Le Premier ministre indien a démarré mercredi soir une visite officielle d’État à Washington par un dîner avec le président américain Joe Biden. Ce dernier, soucieux de serrer les rangs avec l’Inde face à la Chine, a prévu un programme fastueux jeudi, quitte à se faire discret sur le sujet des droits de l’Homme et de la relation entre l’Inde et la Russie.
Des pâtes et de la crème glacée pour commencer, le faste d’une visite d’État pour continuer : Joe Biden déroule le tapis rouge pour le Premier ministre indien Narendra Modi, quitte à mettre en sourdine la question des droits humains et l’attitude de l’Inde face à la Russie.
Le président américain, soucieux de serrer les rangs avec l’Inde face à la Chine, a reçu son invité avec son épouse Jill Biden mercredi 21 juin au soir autour de son menu préféré – à base donc de pâtes et de glace.
Une rencontre se voulant sans chichis – même si les conseillers à la sécurité nationale des deux pays y ont participé – en prélude au programme fastueux de jeudi, avec honneurs militaires, discours devant le Congrès américain et dîner de gala dont le menu, plus sophistiqué, sera essentiellement végétarien, comme l’est Narendra Modi. Il est aussi prévu, chose rare pour le dirigeant indien, que les deux hommes répondent aux questions de la presse.
« Cette relation bilatérale, qui sera selon nous l’une des plus importantes pour l’avenir du monde, a un potentiel énorme », a assuré mardi un porte-parole de l’exécutif américain, John Kirby.
Cela vaut bien une acrobatie protocolaire. Seuls les chefs d’État, et non de gouvernement, ont en théorie droit à la pompe d’une « visite d’État » : Joe Biden en avait organisé une pour le Français Emmanuel Macron et pour le président de Corée du Sud, Yoon Suk-yeol. Pour Narendra Modi, Premier ministre du pays le plus peuplé du monde, la Maison Blanche parle donc de « visite officielle d’État », un intitulé inédit.
John Kirby a promis une liste « conséquente » d’annonces, en énumérant une série de domaines de coopération, de la tech à la transition énergétique en passant par les semi-conducteurs. Les deux dirigeants sont surtout attendus sur la défense, à l’heure où les États-Unis manœuvrent pour contenir la Chine, tandis que l’Inde s’inquiète des ambitions de son grand voisin.
Avions de chasse
Selon des diplomates, Joe Biden et Narendra Modi devraient annoncer que l’américain General Electric fournira les moteurs des premiers avions de combat fabriqués par l’Inde, un contrat tout à fait inédit. Voilà qui répond au souci du Premier ministre indien de développer l’industrie nationale, et à la volonté de Joe Biden de resserrer les liens avec un pays qui s’est longtemps fourni en armement auprès de la Russie.
« L’Inde se présente toujours comme un pays non-aligné », refusant de rejoindre des alliances militaires de type Otan, rappelle Richard Rossow, analyste du Center for Strategic and International Studies (CSIS). Mais face à la Chine, New Delhi est prêt à « engager un niveau de coopération de défense beaucoup plus approfondi » avec les États-Unis, estime l’expert.
« Il ne s’agit pas d’envoyer un message à la Chine » avec cette visite d’État, a pourtant assuré John Kirby, selon lequel Washington entend encourager la volonté de l’Inde de jouer un plus grand rôle international.
Narendra Modi « a promis de faire respecter l’Inde sur la scène internationale » et « il devrait certainement mettre en valeur cette visite à Washington dans sa campagne » avant les élections prévues en 2024, souligne Tanvi Madan, experte du centre de recherches Brookings.
Droits humains
Comme pour toute visite d’État, le but de Joe Biden sera de gommer publiquement les divergences au profit de toasts chaleureux et de photographies flatteuses. Quitte à se faire discret quant aux préoccupations sur deux sujets : les droits humains et la relation entre l’Inde et la Russie.
Des associations ont critiqué la réception fastueuse du Premier ministre nationaliste hindou, selon elles responsable de persécutions contre les musulmans du Cachemire et de pressions contre l’opposition politique ainsi que la presse.
Le président américain « a pour habitude d’évoquer les questions qui nous préoccupent » avec ses invités et « les droits humains sont une question qui nous préoccupe », a seulement déclaré John Kirby.
En ce qui concerne la Russie, le porte-parole a répété à plusieurs reprises que l’Inde était une nation « souveraine ». Il a assuré que les Américains étaient « reconnaissants » de l’aide humanitaire fournie par l’Inde à l’Ukraine, qu’ils avaient « noté » la préoccupation exprimée par Narendra Modi vis-à-vis du conflit et qu’ils « espéraient » que le pays continuerait à respecter un prix plafond fixé par les Occidentaux pour ses achats de pétrole russe.
Sur la Russie, l’Inde et les États-Unis « ont décidé d’accepter ou de tolérer leurs divergences », analyse Tanvi Madan.
AFP