Des équipes américaines, anglaises et israéliennes ont présenté leurs nouveaux modèles du développement embryonnaire, qui imitent l’embryon humain au stade de post-implantation.
La course pour les embryons artificiels est plus serrée que jamais ! Depuis quelques années, des chercheurs à travers le globe tentent de reproduire en laboratoire les premières étapes du développement embryonnaire (extrêmement difficile à étudier in vivo). D’abord chez d’autres animaux, tels que la souris, espèce avec laquelle des chercheurs ont montré qu’il était possible de générer des structures comparables à un embryon uniquement avec des cellules souches, se passant donc de spermatozoïdes et ovules.
Et finalement chez l’humain en 2021, lorsque deux équipes ont montré la possibilité de reprogrammer des cellules humaines pour qu’elles se prennent pour des cellules embryonnaires et commencent la formation des différentes structures composant un embryon.
Deux ans après ces exploits, cette compétition scientifique pour être le premier à développer le modèle embryonnaire le plus réaliste possible est à son apogée. Avec trois équipes en tête de course, qui avec des approches similaires viennent de réussir à imiter l’embryon humain post-implantation (ce qui correspond à l’embryon environ 9 jours après la rencontre des gamètes, après s’être implanté dans l’utérus).
Leurs modèles embryonnaires ont été présentés dans deux articles du journal Nature le 27 juin 2023, l’un réalisé par des chercheurs de l’Université de Yale aux États-Unis et l’Institut Max Planck en Allemagne, et l’autre par l’Université de Cambridge au Royaume-Uni et l’Université de Washington à Seattle, aux États-Unis. Le troisième a été mis en ligne en tant que preprint (pas encore revu par les pairs) le 15 juin par des chercheurs de l’Institut de sciences Weizmann en Israël.
Des embryoïdes qui imitent l’embryon humain
Ces embryons artificiels ne sont pas des vrais embryons, car ils n’ont pas toutes les structures nécessaires pour passer à l’étape fœtale. Raison pour laquelle les experts préfèrent les appeler des embryoïdes (comme ces copies des organes fabriqués en laboratoire qu’on connaît sous le nom d’organoïdes). Cette incapacité à devenir des fœtus (et donc éventuellement des bébés) est en fait un atout de ces modèles embryonnaires, qui peuvent être cultivés afin de les étudier sans le risque que les manipulations qu’ils subissent lors de ces études ne se retrouvent un jour chez un être humain.
Les tentatives précédentes de ces embryoïdes étaient parvenues à imiter le stade de blastocyste, lorsque l’embryon se sépare en une couche périphérique (le trophectoderme, qui donnera le placenta et le cordon ombilical) et un amas de cellules à l’intérieur (les cellules de la masse interne) qui donneront naissance au fœtus. Étape qui correspond environ au cinquième jour après la fertilisation de l’ovule. Maintenant, les chercheurs ont réussi à dépasser cette étape, arrivant au moment où cet amas de cellules de la masse interne se différencie en épiblaste et hypoblaste.
Lors des prochaines étapes, l’épiblaste deviendrait l’endoderme, le mésoderme et l’ectoderme du fœtus, alors que l’hypoblaste guide le développement de ces structures. L’intérêt de ces nouveaux modèles est précisément de pouvoir étudier comment l’hypoblaste communique avec l’épiblaste pour diriger la formation du futur fœtus.
Des modèles qui ne sont pas encore des copies parfaites
Les trois équipes sont parvenues à ce stade embryonnaire en traitant des cellules souches avec des facteurs de transcription pour forcer l’expression de certains gènes et ainsi reprogrammer ces cellules pour qu’elles deviennent les différents types cellulaires qui composent un embryon. Cependant, leurs approches montrent encore des failles et ne parviennent pas à imiter entièrement l’embryon de développement.
Par exemple, l’embryoïde de l’Université de Yale, réalisé à partir de cellules souches pluripotentes agrégées dans une structure en 3D, montre une signature épigénétique (les gènes qui sont actifs ou éteints à un moment donné) plus proche de ces cellules souches que des cellules embryonnaires à ce stade.
Celui de Cambridge, à partir de cellules souches embryonnaires, nécessite la surexpression de certains gènes pour que les cellules s’organisent correctement, ce qui pourrait entraîner des erreurs par la suite du développement embryonnaire selon les auteurs. Celui de l’Institut Weizman serait le plus abouti de ces modèles, selon des experts interrogés par la MIT Technology Review. Mais c’est aussi le seul article qui n’a pas encore été revu par les pairs, donc il est trop tôt pour en tirer des conclusions.
Ce qui est certain est que la course pour le simil-embryon humain est plus serrée que jamais et les avancées dans ce domaine scientifique ne sauraient tarder (notamment depuis la suppression des limites de temps pour la culture en laboratoire d’embryons humains).
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