Nous avons tous une perception différente de notre environnement
Nous voyons tous les mêmes objets, de manières différentes. Si cette affirmation fait vivre les débats philosophiques sur notre expérience au monde depuis des milliers d’années, elle est aujourd’hui prouvée scientifiquement. « Par exemple, si l’on assombrit légèrement ce qui entoure un objet, celui-ci apparaîtra plus clair que le même objet situé à proximité sur l’arrière-plan d’origine.
En rendant ce qui l’entoure encore plus sombre, l’objet paraîtra plus sombre », explique Jolyon Troscianko, spécialiste en écologie environnementale.
La barre au milieu de cette figure est d’un seul niveau de gris, mais elle apparaît plus claire à gauche et plus sombre à droite en raison du dégradé en arrière-plan. C’est ce qu’on appelle le contraste simultané, où les contours sombres font apparaître les figures plus claires, et vice-versa.
« J’ai voulu modéliser ces illusions »
« Les illusions visuelles se produisent en permanence dans le monde réel, et modifient l’aspect des choses. J’ai voulu modéliser ces illusions », poursuit le chercheur. Plus précisément, c’est la manière dont le changement de couleur de l’arrière-plan modifie la couleur perçue d’un objet, que le chercheur a souhaité modéliser, bien qu’il existe de nombreux autres exemples d’illusions.
L’équipe de Jolyon Troscianko a donc choisi de modéliser la théorie la plus simple : celle qui situe les illusions visuelles au niveau de l’œil, et non pas à des niveaux psychologiques supérieures.
Les deux barres grises au milieu de cette figure sont du même gris, mais celle de gauche (entourée de barres plus noires) apparaît plus sombre. C’est le contraire de l’exemple de contraste simultané ci-dessus, car des contours plus sombres rendent désormais la figure plus sombre.
L’illusion visuelle vient de la compression des informations transmises par les neurones
Selon son étude, c’est la vitesse de transmission limitée des neurones qui pourrait affecter notre perception des couleurs. Le modèle informatique fonctionne donc à partir de cette « bande passante limitée » des neurones optiques. « Pour les neurones qui relient les yeux des primates aux premières parties du cerveau, la vitesse d’activation la plus rapide est environ 10 à 15 fois supérieure à la vitesse la plus lente, ce qui décrit leur bande passante », illustre le chercheur.
C’est dans cette fourchette que sont transmises les informations visuelles, et tout signal trop fort peut saturer et fausser la transmission.
Les deux cubes ont ce qui semble être des facettes jaunes et bleues sur leurs surfaces supérieures. Cependant, celles qui paraissent jaunes à gauche sont en fait d’une couleur grise identique aux facettes bleues à droite.
Cette illusion montre comment les objets semblent être de la même couleur, même lorsque la lumière change, et pourquoi dans les illusions, un tel gris semble coloré.
En étudiant la saturation des neurones, le modèle permet de comprendre comment se forment les illusions visuelles, « par exemple, les scènes naturelles ont des contrastes supérieurs à 10 000:1, mais nos neurones ne peuvent traiter que des contrastes de 10:1. », explique le chercheur. Pour arriver au cerveau, les informations doivent donc être compressées massivement, ce qui peut entrainer de petits défauts visuels, et créer une illusion d’optique.
« Nous n’avons plus besoin d’attribuer tous ces phénomènes visuels à un traitement complexe de niveau psychologique (ce qui ne veut pas dire que ces processus de niveau supérieur ne peuvent pas du tout affecter notre vision) », conclut Jolyon Troscianko. La couleur de la robe dépendait donc de la vitesse des informations transmises aux neurones de l’observateur, en fonction de paramètres notamment environnementaux, comme l’éclairage.
Les chercheurs espèrent ainsi plaider en faveur de modèles simples pour la modélisation de l’apparence des couleurs et, à terme, pouvoir développer le modèle pour la vision animale.
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