Alors que la France connaît des nuits de violences urbaines en réaction à la mort du jeune Nahel, tué par un tir de policier mardi à Nanterre, les impacts économiques sont déjà scrutés de près par plusieurs secteurs.
Des commerçants sonnés. Après plusieurs nuits de violences urbaines, dont une dernière plus calme dimanche, l’économie française commence à faire le bilan. L’ampleur des dégâts était estimée à 200 millions d’euros lors des émeutes de 2005 et à 250 millions d’euros lors du mouvement des gilets jaunes. S’il est encore trop tôt pour estimer le coût global des récentes émeutes engendrées par la mort du jeune Nahel ce mardi, leur impact économique est déjà redouté par certains secteurs.
Les commerces en première ligne
Pour clôturer leur point d’échange avec les représentants du secteur du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que des agences bancaires, Bruno Le Maire et Olivia Grégoire ont tenu une conférence samedi permettent d’établir un premier bilan des dommages causés par les émeutes.
Au moins une dizaine de centres commerciaux, 200 enseignes de la grande distribution, 250 débitants de tabac, 250 agences bancaires ainsi que de nombreux commerces de mode, de vêtements de sport et d’enseignes de distribution alimentaire rapide ont été saccagés, pillés voire entièrement brulés depuis mardi. Au total, 1500 commerces en métropoles et 400 à Marseille auraient été pillés et vandalisés. Carrefour, Auchan, Leclerc, Aldi, Lidl… aucune grande enseigne n’est épargnée.
Côté retail, les centres commerciaux de Créteil Soleil (Val-de-Marne) et de Rosny 2 (Seine-Saint-Denis) ont par exemple été pris d’assaut vendredi dernier par des émeutiers. Un magasin Apple Store a également été vandalisé à Strasbourg (place Kléber). Mais c’est sans doute Marseille qui en a fait plus les frais avec des dizaines de magasins pillés en centre-ville.
Le groupe de lingerie Etam a pour sa part vu une dizaine de ses magasins être saccagés et a dû en réponse en fermer une centaine sur tout le territoire. « C’est un million d’euros de chiffre d’affaires qui est perdu pour le premier samedi de soldes », a partagé ce matin sur Franceinfo le directeur du groupe Laurent Milchior.
La restauration et le tourisme aussi impactés
Au-delà des pillages, des incendies volontaires ont aussi eu lieu et ce sont bien les restaurants qui ont été le plus ciblé – à l’image surtout de grandes enseignes de restauration rapide comme McDonald’s ou KFC. Mais de plus petits établissements ont aussi été victimes de ces exactions comme un restaurant à Valenciennes jeudi dernier.
Conséquence immédiate, les projections en matière de tourisme sont revues à la baisse. Jean-François Rial, le patron de l’Office du tourisme de Paris, a estimé que les hôteliers locaux connaissaient déjà un taux d’annulation de leur clientèle internationale avoisinant les 20-25%. Avec à la clé, des pertes à venir pour le secteur touristique, l’hôtellerie, la restauration et les commerces.
Les autorités américaines ou encore britanniques ont aussi partagé leurs recommandations de sécurité, qui peuvent largement dissuader plusieurs touristes à se rendre dans l’Hexagone cet été. Plus encore, Pékin a transmis un appel à la sécurité de ses ressortissants après l’attaque, jeudi dans la cité phocéenne, d’un bus transportant des touristes chinois.
Les dommages collatéraux sur la culture
Évidemment, ce contexte d’instabilité a aussi un impact sur la culture. Les concerts très attendus vendredi et samedi derniers de Mylène Farmer au Stade de France ont par exemple été annulés par les autorités. Des festivals comme le Yardland au parc de Choisy ou encore Les Estivales de Vanves ont aussi connu le même sort.
D’autres ont en revanche choisi de maintenir, confiants sur leur capacité à assurer la sécurité de leur événement. C’est le cas par exemple des Eurockéennes ce week-end et du Main Square. Du côté du monde de la mode, la Fashion Week de Paris du 3 au 6 juillet est maintenue. Seule la Maison Céline a décidé d’annuler dimanche son défilé dans la capitale.
Une lourde facture pour les transports
Depuis jeudi soir, le service des bus et tramways franciliens se termine à 21 heures et des mesures similaires ont aussi été prises à Marseille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg ou encore Grenoble. Ces décisions prises par les préfectures locales interviennent après que des moyens de transports ont été particulièrement pris pour cible ces derniers jours. Cela induit par ailleurs une perte de chiffre d’affaires pour les restaurants, bars et autres commerces accueillant du public en soirée.
Les dégradations matérielles ne sont pas non plus sans conséquences. Rien que pour l’Ile-de-France, les dommages aux biens publics sont estimés à 20 millions d’euros. À Aubervilliers, par exemple, 12 carcasses de bus ont été retrouvées calcinées dont des articulés hybrides Heuliez GX 437. Des modèles à 220 000 euros à l’unité qui font logiquement très vite grimper la facture.
À Clamart, dans le département des Hauts-de-Seine, c’est toute une rame de tramway qui a été entièrement brulée. Le coût de remplacement et de réparation est déjà estimé à plus de 5 millions d’euros. Enfin, la toute nouvelle rame du tramway T10 à Châtenay-Malabry a également été endommagée.
Quelle part indemnisée par les assureurs?
Pour soulager les secteurs touchés par les émeutes, Bruno Le Maire a demandé samedi aux assureurs de prolonger les délais de déclaration, de réduire les franchises et d’indemniser le plus rapidement possible. Demande à laquelle France Assureurs a répondu: « Les assureurs sont mobilisés et continueront à répondre présents (…) pour accompagner leurs assurés ».
Il faut toutefois préciser que le soutien des assureurs ne fera pas tout. Si l’incendie ou le vol font par exemple partie des risques de base couverts, ce n’est pas le cas des pertes d’exploitation. Une garantie qui permet de couvrir le manque à gagner lié à la fermeture et qui concerne à ce jour seulement un commerce sur deux.
D’autres nuances se nichent dans les garanties souscrites par les professionnels mais aussi les particuliers – notamment pour ceux dont la voiture a été incendiée. Au total, 1350 véhicules ont subi ces dommages estimés à plus de 35 millions d’euros.
Ce qui pousse déjà certains acteurs à réclamer des aides supplémentaires. « Si on ne peut pas aller chercher les assureurs, il faudra probablement aller voir l’Etat et lui demander que soit mis en place un fonds d’indemnisation pour que ces commerçants n’aient rien à payer leur poche », a affirmé Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du Commerce sur BFM Business, lundi. Il pointe par ailleurs le fait que cette première semaine des soldes, la plus importante, est perdue quoi qu’il arrive.
bmftv