La Caisse de dépôt liée à la réussite de GNL Québec

À travers ses investissements, la Caisse de dépôt et placement du Québec pourrait être liée à la réussite du projet GNL Québec, a constaté Le Devoir. Le principal gestionnaire des fonds de retraite des Québécois est actionnaire d’une entreprise impliquée dans le projet d’importation de gaz naturel avec lequel GNL Québec vient de conclure une entente en vue d’écouler une partie de sa production. Ce partenariat, confirmé jeudi, est une étape cruciale en vue d’obtenir le feu vert du gouvernement Legault.

Selon ce qu’on peut lire dans le plus récent rapport annuel de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), celle-ci détient 20 % de l’entreprise belge Fluxys SA, une multinationale impliquée dans le transport et le stockage de gaz naturel, et notamment dans des projets de gaz naturel liquéfié (GNL).

Le rapport annuel 2020 inscrit d’ailleurs cette entreprise parmi « les principales entreprises associées importantes » de la Caisse. Le document ne précise pas la valeur actuelle de l’investissement, mais des communiqués antérieurs démontrent que cette participation a été acquise en 2011 au coût de 360 millions d’euros, soit l’équivalent de 530 millions de dollars canadiens, selon le taux actuel de conversion.

Fluxys SA, qui gère déjà des terminaux d’importation de GNL en Europe, est devenue en mars dernier le « partenaire industriel » du projet Hanseatic Energy Hub (HEH), qui consiste à bâtir un terminal permettant d’importer du GNL, en vue de sa regazéification et de sa distribution sur le marché. Le projet serait situé près de Hambourg, dans le nord de l’Allemagne. Selon ce que précisait le communiqué conjoint publié en mars par Fluxys et HEH, l’entreprise belge investira dans la construction du projet, en plus de fournir une expertise « technique » et de gérer le futur terminal d’importation « à long terme ».

À travers sa participation dans Fluxys, la Caisse de dépôt et placement du Québec sera donc impliquée dans la réalisation de ce nouveau projet gazier, présenté par les promoteurs comme étant une solution afin de réduire la dépendance de l’Allemagne au charbon. Le gouvernement Legault a souvent répété que GNL Québec aurait sa place s’il permet de remplacer ce combustible fossile.

GNL Québec, qui présente aussi son projet comme un élément de la « transition énergétique », a d’ailleurs confirmé jeudi la signature d’un « partenariat stratégique » avec Hanseatic Energy Hub, en vue d’écouler éventuellement une partie de sa production sur le marché allemand. Cette entente, révélée d’abord par Le Devoir le 22 mai, prévoit qu’une partie du GNL produit au Saguenay à partir de gaz naturel albertain serait exportée jusqu’au futur terminal situé en Allemagne. À l’instar du projet GNL Québec, Hanseatic Energy Hub n’a toutefois pas encore confirmé que le projet se réalisera.

Quoi qu’il en soit, l’entente entre GNL Québec et HEH signifie que la Caisse de dépôt est désormais liée, par son actionnariat dans Fluxys, à la réussite du controversé projet d’exportation de gaz naturel exploité par fracturation. Celui-ci implique la construction d’un gazoduc de 780 kilomètres au Québec, d’une usine de liquéfaction et d’un terminal maritime d’exportation sur le Saguenay.

Dans le communiqué publié jeudi matin par GNL Québec pour confirmer la signature du « partenariat » avec HEH, le président de l’entreprise, Tony Le Verger, a évoqué « les actionnaires » du projet situé en Allemagne, mais sans nommer la Caisse. « Nous sommes enchantés de travailler en partenariat avec les actionnaires de Hanseatic Energy Hub. Nos deux entreprises partagent une mission, une vision et des valeurs communes favorisant l’accélération de la transition énergétique et la lutte contre les changements climatiques », a-t-il dit.

Appelée à réagir jeudi, la Caisse de dépôt a confirmé qu’elle est actionnaire « à 19,9 % » de l’entreprise Fluxys. « La Caisse n’est pas impliquée de près ou de loin dans cet accord conclu entre le Hanseatic Energy Hub et GNL Québec », a ajouté le chef des relations médias mondiales, Maxime Chagnon. La Caisse a également indiqué qu’elle ne souhaitait pas commenter le cas précis du projet HEH, puisque « la Caisse n’est pas un investisseur » de ce projet.

GNL Québec et Gazoduq, les deux entités qui pilotent le projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction, ont un total de 14 lobbyistes inscrits au registre québécois. Dans les deux cas, les démarches de lobbying en faveur du plus gros projet industriel privé de l’histoire du Québec comprennent la Caisse de dépôt de placement parmi les « institutions visées ».

Critiques de la Caisse

Chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), Éric Pineault estime que les investissements dans de nouveaux projets de terminaux gaziers ne sont pas avisés. « Les perspectives de développement du GNL ne sont pas aussi reluisantes que ce qu’on aurait pu penser il y a de cela une dizaine d’années, quand la Caisse a investi dans Fluxys. On assiste aujourd’hui à une accélération des politiques de décarbonisation de la filière énergétique », a-t-il fait valoir jeudi.

M. Pineault a aussi rappelé qu’un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie soulignait qu’il faut réduire d’au moins 55 % l’utilisation du gaz naturel d’ici 2050, afin de limiter le réchauffement climatique. Le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement portant sur GNL Québec remet aussi en question l’idée que ce gaz naturel, exploité essentiellement par fracturation, contribuerait à la « transition énergétique » nécessaire pour lutter contre la crise climatique. Le rapport souligne plutôt que GNL Québec « pourrait constituer un frein à la transition énergétique sur les marchés visés par le projet ».

 La Caisse n’est pas impliquée de près ou de loin dans cet accord conclu entre le Hanseatic Energy Hub et GNL Québec

Ce n’est pas l’avis du gouvernement Trudeau. Au moment d’annoncer la conclusion d’un « partenariat énergétique » entre Ottawa et Berlin, en mars, le ministre des Ressources naturelles, Seamus O’Regan, a affirmé que le GNL pourrait servir de « carburant de pont » en vue de la transition vers les « énergies vertes ».

Greenpeace a pour sa part dénoncé jeudi le lien entre la Caisse et le futur terminal HEH. « En tant qu’actionnaire à près de 20 % de Fluxys, la Caisse est un joueur clé autour de la table. Elle est directement concernée par les décisions stratégiques importantes, ce qui inclut ce projet majeur qui nuirait grandement à la transition énergétique mondiale. La Caisse ne peut pas et ne doit pas se défiler de ses engagements climatiques, d’autant plus qu’elle gère de l’argent public », a soutenu son porte-parole, Patrick Bonin.

Source: ledevoir.com

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