Grand favori pour la succession de Christophe Galtier à la tête du Paris Saint-Germain, l’ex-sélectionneur de l’Espagne a surtout vécu un intense cycle de trois saisons à la tête du Barça (de 2014 à 2017) qui le prépare au mieux à ce probable défi
- Luis Enrique est fortement pressenti pour devenir dans les prochains jours le successeur de Christophe Galtier à la tête du Paris Saint-Germain.
- Sélectionneur de l’Espagne jusqu’à la Coupe du monde au Qatar, celui-ci a avant cela notamment été l’entraîneur du FC Barcelone porté par la fameuse association de la MSN (Messi-Suarez-Neymar) de 2014 à 2017.
- Cette expérience « à pression extrême », avec son lot de dramas mais aussi avec la conquête de la Ligue des champions 2015, devrait lui être bien utile en vue de son challenge parisien.
« C’est triste de le voir partir. Nous le respectons beaucoup et nous avons énormément d’affection pour lui. Nous sommes reconnaissants pour tout ce qu’il nous a apporté. » Non, cette sortie publique de Neymar n’est pas un récent hommage au bilan de Christophe Galtier, cette saison à la tête du Paris Saint-Germain. Il faut plutôt remonter à 2017, peu de temps après l’annonce du départ de Luis Enrique du FC Barcelone, alors que les échos d’une cassure entre le technicien et son vestiaire se multipliaient dans la presse.
Le Brésilien avait donc clairement pris position en faveur de son entraîneur de l’époque. Et après un bail commun de trois années en Catalogne (de 2014 à 2017), Luis Enrique et Neymar sont sur le point de se retrouver dans les prochaines semaines au PSG.
Outre l’impact que pourrait avoir cette arrivée plus que probable de Luis Enrique (53 ans) sur l’avenir du meneur de jeu, sous contrat jusqu’en 2027 mais poussé vers la sortie depuis quelques mois, l’identité du successeur de Christophe Galtier pose une question majeure : le PSG tient-il enfin l’entraîneur intransigeant capable de faire redécoller pour de bon son projet ?
« Comme pour Zinédine Zidane au Real Madrid, on sentait un énorme respect de tout le groupe pour lui, en raison notamment de la légitimité de son parcours de joueur au Barça, pose Florent Torchut, correspondant de France Football à Barcelone depuis l’ère Luis Enrique. Je n’ai jamais entendu l’un de ses joueurs dire du mal de lui. Messi et Neymar l’ont par exemple beaucoup apprécié. »
Quand Messi et Neymar se marraient sur le banc du Barça
Considéré « inentraînable » depuis sept ans, malgré les arrivées successives sur le banc de coachs reconnus en Europe (Emery, Tuchel et Pochettino), le PSG s’est-il donc trouvé celui qui sera capable de tirer le maximum sur la durée d’individualités de la trempe de Kylian Mbappé et Neymar ?
Premier élément factuel : aucun des prédécesseurs de Luis Enrique sous QSI, hormis Carlo Ancelotti (de janvier 2012 à juin 2013), n’avait managé une telle constellation de stars que lui au Barça, où la MSN (Messi-Suarez-Neymar) était l’équivalent de la désormais ex-MNM parisienne, une Ligue des champions remportée en plus.
Pour autant, celui qui ne comptait à l’époque comme expériences sur le banc que la réserve du Barça (de 2008 à 2011 en remplacement de Pep Guardiola), une saison 2011-2012 mitigée à la tête de l’AS Roma (7e en Serie A), puis une très correcte 9e place avec le Celta Vigo (en 2013-2014), n’a pas échappé aux dramas inhérents à un tel club.
L’épisode le plus marquant a eu lieu le 4 janvier 2015, lors d’un match de Liga à Saint-Sébastien. Alors dauphin du Real Madrid, le Barça affronte ce soir-là la Real Sociedad et Luis Enrique ose se passer au coup d’envoi à la fois de Lionel Messi et de Neymar.
Un double choix à même de causer une déflagration dans toute la Catalogne, d’autant que Jordi Alba a la bonne idée de marquer contre son camp d’emblée pour entraîner la défaite des Blaugranas (1-0, 2e).
Dans la foulée, les deux stars sont filmées en train de se marrer sur le banc, Neymar blaguant auprès de Messi en lui demandant d’aller s’échauffer. Même s’ils vont entrer en jeu en deuxième période, la crise est officiellement ouverte au Barça.
« Leo a un peu pété un câble »
Quatre ans après, Luis Enrique a reconnu avoir vécu « une période de tensions » avec « la Pulga ». Dès le 28 janvier 2015, Jérémy Mathieu, alors latéral au FC Barcelone, racontait sur RMC Sport l’épisode qui avait mis le feu aux poudres le 2 janvier, lors d’un entraînement : « D’un coup, pour une faute non sifflée, Leo a un peu pété un câble. Ça a frictionné entre le coach et lui, ils se sont dit les choses. Ça arrive dans tous les clubs, mais comme c’est Barcelone, on en a fait une tonne ». Tiens tiens, le genre de constat qui arrive 27 fois par saison du côté du PSG.
A l’époque, malgré un cocktail explosif, en raison du limogeage du directeur sportif Andoni Zubizarreta au lendemain de la défaite contre la Real Sociedad, de la démission de son adjoint et icône du Barça Carles Puyol, et d’un entraînement zappé par Lionel Messi, officiellement victime d’une gastro-entérite, Luis Enrique tente au mieux de garder le cap.
Le triplé de 2015, avec 50 victoires en 60 matchs
« Mon travail n’est pas de démentir des rumeurs, confiait-il alors. Cela créerait des problèmes au lieu de les résoudre. Il se passera des choses durant la saison et ce sera à nous de les régler. Nous sommes encore en course dans toutes les compétitions, et il y a de réelles possibilités. » Bingo, cinq mois plus tard, son équipe signe un triplé Ligue des champions-Liga-Coupe du Roi, avec à la clé un incroyable bilan de 50 victoires en 60 matchs, toutes compétitions confondues.
Même Lionel Messi n’est pas resté rancunier face à cet affront d’Anoeta. « Je suis allé sur le banc ce jour-là et nous avons eu une dispute qui a duré un certain temps, révélait récemment la star argentine sur la chaîne espagnole Vamos. Mais ensuite nous avons eu une relation spectaculaire jusqu’au dernier jour.
Quand il a décidé de partir, nous lui avons demandé de rester. » Florent Torchut revient sur le retournement de situation qui avait accompagné les trois saisons au Barça de Luis Enrique.
Il pensait peut-être arriver en terrain conquis en 2014. Son management était alors un peu sec et directif et il a pu ne pas plaire au groupe. Il était au bord de l’implosion début 2015, quand ça s’est un peu tendu avec Messi et Neymar.
Ça avait laissé des traces, puis une forme d’union sacrée avait débouché sur ce triplé. Luis Enrique sait où il va, il sait se mettre dans la tête des joueurs et les convaincre, afin d’emporter tout le monde à bord avec lui. »
La « transition bien gérée » entre Xavi et Rakitic
L’homme aux 76 % de victoires sur le banc de touche avec le FC Barcelone, pour finalement deux sacres en Liga (2015 et 2016), une Ligue des champions donc, la Supercoupe de l’UEFA et la Coupe du monde des clubs 2015, ainsi que trois Coupes du Roi, a finalement presque tout raflé en trois saisons avec la MSN et consorts. Un autre épisode fort symbolise sa gestion d’icônes au Barça. Dès sa première saison, il avait en effet progressivement installé dans l’entrejeu Ivan Rakitic à la place de Xavi, véritable légende au Camp Nou. « Cette transition avait été tellement bien gérée par Luis Enrique, sur le plan sportif et humain, que Xavi l’avait acceptée sans faire de vagues, avant de quitter le club en 2015 », raconte Florent Torchut.
Plus encore que ses récentes trois années (sans titre) de sélectionneur d’une Roja en déficit de stars comme de talents, ce cycle de trois saisons éreintantes au Barça ne peut qu’être précieux avant le début de sa nouvelle aventure parisienne. Reste un dernier point à soulever, l’institution FC Barcelone ne garantit-elle pas d’elle-même un vestiaire bien tenu, au contraire du flou et des incohérences qui accompagnent la direction de ce PSG qatari ?
« Non, on a vu qu’un Tata Martino s’était fait manger juste avant par ce contexte du Barça, note Florent Torchut. Luis Enrique a une grande confiance en lui et il se fout de ce qui se dit. Il est prêt à aller au front avec ses joueurs et sa direction. Il n’a pas peur de gérer un gros vestiaire, avec tout ce que cela implique. Il est préparé à une pression extrême lorsqu’on voit ce qu’il a vécu au Barça. » OK, pas de doute, Luis Enrique a bien la légitimité pour se lancer à son tour face au révélateur de la broyeuse de techniciens qu’est devenu le PSG.
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