La présidente de l’Assemblée dénonce les manquements déontologiques du lobby des pesticides

Le lobbyiste pour 19 fabricants de pesticides Phyteis est mis en demeure par l’Assemblée nationale, après une démarche similaire du Sénat, pour avoir manqué de « prudence et de rigueur ». L’organisation avait avancé que 2.700 emplois directs et 1.000 emplois indirects étaient menacés par une loi interdisant certains pesticides, sans pouvoir justifier de manière convaincante cette affirmation.

Après le Sénat, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a dénoncé le comportement du lobbyiste Phyteis, qui représente 19 fabricants de pesticides, à qui elle reproche d’avoir « manqué au code de conduite de l’Assemblée nationale », a appris l’AFP lundi soir. La titulaire du perchoir a « mis en demeure » Phyteis le 30 juin 2023, lui demandant « de respecter les obligations déontologiques auxquelles les représentants d’intérêts sont assujettis ». Le Sénat avait fait la même démarche début mai, une première depuis la création de cette procédure par la loi « Sapin II » du 9 décembre 2016.

La lobbyiste Phyteis aurait « manqué de prudence et de rigueur »
Cette « mise en demeure » de l’Assemblée fait suite à un signalement du député PS de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier et de quatre associations. Le déontologue de l’Assemblée nationale, Jean-Éric Gicquel, a d’abord estimé que Phyteis « avait manqué de prudence et de rigueur dans ses contacts avec les députés », selon un communiqué de la présidence de l’Assemblée.

Phyteis « avait indiqué à des députés que 2.700 emplois directs et 1.000 emplois indirects étaient menacés par l’interdiction, prévue par la loi du 30 octobre 2018 dite ‘loi Egalim’, de produire, de stocker et de faire circuler en France, à compter du 1er janvier 2022, des pesticides contenant des substances interdites dans l’Union européenne », indique la présidence.

Mais le déontologue « a constaté que Phyteis n’avait pas été en mesure d’expliquer de manière objective et chiffrée la méthodologie utilisée ». Sollicité par Yaël Braun-Pivet (Renaissance), « Phyteis n’a pas été en mesure d’apporter d’éléments supplémentaires susceptibles de remettre en cause le constat de manquement établi par le Déontologue », ajoute le communiqué de l’Assemblée. « La Présidente constate dès lors que les agissements de Phyteis constituent un manquement au code de conduite de l’Assemblée nationale applicable aux représentants d’intérêts, qui dispose que les informations fournies par les représentants d’intérêts ‘ne doivent pas comporter d’éléments volontairement inexacts destinés à induire les députés en erreur' », conclut Yaël Braun-Pivet.

La réaction de Phyteis
Selon Phyteis, ces chiffres correspondaient au « recensement le plus objectif possible, (en) novembre 2018, du nombre d’emplois potentiellement concernés » par cette mesure législative, « alors floue et imprécise, prise par voie d’amendement, sans étude d’impact préalable », a estimé l’organisation dans un communiqué transmis mardi matin à l’AFP. Elle dit que les entreprises du syndicat ont fait part, dans un second temps, de données plus affinées au ministère de l’Economie, et que « le gouvernement lui-même a, dans le cadre des débats parlementaires, consolidé une estimation en cohérence, à l’époque, avec les chiffres avancés par l’UIPP (ancien nom de Phytéis, NDLR) et ses adhérents ».

Phyteis, qui « conteste fermement toute allégation de ‘négligence volontaire' », dit également « regretter une procédure d’exception qui pose question, dans le cadre de laquelle les réponses apportées ont été jugées irrecevables et ont fait l’objet d’une lecture a posteriori et erronée des faits ».

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