Espoirs et incertitudes autour des futures aires protégées en haute mer

Comment protéger des aires marines à mille lieues des côtes? Où verront-elles le jour et quand? Le nouveau traité sur la haute mer permettra de créer ces sanctuaires jugés vitaux pour les océans, mais beaucoup de questions restent en suspens.

Quels sanctuaires?

Le texte qui doit être adopté lundi à l’ONU prévoit la création d’aires marines protégées dans les eaux internationales, au sein de zones à caractère unique, particulièrement fragiles ou importantes pour des espèces en danger.

La biodiversité est une priorité, « mais ce n’est pas le seul critère important », indique à l’AFP Minna Epps, de l’Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN), évoquant aussi les « fonctions écologiques », comme certains lieux propices à la prolifération du plancton.

Par exemple le « dôme thermal » au large du Costa Rica où chaque année, la remontée d’eau des profondeurs riche en nutriments provoque une explosion d’algues, premier maillon d’une chaîne alimentaire qui donne naissance à un habitat très accueillant notamment pour les baleines bleues.

« Il ne faut pas protéger seulement un type d’écosystèmes », renchérit Liz Karan, de l’ONG Pew Charitable Trusts, évoquant l’importance d’un « réseau » de sanctuaires pour protéger notamment les espèces migratrices.

Un réseau idéalement connecté aux aires marines des zones côtières.

Sur ces critères, scientifiques et ONG ont déjà identifié une dizaines d’aires marines potentielles.

Cela inclut, en plus du « dôme thermal », la chaîne sous-marine de l’Empereur qui prolonge l’archipel d’Hawaï dans le Pacifique, « la cité perdue » de l’Atlantique avec ses dizaines de cheminées hydrothermales, ou la mer des Sargasses.

Sans oublier les dorsales de Nazca et de Salas y Gomez, au large du Chili, qui pourraient être un des premiers sanctuaires à voir le jour.

A quand les premières aires protégées?

Pas avant plusieurs années.

« Quatre ans serait très optimiste. Malheureusement, cinq ou six ans est plus réaliste », parie Glen Wright, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), tandis que Minna Epps estime qu’on n’en verra pas avant 2027.

Une baleine à bosse au large de Punta Choros, à La Higuera, le 7 octobre 2021 au Chili (AFP/Archives - Pablo COZZAGLIO)

Une fois adopté, le traité devra être signé puis ratifié par 60 pays pour entrer en vigueur et permettre la réunion de la Conférence des parties.

Celle-ci sera habilitée à créer un sanctuaire sur proposition d’un ou plusieurs Etats, alors que ce sont surtout les ONG qui aujourd’hui portent ces propositions.

Seul le Chili a évoqué un projet formel à Nazca et Salas y Gomez.

Même s’il faudra plusieurs années avant d’avoir la naissance d’une aire, le traité est jugé crucial pour atteindre l’objectif fixé par l’ensemble des gouvernements de protéger 30% des terres et des océans de la planète d’ici 2030.

Sans le traité, « nous ne parviendrons pas à atteindre l’objectif de 30×30. C’est aussi simple que cela », estime Jessica Battle de WWF.

Mais vu le calendrier serré, « la contribution » du traité à cet objectif « pourrait être limitée », tempère Glen Wright.

Quelle protection?

Sur terre comme en mer, les degrés de protection des réserves de toutes sortes varient.

En haute mer, « j’ai du mal à imaginer de grandes étendues protégées de façon stricte », indique M. Wright, estimant plus « viable » de créer des petites zones avec des restrictions maximales (comme l’interdiction totale des activités) et d’autres avec des mesures pourquoi pas seulement à certains moments de l’année, lors de la reproduction ou la migration de certaines espèces.

Surveiller et appliquer?

Difficile d’imaginer une police internationale patrouillant des étendues immenses au milieu de l’océan… Alors les experts évoquent le recours aux technologies pour la mise en œuvre des aires protégées, notamment les satellites.

« La beauté de la haute mer, c’est qu’il faut beaucoup d’énergie pour s’y rendre » et les bateaux sont équipés de transmetteurs les identifiant, ce qui permet de « suive leurs mouvements », commente Jessica Battle.

Et de repérer ainsi une activité non autorisée, comme le fait déjà le site « Global fishing watch » pour la pêche.

Reste à savoir comment financer cette surveillance et comment forcer un contrevenant à respecter les règles, pour que ces sanctuaires ne soient pas des coquilles vides.

Le traité souligne que les Etats sont responsables des activités en haute mer des bateaux battant leur pavillon. Encore faut-il que l’Etat en question soit signataire du traité.

Le texte prévoit aussi un mécanisme de « conformité », qui reste largement à définir.

« S’il y a des preuves qu’un Etat a fourni un pavillon à un bateau qui ne respecte pas une aire marine protégée, cela pourra être soulevé à la COP. Les Etats n’aiment pas ça, être critiqués au niveau international », espère Mme Battle.

AFP

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