Après une quatrième nuit consécutive d’émeutes urbaines suite à la mort du jeune Nahel, le président de la République a annulé sa visite d’Etat en Allemagne prévue ce dimanche. Une décision reflétant son entrée dans une nouvelle tourmente, après la séquence éprouvante des retraites.
Face aux émeutes en France, la pression monte pour le président de la République. Emmanuel Macron a en effet été contraint ce samedi de reporter sa visite d’Etat en Allemagne au lendemain d’une quatrième nuit consécutive d’émeutes causées par la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier et inhumé loin des caméras dans sa ville de Nanterre.
Quelques semaines après la longue crise causée par sa réforme contestée des retraites , le chef de l’Etat a ainsi téléphoné à son homologue allemand pour l’informer « de la situation dans son pays » et de sa décision de renoncer à sa visite prévue de ce dimanche soir à mardi.
Si aucune nouvelle date n’a été fixée à ce stade, un membre de son entourage a fait savoir à l’agence Reuters qu’un « moment plus propice » serait trouvé pour faire ce déplacement outre-Rhin. » « Une visite d’Etat est une visite d’amitié, purement protocolaire », a souligné cette source, qui ajoute que « les Français n’auraient pas bien compris que le président parte en Allemagne ».
La présidence allemande compréhensive
De son côté, la présidence allemande a réagi à cette décision dans un communiqué . « Le président allemand regrette l’annulation et comprend parfaitement en raison de la situation », y est-il exprimé. « Frank-Walter Steinmeier suit avec une très grande attention la situation en France. Il espère que la violence dans les rues va s’arrêter bientôt et que la paix sociale pourra de nouveau être rétablie », ajoute le communiqué.
Ce déplacement était très attendu, 23 ans après la dernière visite d’Etat d’un président français outre-Rhin, celle de Jacques Chirac en 2000. Fin mars dernier, c’est la visite d’Etat du roi Charles III en France qui avait dû être annulée, en raison de la crise sociale liée à la réforme des retraites.
Après les retraites, une autre mauvaise séquence
Au sortir du conflit de cette réforme très contestée, le président s’était donné 100 jours, jusqu’au 14 juillet, pour « apaiser » le pays et remettre le quinquennat sur les rails. Le voilà aujourd’hui de nouveau au pied du mur avec ces quatre nuits de violences urbaines à travers tout le territoire.
Une situation ardue qui s’impose seulement quelques jours après ses bains de foule à Marseille, ville qu’il affectionne tout particulièrement. En 2021, dans un grand plan baptisé « Marseille en grand », Emmanuel Macron a lancé une série de mesures visant à améliorer le quotidien des habitants de la cité phocéenne (éducation, sécurité, logement, transport, etc).
« C’est une très mauvaise nouvelle pour le chef de l’Etat et la stratégie qui consistait à laisser glisser l’agenda de l’exécutif en pente vers le 14 juillet, à miser sur l’accalmie du mois d’août et à faire un remaniement pour clôturer la parenthèse » des retraites, estime auprès de l’AFP le politologue Bruno Cautrès. « Après le Covid, les Gilets jaunes, la guerre en Ukraine, rien ne lui aura été épargné », se désole un cadre de la majorité auprès de l’agence.
Incendies et pillages la nuit dernière
Durant la nuit de vendredi à samedi, de nombreuses villes de France ont été le théâtre de heurts entre les forces de l’ordre et des jeunes issus des quartiers populaires criant leur haine de la police.
Selon le ministère de l’Intérieur, quelque 1.350 véhicules ont été incendiés, 266 bâtiments ont été incendiés ou dégradés, dont 26 mairies et 24 écoles, et 2.560 feux comptabilisés sur la voie publique. Des chiffres en net recul par rapport à ceux de la nuit précédente. Lyon et Marseille ont été les deux agglomérations les plus touchées.
Inquiétude et renforts policiers
Gérald Darmanin a annoncé la reconduction du dispositif de maintien de l’ordre pour la nuit de samedi à dimanche, avec 45.000 policiers et gendarmes mobilisés pour faire face aux émeutes. A Marseille et Lyon, les forces de l’ordre seront « considérablement » renforcées, a ajouté le ministre.
De nombreuses communes ont instauré un couvre-feu et les bus et tramways d’Ile-de-France ont cessé ce samedi, comme la veille, de circuler à compter de 21h00. La cellule interministérielle de crise s’est réunie une nouvelle fois ce matin, autour du directeur de cabinet de la Première ministre, pour faire le point de la situation. Tous les ministres ont pour leur part été priés de rester à Paris ce week-end.
Pour l’exécutif, la question de l’ état d’urgence reste posée et surveillée à l’étranger. D’autant plus que la France accueille à l’automne la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques à Paris à l’été 2024.
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