Au Soudan du Sud, les débuts prometteurs du cécifoot

Au Soudan du Sud, le cécifoot a été inauguré le 27 juin en présence de représentants du gouvernement, des ONG et de la société civile. C’était à l’occasion de la finale du tout premier championnat de ce sport encore méconnu dans le plus jeune pays au monde.

Le cécifoot – ce foot pratiqué par les déficients visuels – a été introduit à Juba en 2020 par l’ONG Light for the World, spécialisée dans la lutte pour les droits et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Malgré les difficultés, les stéréotypes négatifs et le manque de moyens, la Fédération de cécifoot sud-soudanaise a été enregistrée officiellement en octobre 2022.

Se disputant le ballon à grelots, les joueurs évoluent les yeux bandés, au son des indications de leurs coéquipiers. L’ambiance était électrique lors de cette finale du championnat où se sont affrontés le Kator Blind Football Club et les Juba Boys, qui ont remporté la finale.

Simon Madol Akol, de l’ONG Light for the World, est l’un des fondateurs et l’entraîneur en chef des joueurs de cécifoot sud-soudanais : « Au départ, ça a été vraiment dur mais c’est la passion qui nous a permis d’y arriver. On a démarré avec seulement deux joueurs, avec moi comme entraîneur. À l’époque, personne ne connaissait ce sport. On a commencé à s’entraîner dans la cour devant nos bureaux, je lançais le ballon aux joueurs pour qu’ils dribblent et me le renvoient ».

Avec le bouche-à-oreille, de nouveaux joueurs les ont rejoints : « Chaque jour à l’entraînement, deux nouveaux joueurs arrivaient. Et la fois suivante, encore deux joueurs de plus. L’équipe a grandi comme ça jusqu’à ce qu’on atteigne le nombre de 15 joueurs et maintenant nous avons quatre équipes. Et nous avons pu organiser un championnat, c’est la toute première fois ! »

« Je joue comme Messi ou Cristiano Ronaldo »
Une équipe de cécifoot est composée de quatre joueurs déficients visuels et d’un gardien de but voyant qui oriente les défenseurs. Un guide placé derrière la cage de but adverse dirige son équipe en tapant sur le poteau avec une pierre. Les joueurs localisent le ballon grâce au son des grelots qui sont à l’intérieur, grâce aussi aux indications de leur entraîneur sur la touche : « Ils leur disent où est le ballon, s’ils en sont loin : tourne à droite ! À gauche ! Cours ! Il y a un joueur devant toi ! Recule ! C’est en criant comme ça que ça se passe ».

Jimmy Just Augustin, 24 ans, est le capitaine du Kator Blind Football Club. Il a retrouvé le plaisir du foot qu’il pensait avoir perdu à jamais : « Quand j’ai perdu la vue suite à une infection des yeux, je ne pensais pas rejouer au foot un jour. Mais maintenant, je joue comme Messi, Cristiano Ronaldo, comme n’importe qui… Comme si on n’était pas déficients visuels, on arrive à contrôler le ballon, à tirer et à marquer des buts. Avec tous les joueurs, on est devenus amis, on est comme des frères ».

Représenter le Soudan du Sud à l’international
Une vie sportive et sociale bienvenue dans une société où les stéréotypes négatifs demeurent, malgré la ratification par le Soudan du Sud de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, en février.

Augustino Wudu Hilario, directeur de l’Association des personnes en situation de handicap au Soudan du Sud : « Les attitudes négatives, la discrimination à l’égard des personnes en situation de handicap sont liées à nos normes culturelles et aux idées reçues selon lesquelles ce sont des personnes qui ne peuvent rien apporter à la société ».

Quand il a perdu la vue, Charles Pasquale, qui dirige la Fédération de cécifoot, a cru que sa vie était « fichue ». Il a combattu ses peurs pour s’essayer au cécifoot : « J’avais très peur de me blesser. Les peurs et les doutes ont été effacés grâce à la pratique sur le terrain. Maintenant, je me fais plaisir en jouant au foot.

Les compétences et le talent que j’ai, je les mets en œuvre. Pas seulement pour moi, mais aussi pour mon pays. Parce qu’un jour ou l’autre, nous allons disputer des matchs internationaux. Et nous allons représenter notre pays ».

Pour Yona Sabri, 19 ans, capitaine du Gudele Blind Football Club, il est urgent que les Sud-Soudanais affrontent un autre pays pour la première fois : « Jouer un match amical au niveau international nous permettrait de connaître notre niveau. Parce qu’ici, nous jouons bien, nous marquons des buts. Mais on ne sait pas, par exemple si on joue contre l’Ouganda, si on va les battre ou bien si c’est eux qui vont nous battre ? »

Certains se prennent même à rêver d’une participation aux Jeux paralympiques de 2024 et espèrent obtenir plus de soutien pour y parvenir.

RFI

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