Critique Secret Invasion : Nick Fury dans une série Marvel qui nous fait de l’œil

Secret Invasion s’annonçait comme un OVNI au sein de l’univers Marvel sur le petit écran. La nouvelle proposition de l’écurie a-t-elle eu les yeux plus gros que le ventre ?

Consacrer toute une série à Nick Fury incarné par le génial Samuel L. Jackson, on se demande comment Marvel n’a pas eu l’idée avant. Après plus d’une décennie passée dans l’ombre des héros légendaires comme Iron Man, Thor ou encore Captain Marvel, l’ancien directeur du S.H.I.E.L.D inscrit enfin son nom sur l’affiche d’une production de la maison des idées. Enfin pas tout à fait puisque c’est le titre Secret Invasion qui a été retenu.

Il faut dire que la série convoque l’un des récits les plus emblématiques sur papier glacé, une histoire d’invasion qui découle directement des premières aventures de Captain Marvel alias Carol Danvers au cinéma.

L’histoire nous plonge à l’époque contemporaine du MCU et explore les conséquences directes de l’arrivée de Skrulls sur notre jolie planète bleue. Depuis des décennies, ces aliens verts vivent parmi nous dans le plus grand secret. Leurs aptitudes de métamorphose leur permettent de rester loin des radars. Après un long séjour dans l’espace, Nick Fury est rappelé sur Terre lorsqu’un vaste complot visant à renverser les gouvernements en place et mettre en danger l’humanité fait surface.

Depuis l’annonce de son arrivée sur Disney+, Secret Invasion est régulièrement comparée à Captain America et le Soldat de l’Hiver. Il faut dire que l’approche des studios concernant cette nouvelle proposition télévisuelle est assez similaire. Au travers de ses six épisodes, la série de Kyle Bradstreet entend raconter comment les Skrulls ont envahi toutes les strates de la société et complotent en secret pour bouleverser l’ordre établi.

Comme avec Hydra, il s’agira pour Fury et ses alliés de traquer les espions qui se trouvent dans ses rangs. Il réunit ainsi ses anciens alliés et invitent quelques nouvelles têtes au passage. La promesse d’un divertissement nerveux a-t-elle été tenue ? Secret Invasion débarque à un tournant pour l’univers cinématographique. Plus aussi fédératrice qu’à ses débuts, largement critiquée pour ses choix de direction artistique et narrative, l’estampille a perdu de sa vitalité. Nick Fury peut-il la réanimer ?

Nom de code : ennemis verts

Le MCU semble avoir vu en Disney+ une opportunité de s’écarter de son format ultra-calibré. Loin des salles obscures, et sans doute un peu des contraintes imposées par la firme aux grandes oreilles, la franchise explore des recoins plus sombres et de sa mythologie. Après l’excellente WandaVision, qui rendait hommage aux sitcoms de plusieurs décennies, Secret Invasion entend quant à elle piocher du côté des récits d’espionnage et les thrillers nerveux.

Il y a un peu de James Bond et beaucoup de X-Files. Derrière cette exploration du parcours de Nick Fury, c’est surtout un complot politique qui se déploie devant les yeux médusés des spectateurs. La narration pioche du côté de The Americans sans pour autant réussir à transcrire cette invasion secrète avec la même justesse.

Avec plus ou moins d’adresse, la narration de ces deux premiers épisodes – les seuls que nous ayons pu découvrir – tente de faire entrer les prémices d’un affrontement dantesque et mondial entre les Skrulls et les institutions d’espionnages américaines, mais aussi britanniques. Si le récit semble au départ cousu de fils blancs, avec une construction extrêmement balisé, la bouffée d’air frais se trouve ailleurs.

Ne pouvant évoluer autour d’une grosse révélation, comme pouvait le faire Le Soldat de l’Hiver, Secret Invasion utilise son contexte pour raconter autrement Nick Fury. C’est sans doute ici que la série trouve sa force, dans sa capacité à déconstruire un personnage énigmatique que l’univers a mis pas moins de dix ans à brosser.

Allo la lune, ici la Terre

Depuis Endgame, nombre de productions Marvel explorent les conséquences du “blip” pour les personnages. Hawkeye entendait raconter l’histoire d’un héros vieillissant et hanté par la disparition de son ami et partenaire de toujours alors que WandaVision s’épanouissait à raconter le deuil de la sorcière rouge. Pour Secret Invasion, il s’agit surtout de confronter Fury au temps qui passe et à celui qu’il a perdu après le claquement de doigt de Thanos. Cinq ans, c’est long, et celui qui semblait tirer de nombreuses ficelles à l’époque du S.H.I.E.L.D a perdu la main. Le monde a continué d’avancer sans lui et il doit désormais composer avec une organisation politique bouleversée.

Ayant eu quelques difficultés à encaisser les départs et les morts de ses alliés, il a passé de nombreuses années à bord d’un vaisseau spatial. Dorénavant en charge de S.A.B.E.R, une organisation intergalactique, il éprouve quelques difficultés à garder les pieds sur terre. Ce sont ses échanges avec des collaborateurs qui vont peu à peu faire émerger la double lecture du récit. Car au milieu de protagonistes qui pourraient se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas, Nick Fury doit aussi jouer avec les apparences pour rassurer son entourage.

Face à lui, c’est l’extrême inverse puisque les Skrulls dissidents veulent enfin montrer leurs vrais visages. “Avec ma vraie peau chez moi”, on ne peut pas faire plus équivoque. Un joli contrepied qui – on l’espère – sera le fil conducteur de cette première saison. C’est déjà plutôt réussi sur ce volet.

Espions… rassemblement !

Une fois de plus, Marvel n’a pas lésiné sur les grands noms pour son casting. Si d’aucun pourrait croire que les productions du petit écran ne comptent pas sur des vedettes internationales, Secret Invasion confirme que Disney+ joue dans la cour des grands. Samuel L. Jackson continue d’être impeccable en homme mystère, grave et rieur à ses heures perdues. Cobie Smulders ajoute également une nouvelle apparition remarquable de Maria Hill à son palmarès.

Injustement reléguée au second plan depuis ses débuts dans Avengers en 2012, malgré quelques apparitions dans la série Agents of S.H.I.E.L.D, elle s’offre un peu plus de lumière dans ces deux premiers épisodes.

Mais, l’atout charme de cette nouvelle production, c’est sans conteste Olivia Colman. L’actrice britannique – qui semble beaucoup s’amuser à donner corps à cette agente du MI6 – a déjà livré quelques répliques qui promettent de faire date dans l’histoire de la franchise. Plus largement, Secret Invasion repose sur une solide distribution qui nous gratifie de partitions nerveuses et remarquables.

Pourtant, ils ne sont pas toujours aidés par les dialoguistes qui ont souvent tendance à appuyer leurs idées de plusieurs lignes superflues. Secret Invasion aurait gagné à développer ses enjeux avec un peu plus de finesse.

Enfin, sur les deux premiers épisodes, Secret Invasion ne fait pas mentir sa réputation de production centrée sur l’action. Cette introduction nous a d’ailleurs surprises à plusieurs reprises, ne lésinant pas sur la violence pour entretenir son statut de série à part. Alors que Daredevil doit revenir au sein du MCU, Secret Invasion pourrait presque nous rassurer quant à la teneur de ces nouveaux épisodes avec Matt Murdock dans le costume du diable de Hell’s Kitchen.

JDG

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