Après avoir annoncé une « revue des dépenses publiques », le gouvernement doit détailler ce lundi les coupes budgétaires envisagées à l’occasion des Assises des finances publiques. Objectif: redresser les comptes de la France et accélérer son désendettement.
Bruno Le Maire le martèle: le « ‘quoi qu’il en coûte’, c’est fini ». Le ministre de l’Economie qui organise ce lundi les Assises des finances publiques à Bercy aux côtés de la Première ministre, Elisabeth Borne, et du ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, entend faire de ce rendez-vous le point de départ de sa nouvelle feuille de route centrée sur l’accélération du désendettement de la France.
Il faut dire qu’après les dizaines de milliards d’euros déversés pour protéger ménages et entreprises pendant la crise sanitaire puis face à l’inflation sur fond de remontée des taux d’intérêt, la marge de manoeuvre financière de l’Etat s’est considérablement amoindrie.
Ce qui n’a pas échappé Fitch. L’agence américaine a sonné la première alerte fin avril en dégradant la note de la dette de la France, de AA à AA-, évoquant « des déficits budgétaires importants » et des « progrès modestes » pour les réduire. Quelques semaines plus tard, sa concurrente S&P Global a accordé un sursis à l’Hexagone en confirmant la note « AA » mais en maintenant la perspective négative, façon de dire que le pays n’est pas à l’abri d’un abaissement.
Pour montrer son sérieux budgétaire, l’exécutif jure que le temps des aides Covid et autres indemnités inflation est désormais révolu. Dans le même temps à Bercy, les cerveaux sont en ébullition pour trouver des sources d’économies à inscrire dans le budget 2024 présenté à l’automne.
Emmanuel Macron excluant toute hausse d’impôt, c’est la dépense publique qui est ciblée. D’où la promesse de Bruno Le Maire d’engager en début d’année une « revue des dépenses publiques » qui concerneront « toutes les dépenses publiques, sans exception: celles de l’Etat, mais aussi celles des collectivités locales et de la sphère sociale ». Six mois après le début des travaux, le ministre doit détailler ce lundi les coupes envisagées.
• Quel objectif de réduction de dépenses?
Pas question de parler d’austérité, simplement d’un redressement des comptes publics. Bruno Le Maire assure en effet que la revue des dépenses publiques qui aura lieu tous les ans jusqu’en 2027 a pour seul but d’identifier « les dépenses inefficaces » afin « d’économiser plusieurs milliards » d’euros.
« Face à la plus grave crise économique depuis 1929, nous avons préservé nos usines, nos entreprises, nos emplois et nos qualifications », a justifié le ministre début juin dans le Journal du Dimanche. « Désormais, il est temps de revenir à la normale. Mais cela ne veut pas dire l’austérité. »
Le gouvernement s’est fixé des objectifs chiffrés: réduire la dépense publique à 53,5% du PIB en 2027, contre 57,5% en 2022, revenir sous les 3% de déficit d’ici la fin du quinquennat et faire reculer la dette à 108,3% (111,6% aujourd’hui) à la même échéance.
• Quelle est la situation des finances publiques?
Avec la crise sanitaire et le retour de l’inflation, l’Etat a vu ses dépenses fortement augmenter ces dernières années. A 336,1 milliards d’euros en 2019, dernière année avant le Covid, les dépenses nettes du budget général ont fortement augmenté pour atteindre 445,7 milliards d’euros en 2022, en euros constants. De son côté, le déficit public s’établissait l’an passé à -4,7%, en baisse par rapport à 2020 et 2021, mais toujours loin des -3,1% de 2019.
Enfin, la dette publique est passée de 97,4% du PIB à 111,6% entre 2019 et 2022. Si elle a baissé de 1,3 point entre 2021 et 2022, l’effort est beaucoup moins important que celui consenti dans la plupart des autres pays européens. Avec près de 3000 milliards d’euros de dette, la France détient d’ailleurs le niveau d’endettement le plus élevé des pays notés « AA » par les agences de notation.
Pour le gouvernement, le rétablissement des comptes publics est d’autant plus pressant que la forte remontée des taux d’intérêt dans un contexte d’inflation alourdit significativement la charge de la dette (ensemble des dépenses de l’État consacrées au paiement des intérêts de sa dette) qui pourrait devenir le premier poste de dépenses de l’Etat d’ici à 2027 en atteignant 71,2 milliards d’euros, contre 41 milliards en 2023.
• Quelles pistes envisagées?
Les variables d’ajustements pour faire des économies sont limitées pour l’exécutif. Surtout après une douloureuse réforme des retraites et sans majorité absolue à l’Assemblée nationale. L’équation est d’autant plus compliquée que de nouveaux besoins d’investissements, colossaux, émergent avec la transition énergétique et que d’importantes dépenses sont déjà engagées pour la défense, la justice ou l’éducation.
Bruno Le Maire a malgré tout esquissé quelques pistes qui devraient permettre de réduire la voilure. Le locataire de Bercy table d’abord sur la fin du bouclier énergétique, les gains des réformes comme celles des retraites ou de l’assurance-chômage, le plein-emploi ou encore une croissance de l’économie qu’il anticipe plus dynamique, après un coup de frein en 2023.
Dans un entretien aux Echos, le ministre a également préparé les esprits, jugant notamment le coup de rabot de 2 milliards d’euros décidé pour le soutien public au secteur immobilier « inefficace et trop coûteux ». Il souhaite aussi retirer des avantages fiscaux sur les énergies fossiles et évoque une réduction des aides à l’emploi ou l’instauration d’un reste à charge du compte personnel de formation (CPF). Dénonçant « l’explosion du nombre d’arrêts maladie », Gabriel Attal a quant à lui cité parmi les pistes de réductions de dépenses envisagées « les indemnités journalières de l’Assurance maladie ».
L’exécutif a également gelé 1% supplémentaire des crédits du budget 2023. Enfin, les ministères seront aussi mis à contribution alors qu’Elisabeth Borne a demandé à chacun de ses ministres d’identifier des économies possibles à hauteur de 5% de leurs dépenses. Ce qui permettrait, si tout le monde jouait le jeu, d’économiser aux alentours de 7 milliards d’euros qui seraient investis dans la transition écologique, d’après Bruno Le Maire.
• Que faut-il en attendre?
Les Assises des finances publiques seront-elles vraiment efficaces? Les collectivités, à travers les associations de maires, d’élus des départements et des régions, ont déjà annoncé qu’elles boycotteront le rendez-vous. « Les représentants de l’Association des maires de France (AMF) ont fait part de leur désaccord sur l’analyse comme sur les conséquences » de la situation des finances des collectivités et des mesures d’encadrement que le minitre de l’Economie estime nécessaires, indiquent l’AMF dans un communiqué.
Et d’ajouter: « L’AMF considère que les finances des collectivités n’ont aucune part à l’endettement massif de l’État, qu’au contraire elles contribuent à sa réduction par leurs excédents et que les baisses des dotations n’ont produit aucune amélioration puisque le poids de la dette dans le PIB ne cesse d’augmenter ».
Pour le reste, François Ecalle, spécialiste des finances publiques, rappelle sur BFM Business qu’il y a eu « beaucoup de revues des dépenses publiques » par le passé « et que cela n’a pas empêché la dépense publique d’augmenter ». Sur son site Fipeco, il revient sur l’histoire des revues des dépenses publiques en France, évoquant par exemple « le comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics » en 1946, la « rationalisation des choix budgétaires » en 1968, la « circulaire Rocard » en 1989, la « loi organique relative aux lois de finances » de 2001, la « révision générales des politiques publiques » en 2007, la « modernisation de l’action publique » en 2012…
Globalement, « le bilan de ces revues de dépenses en termes d’économies est décevant, hormis les suppressions de postes des années 2007-2012 dans les services de l’Etat », tranche François Ecalle.
Pour autant, « ce n’est pas inutile de reparler de temps en temps de l’efficacité des dépenses publiques », estime-t-il. Mais « la revue des dépenses publiques ne peut pas permettre de réaliser des économies budgétaires si cet objectif n’est pas assumé au plus haut niveau politique. Or les révisions des dépenses en France ont presque toujours relegué cet objectif derrière des ambitions plus consensuelles, et certes légitimes, comme l’amélioration des services rendus aux usagers et des conditions de travail des agents ».
AFP