Les personnes vivant avec des démences font face à des troubles cognitivo-communicatifs qui rendent plus difficile la participation aux activités quotidiennes. Mais le doctorant suédois Elias Ingebrand n’y voit pas une coupure de la vie en communauté, bien au contraire. Son étude montre que des personnes atteintes de démence peuvent apprendre en autonomie à se servir de tablettes pour la première fois.
Les personnes atteintes de démence (lire l’encadré ci-dessous) gardent leur capacité à apprendre de nouvelles choses malgré leur maladie. C’est la conclusion de la thèse doctorale d’Elias Ingebrand présentée récemment à l’Université de Linköping, en Suède. Cette étude d’observation suédoise souligne l’intérêt pour les personnes atteintes de démence de ne pas être mises à l’écart et de continuer d’apprendre de nouvelles choses.
Malgré leurs troubles de la mémoire, les patients ont appris à utiliser la tablette de manière plus autonome
Le doctorant a proposé à dix personnes atteintes de démence, dont huit vivant dans un centre de soin, d’essayer d’utiliser une tablette tactile pour la première fois de leur vie, accompagnées d’un proche ou d’un membre du personnel. Avant le début des observations, chaque participant a reçu une même explication quant au fonctionnement d’une tablette tactile et des applications installées dessus. Cependant, aucune autre consigne n’a été donnée sur l’attention à accorder à la tablette.
Pendant six semaines, Elias Ingebrand a observé les interactions des personnes avec le nouvel objet et avec leur accompagnateur. Selon lui, les participants ont vite été intrigués par le nouvel objet. Au fil des séances, ils avaient de moins en moins besoin de l’aide de leur accompagnateur et se reposaient davantage sur le « feedback » immédiat de la tablette pour continuer leur utilisation. Malgré leurs troubles de mémoire sévères, ils ont graduellement appris à utiliser la tablette de manière plus autonome.
Qu’est-ce que la démence ?
La démence est un syndrome qui regroupe plusieurs maladies comme la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la démence à corps de Lewy, la maladie de Creutzfeldt-Jakob… La démence désigne un déclin cognitif suffisamment important pour interférer avec le bon déroulement de la vie quotidienne. Les causes de démences sont multiples : le vieillissement, l’abus d’alcool sur une longue durée, une commotion cérébrale, la dépression, l’anxiété et même génétique pour la maladie de Huntington, une dégénérescence cérébrale due à un gène défectueux qui se caractérise par des difficultés à se concentrer, des perturbations dans les capacités de raisonnement, de jugement, d’organisation, de gestion des émotions et les prises de décision.
D’après l’Inserm, la démence est un problème de santé public majeur dont le poids va être grandissant dans les 30 prochaines années. Pour en savoir plus, consultez ce document de l’Inserm dédiée à l’épidémiologie des démences.
« Elles ont toujours la volonté et l’initiative à entreprendre de nouvelles choses »
Dans un second temps, les personnes vivant avec des démences ont été mises en groupe, non plus avec un proche ou un membre du personnel, mais avec un autre individu atteint de démence – chacun sa tablette. Les résultats montrent que les participants restaient concentrés sur la tâche présentée et s’entraidaient : autant en demandant de l’aide qu’en proposant d’aider l’autre dans la résolution d’un problème rencontré.
Contrairement à lorsqu’ils étaient accompagnés d’une personne saine, les participants se plaçaient davantage en personne qualifiée, capable de partager ses nouvelles connaissances et prenaient plus d’initiatives.
Avec ses résultats, Elias Ingebrand espère balayer les préjugés sur les personnes atteintes de démence qui sont selon lui trop souvent décrites comme étant passives, de mauvais interlocuteurs, incapables de se concentrer ou de s’impliquer dans des activités. « Elles ont toujours la volonté et l’initiative d’entreprendre de nouvelles choses », affirme-t-il dans sa thèse.
L’apprentissage à tout âge, pour tous.
Les résultats de cette étude montrent que les personnes vivant avec des démences peuvent non seulement s’impliquer dans une nouvelle activité si elle est assez stimulante, mais également apprendre de nouvelles choses si les activités sont régulières.
Elias Ingebrand souhaite approfondir ses recherches en trouvant comment utiliser les connaissances des personnes atteintes de démence pour créer des activités intéressantes. Selon lui, il est important d’avoir la possibilité d’apprendre tout au long de la vie. « L’apprentissage est relié au bien-être de l’individu, et ce, quel que soit l’âge ou les capacités cognitivo-communicatives. C’est pourquoi les personnes qui vivent avec de la démence, que ce soit en centre de soin ou chez elles, ne devraient pas être privées des opportunités d’apprendre de nouvelles choses », écrit-il dans sa thèse.
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