Quand les journées sur Terre ne duraient que 19 heures

L’éloignement progressif de la Lune a entraîné un allongement de la durée du jour, jusqu’à atteindre 24 heures aujourd’hui. Mais une nouvelle étude montre que cette durée aurait stagné à 19 heures pendant près d’un milliard d’années, mettant tout le système terrestre en « pause » !

Parfois, 24 heures paraissent trop courtes pour effectuer toutes les tâches qui animent notre quotidien. On peut se rassurer en se disant qu’il y a environ 1 milliard d’années, l’impression aurait certainement été pire ! Avec des jours d’une durée de seulement 19 heures, le temps devait filer à toute allure pour les organismes primitifs qui peuplaient les océans à cette époque.

On sait depuis plusieurs dizaines d’années que la longueur du jour était en effet bien plus courte dans le passé. Pour preuve, les enregistrements sédimentaires des différents épisodes de marées. Les marées représentent un phénomène périodique intrinsèquement lié à la rotation de la Terre et à la présence de la Lune.

En déposant à chaque fois une fine couche de sédiments, les marées ont ainsi laissé dans certaines séries sédimentaires les informations permettant de mesurer la longueur du jour au cours des temps géologiques. Les scientifiques ont ainsi découvert que plus on remonte dans le temps, plus la durée d’un jour terrestre se raccourcit. Ce phénomène a été interprété en regard de l’éloignement de la Lune par rapport à la Terre.

La Lune, par son attraction gravitationnelle, influence la rotation de la Terre. © brutto film, Adobe Stock

LA LUNE, PAR SON ATTRACTION GRAVITATIONNELLE, INFLUENCE LA ROTATION DE LA TERRE.

L’effet de la Lune, mais pas seulement !

À l’origine, la Lune était en effet bien plus proche de nous. Elle s’est ensuite éloignée doucement sous l’effet du différentiel qui existe entre la vitesse de rotation de la Terre et sa vitesse de déplacement sur son orbite. La Terre tourne en effet plus vite sur elle-même que la Lune ne fait le tour de la Terre, et cela depuis l’origine des deux astres. Ainsi, le bombement de la masse océanique (les marées) que crée la Lune finit par la dépasser.

Ce décalage affecte en retour la rotation de la Lune. Il y a ainsi un transfert de moment cinétique de la Terre vers la Lune qui va expulser la Lune sur une orbite graduellement plus lointaine, faisant de fait ralentir la rotation de la Terre. C’est ainsi que la durée du jour terrestre s’est progressivement allongée jusqu’à atteindre la valeur actuelle de 24 heures.

Mais c’est bien cette notion de « progressivement » qui vient d’être remise en cause par deux scientifiques. Il apparaitrait en effet que cette décroissance de la durée du jour ne serait pas linéaire au cours des temps géologiques. Et pour cause, la Lune ne serait pas le seul astre à avoir influencé la rotation de la Terre. Dans l’équation, le Soleil aurait été oublié.

Car si la masse d’eau terrestre est excitée de manière gravitationnelle par l’attraction de la Lune, la lumière émise par le Soleil excite de manière thermique notre atmosphère, provoquant des « marées atmosphériques ». Dans un article publié dans la revue Nature Geoscience, les chercheurs montrent que cet effet vient dans une certaine mesure contrebalancer celui de la Lune.

Alors que la Lune tend à faire décélérer la Terre, les marées atmosphériques produites par le Soleil tendent à la faire accélérer. Aujourd’hui, si l’effet de la Lune est le plus important, il aurait existé une période dans l’histoire de la Terre où ces deux forces se seraient annulées en entrant en résonance, permettant la stabilisation de la durée du jour. Ce phénomène se serait produit durant la période précambrienne.

Il n'y a pas que les marées lunaires qui influencent la vitesse de rotation de la Terre. Les marées atmosphériques produites par la lumière du Soleil sont également à prendre en compte. © Mitchell, et <em>al.,</em> 2023, <em>Nature Geoscience</em>

IL N’Y A PAS QUE LES MARÉES LUNAIRES QUI INFLUENCENT LA VITESSE DE ROTATION DE LA TERRE. LES MARÉES ATMOSPHÉRIQUES PRODUITES PAR LA LUMIÈRE DU SOLEIL SONT ÉGALEMENT À PRENDRE EN COMPTE. 

Une étonnante coïncidence avec le Milliard ennuyeux

Les auteurs de l’étude démontrent l’existence de cette période grâce à l’observation de cycles dans les sédiments, en lien avec les paramètres orbitaux de Milankovitch. Ils démontrent qu’il y a 2 milliards d’années environ, a commencé une période durant laquelle la durée du jour s’est stabilisée sur 19 heures. Cette phase s’est prolongée sur 1 milliard d’années. Étonnamment, elle correspond à une période que l’on appelle communément le « Milliard ennuyeux » ou encore la « Grande discordance ».

Les archives géologiques montrent en effet que, entre 1,8 et 0,8 milliard d’années, il ne s’est pas passé grand-chose d’extraordinaire : cette période est marquée par une stabilité tectonique (pas de grande évolution paléogéographique) et climatique (pas de glaciations), mais également par une évolution biologique très ralentie. Comme si la Terre était entrée dans un état de stase, à tout point de vue. Alors, y aurait-il un lien entre cet épisode du Milliard ennuyeux et cette stabilisation temporaire de la durée du jour ?  

La période de stabilité de la durée du jour coïncide avec la période dite du Milliard ennuyeux (<em>boring billion</em>). © Mitchell, et <em>al.,</em> 2023, <em>Nature Geoscience</em>

LA PÉRIODE DE STABILITÉ DE LA DURÉE DU JOUR COÏNCIDE AVEC LA PÉRIODE DITE DU MILLIARD ENNUYEUX 

C’est possible. L’explication serait à chercher du côté de la composition de l’atmosphère. La forte proportion d’ozone présente dans l’atmosphère il y a 2 milliards d’années, à la suite de l’épisode de la Grande Oxygénation, aurait en effet renforcé l’effet des marées atmosphériques, permettant de contrer celui des marées lunaires et stabilisant la durée du jour sur 19 heures.

Un changement climatique aurait pu mettre fin à cette période. L’évolution biologique aurait quant à elle démarré avec la fin de cet épisode, l’allongement progressif des jours permettant aux organismes photosynthétiques de produire plus d’oxygène pour supporter le développement d’une vie plus complexe.

futura

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