Cet été, aidez les scientifiques à cartographier l’érosion du littoral atlantique

Si vous vous promenez du côté de Lacanau, de Cap Breton ou de Saint-Jean-de-Luz, vous rencontrerez sans doute ces bornes jaunes installées le long des plages emblématiques de cette belle côté aquitaine. Ce sont des points de repère où il vous sera proposé de prendre une photo. L’objectif est de permettre aux scientifiques de contrôler à partir d’un même point fixe l’évolution du trait de côte du littoral aquitain grâce à cette photothèque participative et citoyenne.

En France métropolitaine, plus de 25 % du littoral est confronté au risque d’érosion côtière, tandis que 1,4 million d’habitants seraient exposés à la submersion marine. Si la façade néo-aquitaine, qui compte 839 km de rivage, est l’une des moins artificialisées de l’Hexagone, elle est aussi la deuxième façade métropolitaine la plus affectée par l’érosion, après le Nord-Ouest.

Phénomène naturel à l’œuvre depuis des milliers d’années sur le littoral atlantique, le recul du trait de côte se caractérise par un déplacement massif de sédiments sous l’effet des vagues, des vents et des marées.

D’ici à 2050, le littoral sableux de la Gironde et des Landes pourrait ainsi perdre en moyenne 50 mètres, et les côtes rocheuses du Pays basque 27 mètres. En Charente-Maritime, tout au sud de l’île d’Oléron, sur la pointe de Gatseau, la mer grignote, en moyenne, une vingtaine de mètres par an. C’est l’un des endroits d’Europe qui subit le plus fort recul du trait de côte.

À Capbreton (Landes), une borne « Coastsnap » a été installée pour inviter les promeneurs à photographier le littoral. © Fourni par Sophie Lecacheux

À CAPBRETON (LANDES), UNE BORNE « COASTSNAP » A ÉTÉ INSTALLÉE POUR INVITER LES PROMENEURS À PHOTOGRAPHIER LE LITTORAL. 

Observer les côtes, accompagner les politiques publiques

Créé en 1996, l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine (OCNA) a pour rôle de mettre au service des acteurs du littoral un outil d’observation, d’aide à la décision et de partage de la connaissance pour la gestion et la prévention des risques côtiers. L’idée est ainsi de favoriser l’adaptation au recul du trait de côte.

Pourquoi ne pas faire appel aux promeneurs pour en documenter les évolutions ? En se baladant le long du littoral de Nouvelle-Aquitaine, ils peuvent désormais apercevoir de petits panneaux métalliques jaunes surplombant certaines plages et incitant les passants à devenir, l’espace d’un instant, acteurs du suivi du littoral.

Il s’agit de postes d’observation déployés dans le cadre de CoastSnap Nouvelle-Aquitaine, un nouveau système de suivi participatif, installé à l’automne 2021. Son fonctionnement, particulièrement simple, est basé sur les photos prises par les citoyens à l’aide de leur smartphone, depuis un même point fixe.

Leur envoi, via différents canaux (formulaire web, mail ou application), va ensuite alimenter une importante base de données d’images qui seront utilisées pour mieux saisir et analyser les évolutions du littoral à différentes échelles de temps.

Un outil participatif né en Australie

Développée en 2017 par une équipe de chercheurs australiens de l’Université de New South Wales, l’initiative CoastSnap a pour objectif de cartographier les changements à l’œuvre à partir de contributions citoyennes.

Elle est complémentaire d’autres outils utilisés par les scientifiques : mesures terrain au DGPS, un GPS différentiel de précision centimétrique, imagerie vidéo (webcams par exemple), images satellites.

CoastSnap présente l’avantage de recueillir des observations très régulières, de façon quotidienne, tout en sensibilisant les citoyens à l’évolution du littoral et aux risques existants au niveau des zones côtières. Cette nouvelle source de données reste également plus économique que les mesures classiques ou les webcams, qui consomment de l’énergie et génèrent des coûts de maintenance.

Cet outil participatif innovant a donc séduit l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine. Tout en s’inscrivant au sein du réseau international CoastSnap, il a choisi de réunir un consortium de partenaires locaux afin de développer le projet dans la région : le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Office national des forêts (ONF) – principaux opérateurs techniques de l’OCNA, ainsi que le Centre aquitain des technologies de l’information et électroniques (CATIE), spécialiste des technologies du numérique.

Trois sites pilotes de la côte de Nouvelle-Aquitaine ont été sélectionnés pour l’installation d’un poste d’observation. L’un à Lacanau (Gironde), l’autre à Capbreton (Landes) et le dernier à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). Ces lieux sont implantés dans chaque département de l’ex-région Aquitaine et présentent des sites aux environnements et problématiques d’érosion différents. L’objectif est d’aménager dans les mois à venir de nouveaux postes dans la région, notamment en Charente-Maritime.

Situation géographique (a) et photos des postes d’observation CoastSnap de Nouvelle-Aquitaine (b, c, d). © Fourni par Sophie Lecacheux

SITUATION GÉOGRAPHIQUE (A) ET PHOTOS DES POSTES D’OBSERVATION COASTSNAP DE NOUVELLE-AQUITAINE (B, C, D)

Plus de 3 000 photos reçues

Résultat : près de quinze photos par semaine en moyenne sont partagées par les citoyens sur chacun des trois sites, portant ainsi le total à plus de 3 000 clichés reçus fin mai 2023.

La photo ci-dessous illustre les clichés « types » pris depuis ces stations. La base de données d’images constituée, le travail d’analyse et de traitement a pu débuter pour les équipes du projet dont l’œil avisé cherche à extraire les informations pertinentes.

Photos types prises depuis les postes de Lacanau-Océan (a), Santocha à Capbreton (b) et Lafitenia à Saint-Jean-de-Luz (c). © Fourni par Sophie Lecacheux

PHOTOS TYPES PRISES DEPUIS LES POSTES DE LACANAU-OCÉAN (A), SANTOCHA À CAPBRETON (B) ET LAFITENIA À SAINT-JEAN-DE-LUZ (C).

Un suivi quantitatif des mouvements côtiers n’est possible qu’à partir d’images géoréférencées, dont les coordonnées des pixels dans un repère réel sont connues.

Ce n’est pas le cas des images brutes envoyées par les promeneurs, qui sont des images dites « obliques » (ou de biais). Un traitement technique, appelé orthorectification, est réalisé par les équipes de l’Observatoire afin d’aligner les images entre elles et de les projeter sur un plan horizontal.

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