Un patrouilleur libyen a tiré à plusieurs reprises des coups de feu alors que l’Ocean Viking, le navire humanitaire de SOS Méditerranée, procédait à une opération de sauvetage dans les eaux internationales. Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident se produit entre humanitaires et garde-côtes libyens en Méditerranée.
Nouvel accrochage entre un navire humanitaire et les garde-côtes libyens. Dans la journée du 7 juillet 2023, l’Ocean Viking, le navire de SOS Méditerranée, a été menacé par un patrouilleur des garde-côtes libyens. L’incident s’est produit peu de temps après le sauvetage d’une embarcation de 46 personnes. Alors que le bateau de secours procédait à un second sauvetage d’un canot de 11 personnes, au large de la Libye dans les eaux internationales, il a été subitement l’objet de tirs répétés de la part de Libyens, présents dans la zone, sans raison évidente.
Dans une vidéo relayée par SOS Méditerranée sur Twitter, l’Ocean Viking avait pourtant prévenu par radio les garde-côtes libyens de son opération de secours. « Ici, l’Ocean Viking. Nous avons établi un contact avec le canot [en détresse] », répète un membre d’équipage. Mais l’appel n’éloigne pas le patrouilleur des Libyens qui s’approche de deux vedettes du navire humanitaire. L’équipage est en train d’évacuer les migrants de leur petit canot en fibres de verre.
On 07.07.23, #OceanViking rescued 11 people following a mayday relay. During the operation, @SOSMedIntl crew & 11 survivors faced a security incident with a Libyan patrol vessel shooting in close range of our fast rescue boats. Here the reconstruction of this unacceptable event👇 pic.twitter.com/EWzcz5Rvbn
— SOS MEDITERRANEE (@SOSMedIntl) July 9, 2023
Plusieurs coups de feu sont alors tirés en l’air. Les membres d’équipage de l’Ocean Viking et les rescapés se baissent et prennent la fuite pour rejoindre le bateau mère. « Ils ont mis en danger la vie de l’équipage et des survivants », a tweeté SOS Méditerranée.
Lors de cet accrochage, les Libyens ne communiquaient pas en anglais mais uniquement en arabe, a précisé une journaliste à bord de l’Ocean Viking. Selon le droit maritime, la maîtrise de l’anglais est pourtant obligatoire pour toutes les garde-côtières.
La scène a également été filmée par les caméras embarqués des zodiaques du navire de SOS Méditerranée et par les Pilotes volontaires, présents dans les airs au moment de l’altercation. Aucun blessé n’est à déplorer. L’Ocean viking est actuellement en route vers le port de Civitavecchia, près de Rome, à trois jours de navigation, pour débarquer les 57 exilés à son bord.
« Vous ne pouvez pas nous tirer dessus ! »
Ce n’est pas la première fois que de tels incidents se produisent en mer avec les autorités libyennes. Samedi 25 mars, les garde-côtes libyens avaient déjà menacé l’équipage du navire de SOS Méditerranée. Dans une vidéo publiée sur Twitter, des coups de feu sont tirés et une membre d’équipage demande aux autorités libyennes de les « laisser tranquille ». « Nous sommes dans les eaux internationales, vous ne pouvez pas nous tirer dessus », insiste-t-elle.
Ce n’est pas non plus la première fois que les ONG accusent Tripoli de faire usage d’armes en direction des humanitaires ou des exilés. Plusieurs incidents ont été documentés ces dernières années par les humanitaires. Notamment le 22 février 2022. Les garde-côtes libyens avaient alors tiré sur une embarcation d’environ 80 migrants, pour les empêcher de continuer leur route vers l’Europe. Un exilé était mort et trois autres avaient été blessés.
Un mois plus tôt, le navire humanitaire Louise Michel avait été témoin de coups de feu tirés par des Libyens sur un migrant qui tentait de leur échapper en sautant à l’eau. Le bateau n’a pas retrouvé l’homme visé par les tirs.
En juillet 2021, les autorités libyennes avaient aussi fait usage de leurs armes au large de Lampedusa. La scène, filmée par l’ONG Sea-Watch depuis son avion de surveillance Seabird, montrait un bateau libyen s’approcher tout près d’une embarcation en bois, et tirer dans l’eau à balles réelles.
Accord contesté entre l’UE et les garde-côtes libyens
Depuis 2016, date du premier accord entre l’Italie et la Libye, plus de 130 000 personnes ont été interceptées en mer et renvoyées en Libye. Dans le même temps, près de 15 000 exilés ont péri en Méditerranée centrale en essayant de rejoindre l’Europe. Cette route migratoire demeure la plus meurtrière au monde.
Malgré ces graves incidents en mer, le Conseil européen a décidé au mois de janvier de proroger l’opération militaire Irini en mer Méditerranée jusqu’au 31 mars 2025. Lancé en 2020, l’accord prévoit la formation des garde-côtes libyens et la livraison de navires afin d’empêcher les migrants de rejoindre le Vieux continent. Il doit aussi « contribuer à la perturbation du modèle économique des réseaux de passage clandestin et de traites des êtres humains par la collecte d’informations et les patrouilles aériennes », peut-on lire sur le site de la Commission européenne.
Ce partenariat vient en appui d’un autre accord signé entre la Libye et l’Italie. Soutenu par l’Union, le texte vise depuis 2017 à lutter contre l’immigration clandestine en donnant aux autorités libyennes la charge de la coordination des sauvetages au large de leurs côtes (tâche qui incombait auparavant au centre de coordination de sauvetage maritime de Rome ou de La Valette, à Malte). L’Italie, également, équipe et forme les autorités libyennes pour intercepter les exilés en Méditerranée.
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