personnes en dehors de l’Afrique sont touchées », explique Hugo Zeberg.

Pour le comprendre, avec son équipe, il a utilisé les données de trois grandes cohortes cliniques aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Finlande, pour comparer les génomes de 7.871 patients et de 645.880 témoins sains. Ils ont ainsi pu identifier 61 facteurs de risque génétiques pour la maladie de Dupuytren. Parmi eux, trois sont issus du génome des Néandertaliens, dont les deuxièmes et troisièmes facteurs de risque les plus importants.

Le gène le plus impactant des trois est présent sur le chromosome 7 et code pour une protéine EPDR1 tronquée. Celle-ci est impliquée dans la contractilité des tissus conjonctifs. L’étude suggère fortement que ce gène soit un gène causal de la maladie. Les deux autres variants sont présents sur les chromosomes 8 et 17 mais leur importance est moindre.

Une pathologie présente chez Neandertal ?
L’étude a également analysé la contribution du génome de l’Homme de Denisova – certaines populations d’Asie possèdant jusqu’à 5% de son patrimoine – mais aucun variant associé à Dupuytren n’a été retrouvé. Ces résultats suggèrent fortement que cette pathologie est héritage de l’Homme de Neandertal qui a légué entre 1 et 2% de ses séquences d’ADN aux populations hors d’Afrique, à la suite d’accouplements entre les deux espèces.

Pour autant, peut-on affirmer que ce dernier souffrait lui aussi de cette maladie ? « Nous ne pouvons que spéculer sur le rôle de ces variants génétiques chez les Néandertaliens. Peut-être avaient-ils un autre variant protecteur qui contrebalançait ceux que nous avons étudiés dans notre publication. Toutefois, je suppose que les Néandertaliens étaient plus enclins à contracter cette maladie que les humains modernes. Mais il ne faut pas oublier qu’elle touche principalement les personnes âgées de 60 ans et plus. Seuls les Néandertaliens atteignant cet âge seraient donc touchés. Si on combine les facteurs génétiques étudiés dans cette recherche, il apparaît que les Néandertaliens avaient un risque multiplié par 8 de développer la maladie de Dupuytren », résume Hugo Zeberg.

L’étude n’explique en revanche pas le gradient de prévalence entre le nord et le sud de l’Europe : « Nous ne pouvons pas dire que les populations du nord de l’Europe avaient une relation privilégiée avec Neandertal. En fait, nous pensons que la plupart des personnes ayant des racines en dehors de l’Afrique ont des ancêtres néandertaliens similaires, ce qui indique que le mélange s’est produit peu après l’exode hors d’Afrique », précise-t-il. Quoiqu’il en soit ces résultats peuvent ouvrir de nouvelles pistes pour la prévention ou le traitement de la maladie de Dupuytren : « Pour l’instant, nous ne comprenons pas le rôle d’EPDR1 dans l’apparition de la maladie. Mais nous espérons qu’il pourra constituer une cible pour un traitement à l’avenir », conclut Hugo Zeberg.

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