Le gouvernement français a dévoilé dimanche soir un plan pour réguler les flux qui submergent les sites les plus touristiques à certains moments de l’année. Un « observatoire national des sites touristiques majeurs » va notamment voir le jour.
Première destination touristique au monde, la France est-elle touchée par le « surtourisme » ? Le gouvernement veut s’attaquer au problème, mais pour les professionnels, le pays manque d’un vrai diagnostic et d’une stratégie de développement touristique permettant de mieux répartir les flux de vacanciers.
Le gouvernement a dévoilé dimanche soir un plan pour réguler les flux qui submergent des sites touristiques à certains moments de l’année, estimant qu’ils constituaient « parfois une menace » pour « l’environnement, la qualité de vie des résidents et l’expérience touristique de la clientèle ».
Pour mieux analyser le phénomène, un « observatoire national des sites touristiques majeurs » verra le jour, a annoncé Olivia Grégoire, la ministre déléguée au Tourisme. Un guide pratique définissant les notions de « surtourisme », « surfréquentation » et « pics de fréquentation » sera aussi rédigé, afin de disposer d’une grille d’analyse commune.
Une campagne de communication encouragera « un tourisme ‘quatre saisons’ mieux réparti sur tous les territoires », mais aussi à « adopter les bonnes pratiques » en matière de « gestion de l’énergie, de l’eau, des déchets ». Un groupe de travail sera créé avec des influenceurs pour qu’ils n’encouragent pas la fréquentation massive de sites touristiques, comme le Mont-Saint-Michel, Étretat ou les calanques de Marseille.
« Vision trop dogmatique »
« Surtourisme », « hypertourisme », « overtourisme » ou « tourismophobie » : ces termes désignent des « phénomènes de saturation réels ou supposés » liés à la surfréquentation touristique, dit dans un récent rapport l’Alliance France Tourisme, où des professionnels du secteur proposent des pistes de régulation.
Lors d’un séminaire à Saint-Malo lundi, Jean-Virgile Grance, président de la Confédération des acteurs du tourisme a mis en garde contre une « forme de décroissance », une « vision trop dogmatique » de ces enjeux.
Pour Simon Thirot, consultant au sein d’Eurogroup Consulting, « il faut plutôt parler de pics de fréquentation et il y a une bonne nouvelle : ces derniers sont limités dans le temps et dans l’espace. En s’y intéressant de près et de façon assez fine, on peut trouver des solutions », dit-il à l’AFP.
« Il n’y a pas de solution miracle pour tous les territoires, mais une fois qu’on sait exactement qui vient et à quel moment, on peut avoir des stratégies de marketing territorial, comme de ne plus communiquer sur la haute saison, ou tarifaires, avec des tarifs hors saison très bas pour encourager des visiteurs qui sont à proximité à venir à d’autres moments », explique-t-il. Car « dé-saisonnaliser l’activité » touristique signifie aussi créer des emplois plus durables que les emplois saisonniers, souligne SimonThirot.
« Étendre le territoire touristique »
En France, selon le gouvernement 80 % de l’activité touristique est concentrée sur 20 % du territoire. « Il y a un réel effort à faire au niveau national, pour inciter à découvrir d’autres régions » que la Côte d’Azur ou le littoral du Pays basque par exemple, « la France est suffisamment riche en matière de paysages, de culture », estime Didier Chenet, président du Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR).
Parmi les solutions qui font consensus : « étendre le territoire touristique » en encourageant les touristes à se rendre ailleurs que sur les sites engorgés, faire la promotion de territoires moins fréquentés, les valoriser avec de nouveaux itinéraires et lieux de visite, une meilleure offre d’hébergement-restauration, de services.
Des mesures plus restrictives sont aussi expérimentées, comme la mise en place de taxes, de droits d’entrée ou de quotas journaliers : aux portes de Marseille (sud-est), une réservation l’été a été mise en place pour cinq ans à la calanque de Sugiton et le parc national des calanques réfléchit à limiter la fréquentation sur les îles du Frioul.
« À l’échelle nationale, beaucoup se posent la question de cette réservation », a expliqué début juin à la presse la directrice du parc, Gaëlle Berthaud.
« On ne pouvait plus rester sur cette image de la calanque d’En-Vau qui ressemblait à Marbella » en Espagne avec 2 000 personnes sur la plage, 60 kayaks alignés et derrière des vélos électriques, justifie Didier Réault, son président.
« Il faut protéger les milieux fragiles, on a perdu 30% de biodiversité en 25 ans, mais ce que je vois au quotidien depuis plus de 25 ans, c’est qu’on a surtout 90% de nos territoires qui sont en sous-tourisme l’essentiel de l’année », affirme à l’AFP Didier Arino, directeur général du cabinet Protourisme.
AFP