La Commission européenne prend des mesures pour bannir Huawei et ZTE de ses réseaux. Elle invite également les États membres de l’Union à presser le pas pour se passer des deux équipementiers chinois.
La démarche est rare, mais traduit les préoccupations de plus en plus vives, en Europe, vis-à-vis de certaines entreprises chinoises pouvant faire peser un risque sur l’Union européenne. Dans une communication datée de la mi-juin, la Commission a nommément mis en cause deux géants chinois de la tech dans le dossier de la 5G : Huawei et ZTE. Une première.
« La sécurité de la 5G est importante, a lancé Thierry Breton le 15 juin. À partir d’aujourd’hui, la Commission européenne n’achètera pas de services de connectivité reposant sur des équipements de Huawei et ZTE ». « La Commission estime que les restrictions imposées à Huawei et ZTE sont justifiées », a ajouté pour sa part sa collègue Margrethe Vestager.
Bruxelles considère que les deux équipementiers « présentent en fait des risques sensiblement plus élevés que les autres fournisseurs 5G » sur la sécurité de l’Union européenne. Jamais l’exécutif européen n’avait désigné explicitement ces deux entreprises. Ce changement de braquet illustre une crispation croissante envers ces deux fleurons de la tech.
En finir avec Huawei et ZTE
Traduction concrète des propos des deux commissaires européens : Bruxelles va écarter Huawei et ZTE de ses « services de connectivité » et de ses « instruments de financement ». En clair, la Commission va appliquer pour elle-même des règles qui vont aboutir, dans les faits, à écarter les deux équipementiers de ses réseaux. Les installations actuelles devront être retirées.
L’exclusion à venir de Huawei et ZTE de l’écosystème tech de la Commission de tous ses réseaux, y compris dans ses représentations au sein de chaque pays membre de l’Union, a fait réagir. Huawei a publié un communiqué le lendemain de la décision de Bruxelles pour critiquer ces accusations publiques qui ne reposent, à ses yeux, sur aucun fondement juridique.
« Désigner publiquement une entreprise comme un fournisseur à haut risque sans fondement juridique va à l’encontre des principes du libre-échange.
Cette qualification discriminatoire ne devrait jamais être appliquée sans procédure justifiée et sans audition adéquate », déplore la marque. Elle rappelle l’existence de son centre de transparence sur la cybersécurité.
L’entreprise évoque par ailleurs des « risques économiques et sociaux importants » qui pourraient survenir dans le sillage des « restrictions ou exclusions fondées sur des jugements discriminatoires ». Des effets causés non pas par des représailles de Pékin, officiellement, mais par une perte de concurrence et de compétitivité pour le marché européen, et un surcoût d’investissement en 5G.
Aucun fait d’actualité spécifique ne semble à l’origine du coup de barre de Bruxelles — du moins, dans la 5G. Néanmoins, cette décision s’inscrit dans une perspective d’un certain réajustement entre Bruxelles et Pékin. Dans la tech, on se souvient que la Commission a décidé d’exclure TikTok, une application d’origine chinoise, de tous ses smartphones et appareils en début d’année.
Accélérer la mise à l’écart des deux sociétés chinoises
Huawei et ZTE, mis en cause depuis des années pour servir de vecteur d’espionnage au profit de la Chine, font d’ailleurs l’objet d’une mise à l’écart progressive au sein même des pays de l’Union. Une mise à l’écart que Thierry Breton, dont les missions incluent le marché intérieur, la politique industrielle, le numérique et la défense, juge un peu trop lente.
« Presque tous les États membres ont transposé les recommandations de la boîte à outils [sur la cybersécurité de la 5G, NDLR] dans leur législation nationale. En d’autres termes, ils peuvent désormais décider de restreindre ou d’exclure des fournisseurs sur la base d’une analyse des risques de sécurité », a-t-il relevé, trois ans après sa mise en place.
« Mais à ce jour, seuls dix d’entre eux ont utilisé ces prérogatives pour restreindre ou exclure des fournisseurs à haut risque, a-t-il néanmoins observé. C’est trop lent, et cela pose un risque de sécurité majeur et expose la sécurité collective de l’Union, car cela crée une dépendance majeure pour l’UE et de sérieuses vulnérabilités ». Les retardataires doivent donc agir sans tarder davantage.
SFR est l’une des entreprises françaises qui utilisent du Huawei sur son réseau.
La France fait partie des bons élèves. Elle n’a pas de loi bannissant explicitement Huawei et ZTE, mais le pays a voté un texte en 2019 qui permet aux autorités de progressivement écarter les fournisseurs extra communautaires. Comment ? Par un mécanisme d’autorisation préalable de l’Anssi. Une manière d’exclure les deux firmes sans le dire officiellement.
Cette autorisation s’impose aux opérateurs français lorsqu’ils souhaitent installer des équipements non-européens. Dans les faits, cela concerne SFR et Bouygues Telecom, qui ont misé sur des équipements chinois. Dans le cas d’Orange et Free Mobile, ce n’est pas un sujet : les deux opérateurs ont opté de leur côté pour deux prestataires européens, Nokia et Ericsson.
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