Pendant longtemps globalement ignorée des recherches à part sur les questions de maternité et de fertilité, la santé des femmes devient un sujet d’importance notamment sous l’impulsion d’innovations proposées par des startups.
Au cœur de l’édition 2023 de Viva Technology, la grand-messe de l’innovation en France, un sujet arrive en force : la santé des femmes sous l’étiquette Femtech, la contraction de female technology. Le secteur regroupe en effet l’ensemble des technologies, produits et services innovants dédiés aux femmes pour leur santé et leur bien-être, que ce soit les objets connectés, des applications mobiles, des logiciels de santé, ou encore des plateformes éducatives.
Alors que le marché est particulièrement avancé aux États-Unis, la France témoigne enfin d’un certain dynamisme. Selon l’association Femtech France, créée en septembre 2022, le secteur a connu une croissance de 40 % en à peine sept mois avec 115 startups recensées en juin 2023 contre 80 en novembre 2022.
La recherche orientée vers la santé des hommes
« Les femmes sont les grandes oubliées de la santé, car bien souvent ce sont des hommes aux manettes des différentes études et parce qu’il subsiste encore de nombreux tabous, sur les règles, l’infertilité, la ménopause ou le bien-être sexuel notamment », souligne Delphine Moulu, la directrice générale de Femtech France. Selon un état des lieux mené par Medicen et Care Insight, pendant longtemps la recherche était orientée presque exclusivement vers l’étude des problèmes de santé des hommes, les femmes n’étant essentiellement étudiées que dans le cadre leur maternité et leur fertilité.
Or, pour certaines pathologies non genrées, comme Alzheimer ou les maladies cardiovasculaires, comme elles sont moins informées et présentent des symptômes différents des hommes, elles sont moins à même d’identifier pleinement le problème, ce qui entraîne le développement de la maladie, des douleurs ou encore l’errance diagnostique.
Le marché de la Femtech estimé à plus de 100 milliards de dollars
« Heureusement les lignes bougent, la parole se libère et de plus en plus d’hommes s’intéressent au sujet dans un contexte de prise de conscience sociétale et scientifique progressive », se réjouit Delphine Moulu. De nombreuses femmes prennent aussi le sujet à bras-le-corps notamment à travers le développement de la Femtech, dont les startups sont à 96 % des fondatrices.
Selon un baromètre publié à l’occasion de Viva Technology par Femtech France et Wavestone, le chiffre d’affaires cumulé du secteur est de 30,6 millions d’euros en France, qui est sur une bonne dynamique mais qui doit être aussi plus soutenu pour exister dans un marché qui devrait dépasser les 100 milliards de dollars en 2030.
Environ 68 % des startups estiment d’ailleurs qu’un remboursement par la Sécurité sociale permettrait non seulement de booster le secteur mais également augmenterait l’accessibilité de ces produits à toutes les femmes, quel que soit leur niveau de revenu.
PAS MOINS DE 115 STARTUPS SONT RÉPERTORIÉES EN FRANCE DANS LE SECTEUR DE LA FEMTECH.
Des solutions tout au long de la vie des femmes
Si à l’origine, la Femtech s’intéressait exclusivement aux pathologies gynécologiques et à certains moments de vie des femmes, le scope s’élargit à leur santé tout au long de leur vie, notamment sur la post-reproduction (ménopause, cardiovasculaire, ostéoporose), la santé globale (parcours de soins, prévention) et les autotests (hormonaux, HPV). Il inclut aussi les maladies non genrées où une prévalence chez les femmes est observée, comme les pathologies cardiovasculaires qui sont la première cause de mortalité chez les femmes, Alzheimer ou encore les migraines.
Autre tendance forte, de plus en plus de startups ne s’adressent plus simplement aux femmes mais aussi à leurs employeurs pour mettre leurs services à disposition de leurs salariées. « De la même façon que le sujet de la santé mentale des salariés a su dépasser les tabous avec la crise Covid, ce serait une bonne nouvelle pour toutes et tous qu’il existe plus de solutions dans les entreprises pour les femmes », milite Delphine Moulu.
Plus de données et de financements
La montée en puissance de la Femtech passera également par la question de l’accès aux données. L’obligation d’inclure les femmes dans les essais cliniques ne date en effet que d’une trentaine d’années. D’où un manque de recherches et de données sur les pathologies et moments de vie des femmes.
Il n’existe par exemple, en France, aucune étude sur les périnées abîmés. Il faudrait aussi plus de financements en faveur de la Femtech comme le soulignait Marie-Pierre Rixain, députée de l’Essonne : « on dit souvent aux femmes d’oser entreprendre, je pense, au contraire, qu’il faut dire aux financeurs d’oser financer les femmes ! ». Dans un monde d’investisseurs encore très largement masculins, donc pas forcément sensibilisés, voire sensibles, aux questions de la santé des femmes, il reste du chemin à parcourir.
« La question est aussi d’ordre générationnel, c’est pourquoi il est important d’en parler et que nombreuses startups de la Femtech essaient aussi d’inclure les hommes dans leur solution », explique Delphine Moulu.
futura