Un panache de cendres de 58 kilomètres de haut, crépitant d’éclairs avec une intensité jamais observée auparavant. L’éruption du Hunga Tonga en janvier 2022 apporte encore une fois son lot de records et s’inscrit définitivement comme un événement hors norme.
C’est décidément l’éruption de tous les records : la violente explosion du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai en janvier 2022 n’en finit pas de faire parler d’elle ! Tsunami ultra-rapide, effet sur les communications satellites, quantité d’eau propulsée dans l’atmosphère… les données ne cessent d’affluer sur cette éruption du siècle et elles sont à chaque fois stupéfiantes.
Une nouvelle étude publiée dans Geophysical Research Letters apporte de nouvelles analyses concernant le panache de cendres propulsé dans l’atmosphère et là encore, les surprises sont nombreuses. Premièrement, le panache aurait finalement atteint une altitude record de 58 kilomètres.
Et ce n’est pas tout : les particules volcaniques, cendres et autres débris auraient été expulsés avec un débit phénoménal de 5 milliards de kilogrammes par seconde, soit plus que la terrible éruption du mont Saint Helens en 1980 ! Quand on sait qu’il s’agit en plus d’un volcan sous-marin, on comprend mieux pourquoi l’éruption du Hunga Tonga est considérée comme la plus importante jamais observée.
2 600 éclairs par minute, un nouveau record !
L’analyse des données satellitaires a également révélé qu’au cours de la phase d’activité principale, qui a duré onze heures, environ 2 600 éclairs par minute ont été comptabilisés, soit plus de 43 éclairs par seconde ! Ce phénomène d’orage volcanique est bien connu, mais il a atteint là une intensité jamais observée auparavant. Comme l’explique l’article ci-dessous, ce sont les chocs et frictions entre les particules de cendres magmatiques qui vont produire ces décharges électriques.
La spécificité de l’éruption du Hunga Tonga est cependant d’avoir généré des particules extrêmement fines, associées à une énorme quantité de vapeur d’eau, ce qui a exacerbé le phénomène. La hauteur du panache aurait également joué un rôle, les basses températures au sommet du panache faisant geler la vapeur d’eau et produisant ainsi une multitude de petits cristaux de glace capables de se charger positivement ou négativement.
Les scientifiques notent d’ailleurs la hauteur sans précédent à laquelle s’est produit cet orage volcanique : entre 20 et 30 kilomètres d’altitude. Aucun éclair n’avait alors été encore observé si haut !
LORS DE L’ÉRUPTION DU TONGA, ENVIRON 2 600 ÉCLAIRS (ICI ILLUSTRÉS EN BLEU) ONT ÉTÉ RECENSÉS PAR MINUTE AU SEIN DU PANACHE VOLCANIQUE.
C’est grâce à deux satellites dédiés à la traque des orages, GOES-17 (NOAA) et Himawari-8 (de l’agence météorologique japonaise), que les scientifiques ont pu étudier ce phénomène. Ils ont d’ailleurs pu noter que la distribution des éclairs n’était pas du tout équilibrée au sein du panache. Au contraire, ils semblent s’être distribués de façon concentrique lors de chaque détonation produite par le volcan. Pour les chercheurs, c’est donc l’onde de pression (aussi appelée onde de gravité) générée à chaque explosion, qui est à l’origine de ces éclairs.
Des éclairs distribués de façon concentrique
Quatre anneaux d’éclairs successifs ont ainsi pu être observés, correspondant aux quatre phases de l’éruption. Comme un surfeur sur des vagues, les éclairs se seraient développés sur ces déferlantes verticales concentriques se propageant au sein du panache et excitant à chaque passage les particules de glace et de cendres volcaniques. Si ce phénomène a déjà été observé, les chercheurs notent cependant une différence avec cette éruption.
Généralement, les éclairs se distribuent uniquement sur un anneau, et non au centre. Mais pas dans le cas du Hunga Tonga pour lequel des éclairs ont été observés au centre des anneaux quelques minutes après le passage de l’onde de gravité. Un mécanisme pour lequel les scientifiques n’ont pas encore d’explication.
Ces orages volcaniques pourraient d’ailleurs s’avérer très utiles pour le déclenchement d’alertes précoces en cas d’éruption. Car il ne faut pas oublier que ces volcans sous-marins peuvent être particulièrement dangereux, notamment à cause des tsunamis qu’ils sont capables de générer. Habituellement, les volcanologues sont prévenus qu’une éruption est en cours lorsqu’un satellite passe au-dessus de la zone et détecte un panache volcanique.
Il peut donc se produire un délai d’une dizaine de minutes avant que l’alerte ne soit déclenchée. Trop, en cas de tsunami. Or, la lumière des éclairs peut être détectée instantanément. L’étude des orages volcaniques pourrait donc ouvrir la voie au développement d’un nouveau système d’alerte précoce.
futura