Chaque année, le concours Science Factor récompense les innovations à impact positif de collégiens et de lycéens. A l’honneur cette année, des élèves de troisième qui ont mis au point un filtre par gravité permettant de filtrer récupérer l’eau douce et d’éliminer bactéries, métaux lourds et pesticides comme le chlordécone.
Science Factor ? C’est un concours pour les fans de science, soutenu par les ministères de l’Education Nationale et de la Recherche. Son but : susciter et intensifier le goût des jeunes pour la science et le numérique. Tous les ans, les participants, de la sixième à la terminale, développent leur projet avant de le soumettre aux votes des internautes.
Dans un cadre ludique, des équipes de quatre jeunes pilotées par une fille devront imaginer une innovation ayant un impact positif sur la société. Assistés par des chercheurs et des étudiants, les adolescents voient leur idées se concrétiser et mettent leur génie au service de tous. En 2023, neuf prix différents ont été attribués (collège, lycée, lycée professionnel…). De plus, les équipes gagnantes ont reçu un chèque cadeau de 250 euros par participant. Adèle Cauchon Courias
Ce filtre, dont il existe trois prototypes, permet de séparer l’eau douce des polluants qui l’encombrent, grâce à des matériaux naturels, recyclés, sans produits chimiques et sans électricité.
Une réponse au problème de l’accès à l’eau potable
« Aux Antilles, on est très souvent victimes de coupures du réseau d’eau, et on est extrêmement vulnérables en cas de catastrophe naturelle. Notre idée était de permettre à la population d’avoir une eau pure en toutes circonstances », explique Mahoré, qui dirige l’équipe.
La plupart des eaux de source sont contaminées par des résidus d’engrais et de pesticides, comme le chlordécone, ce qui la rend impropre à la consommation. Pourtant, près de 20% des personnes interrogées lors d’un sondage réalisé par les élèves déclaraient en consommer de manière occasionnelle.
Pour tenter de trouver une solution simple et peu couteuse à ce problème, ils sont 17 élèves du collège Rose Saint Just (La Trinité, Martinique) à travailler depuis deux ans sur ce projet, à raison de 3h par semaine. Réunis dans le cadre d’une micro-entreprise, tous ont pu, avec leur professeur encadrant monsieur Cordeboeuf, contribuer au développement du filtre à eau. « Une mini-entreprise, c’est une entreprise gérée par un groupe de plusieurs élèves répartis en différents pôles.
Dans notre équipe, on a le pôle de direction qui supervise l’ensemble des autres pôles, comme celui des ressources humaines, de la recherche et développement ou de la communication et marketing », explique Eden, chargée de communication dans la mini-entreprise. Le but de ce dispositif est d’initier les élèves à l’économie et au monde de l’entreprise pendant leur année scolaire.
Un filtre naturel et innovant
Pour répondre au problème de l’accès à l’eau, très présent dans les Antilles comme l’a souligné la jeune équipe, les élèves ont mis au point un filtre peu coûteux, dont la structure s’inspire de l’eau qui s’infiltre dans le sol et se débarrasse naturellement de ses impuretés.
Leurs trois prototypes, sont composés de deux parties : une partie haute où sont présents les médias de filtration (la céramique poreuse imprégnée d’argent colloïdal et le charbon actif à base de coques de noix de coco) ainsi qu’un disque en béton poreux, et une partie basse destinée à collecter l’eau filtrée. Les matériaux, abordables et facilement remplaçables, en font un produit économique et accessible à tous.
Les trois prototypes de filtre à eau par gravité à médias séparés. Le modèle O’riginel, en terre cuite et d’une capacité de 10 litres, permet de fournir de l’eau quotidiennement à une famille de 4 personnes.
Le modèle bri’O en inox dispose d’un réservoir de 15 litres, le modèle zO’diack en plastique recyclé présente un réservoir de 20 litres et est notamment dédié aux situations d’urgence.
L’équipe a également veillé à travailler avec des matériaux issus de la récupération et de circuits courts, faisant du filtre un produit écologique et bas carbone.
« Comme notre filtre est composé de plusieurs matériaux, on a eu besoin de plusieurs partenaires, explique Lohan. Par exemple, le charbon actif du filtre est à base de noix de coco, que l’on récupère auprès d’un artisan glacier qui se débarrasse des coques. Pour le modèle zO’diack, on récupère des seaux issus de l’industrie agroalimentaire. »
Une expérience formatrice et des projets à venir
Au-delà d’être une expérience entrepreneuriale enrichissante, les élèves affirment avoir tiré de nombreux bénéfices de l’aventure de la mini-entreprise et du concours Science Factor. Les quatre participants précisent avoir appris à travailler en groupe, à développer leur compétences à l’oral ou à gérer leur stress.
A ce titre, leur professeur encadrant, monsieur Cordeboeuf rappelle, « ce qui compte le plus dans ce projet, ce sont les ‘softs skills’ acquis par les élèves. Grâce à ce type de projet, ils ont pu développer leur autonomie, leur sociabilité ou leur capacité à travailler en équipe. Pour les professeurs, la mini-entreprise est une aventure, elle permet de transmettre des valeurs, d’accompagner et soutenir les élèves.
Nos jeunes ont beaucoup de talent et de potentiel, la créativité est quelque chose qui leur tient à coeur, mais qu’il n’est pas facile d’exprimer dans les cours traditionnels. Dans une mini-entreprise, on part d’une page blanche et on crée tout, ensemble. C’est gratifiant pour les élèves, mais aussi pour leurs enseignants. »
Grâce à Science Factor, Madin’O pourra bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour le développement du projet. A terme, l’équipe espère pouvoir déposer un brevet pour la technique de filtration à médias séparés et pouvoir commercialiser ses produits. En attendant, il est possible de suivre leurs aventures via leurs comptes Instagram et Twitter.
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