Crise de l’opéra: les maestros britanniques vent debout face à la baisse des subventions

Au Royaume-Uni comme en France, le monde de l’art lyrique traverse une crise financière importante. De passage à Aix et à Avignon, Simon Rattle, George Benjamin ou encore Tim Etchells partagent leurs craintes et leurs espoirs sur les feux déclinants de la rampe.

La France n’est pas le seul pays à s’inquiéter pour ses opéras. Une partie des artistes britanniques invités cette année au festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence et au grand raout d’Avignon s’inquiètent également des baisses du financement culturel dans leur pays et qui menacent, selon eux, orchestres et opéras.

Brexit, pandémie, inflation, soutien en baisse: les maux se sont accumulés pour la culture en Grande-Bretagne depuis quelques années. Et ces derniers mois, deux institutions majeures ont fait des annonces qui ont ébranlé le milieu artistique.

En octobre 2022, le Arts Council England (ACE) – qui finance les arts au niveau national grâce à des fonds du gouvernement et des produits de la loterie nationale – a fait savoir que plusieurs structures culturelles de Londres allaient subir des coupes. Le English National Opera, deuxième compagnie lyrique, est le plus durement touché, avec le retrait de 12,6 millions de livres (14,6 millions d’euros). Il devrait bénéficier d’un an de répit puis d’une éventuelle délocalisation hors de la capitale.

Ces ajustements font suite à une demande du gouvernement britannique, qui a souhaité voir le ACE décentraliser une partie de ses subventions afin d’en faire profiter d’autres villes. Cette décision «profitera au public qui va à l’opéra pour la première fois», a justifié le ACE.

Premier employeur national pour la musique classique, la BBC – dont le gouvernement a également gelé la redevance pendant deux ans, créant un trou massif dans ses finances – a été contrainte d’organiser un plan de départs volontaires visant 20% de l’effectif de ses trois orchestres anglais. Le mastodonte médiatique avait par ailleurs annoncé en mars la suppression des «BBC Singers», seul chœur permanent professionnel du pays… avant de se rétracter après une lettre ouverte de 700 compositeurs du monde.

«Une période difficile»
«Nous nous devons de rester optimistes, même si les arts traversent une période difficile en Grande-Bretagne, a déclaré le maestro vedette Simon Rattle, qui vient diriger un opéra et un concert à Aix. Souvent, la première chose à laquelle on pense en politique, c’est de couper… Ce sont des moments aberrants et tragiques, mais l’on espère continuer à voir de l’art, de la culture quand on sortira de tout ça».

J’ai peur qu’il y ait une fracture sévère, je n’ai jamais senti cela de ma vie.

George Benjamin, compositeur
«J’étais choqué et en colère», confie à l’AFP le compositeur George Benjamin qui s’apprête à présenter à Aix une création mondiale, Picture a Day Like This. Dans un pays doté «de merveilleux orchestres et des compositeurs et des chanteurs de qualité (…) il s’agit d’une période triste et inquiétante», ajoute-t-il. «J’ai peur qu’il y ait une fracture sévère, je n’ai jamais senti cela de ma vie, prévient le compositeur, dont deux opéras créés à Aix avaient rencontré un vif succès. Si vous considérez les arts comme n’ayant aucune valeur, vous allez bien sûr baisser le soutien».

Pour Tim Etchells, qui présentera une pièce itinérante en français à Avignon, «le contexte général est plutôt précaire en raison du changement de priorités» du gouvernement. «Le gros problème est qu’il n’y a pas assez d’argent donné aux arts; et même s’il y a une volonté de transférer des fonds plus aux régions nord, ce n’est vraiment pas nécessaire de jouer les régions les unes contre les autres», dit le metteur en scène.

Le metteur en scène Tim Crouch, qui présente deux pièces à Avignon, s’inquiète de l’augmentation de prix de billets dans le West End à Londres où sont concentrés de nombreux théâtres. «Il y a beaucoup de petits lieux qui ferment», regrette-t-il. L’agacement ne se limite pas aux artistes classiques. «Pourquoi pensez-vous que je passe beaucoup de temps (en France)?», affirme à l’AFP Damon Albarn, du groupe Blur, qu’il a reformé.

«C’est le seul endroit où je peux obtenir une commande pour faire un opéra autour de Goethe, qui sera créé en 2024 au Lido2Paris. La dernière fois que j’ai tenté quelque chose en Angleterre, c’était au National Theatre et j’ai fini par être harcelé pour faire un spectacle de Noël pour des “raisons commerciales”.

AFP

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