La loi sur la restauration de la nature, texte emblématique du Pacte vert de l’UE, a finalement été adoptée mercredi malgré l’opposition de la droite et de l’extrême droite, qui dénonçaient une menace pour la souveraineté économique européenne.
C’est un texte devenu symbole du clivage droite-gauche sur la question écologique. La loi pour la restauration de la nature, considérée comme un pilier majeur du Pacte vert pour l’Europe, a finalement été adopté, mercredi 12 juillet, après un long suspense.
Il s’agit d’une « grande victoire d’ordre social » et d’une « excellente nouvelle pour la nature », s’est félicité l’eurodéputé socialiste César Luena, rapporteur de la loi.
Pour l’eurodéputée écologiste Karima Delli, c’est « un immense soulagement et un avertissement sérieux aux pilleurs de la nature ».
Proposée par la Commission le 22 juin, cette loi est un projet global de restauration des écosystèmes et de la nature dans toute l’Europe, comprenant les mers et les terres agricoles jusqu’aux forêts et aux milieux urbains.
Depuis plusieurs semaines, elle cristallise les critiques des parlementaires de droite et d’extrême droite qui fustigent une menace pour la quête d’autonomie de l’Europe. Ces derniers ont échoué à lui faire barrage, à 12 voix près, plus tôt lors d’un premier vote.
✅ ADOPTÉ !
Le Parlement européen dit OUI à la #NatureRestaurationLaw malgré tous les efforts de la droite pour bloquer le texte.
Merci à tous les scientifiques et les jeunes qui nous ont aidé ! 💪🌍#RestoreNature pic.twitter.com/dePMgtTGWn
— Pierre Larrouturou (@larrouturou) July 12, 2023
Inverser la tendance
Pour ses partisans, la loi sur la restauration de la nature est « une étape essentielle pour éviter l’effondrement des écosystèmes et prévenir les effets les plus graves du changement climatique et de la perte de biodiversité ».
Elle part d’un constat alarmant : plus de 80 % des habitats naturels de l’UE sont dans un état de conservation “mauvais ou médiocre”, alors que la biodiversité a enregistré un recul sans précédent au cours des dernières décennies, notamment pour les populations de poissons, d’amphibiens ou bien encore de certaines espèces d’oiseaux.
Une situation qui s’explique par les effets du réchauffement climatique, mais également de l’utilisation massive de pesticides.
Pour inverser cette tendance, la loi ambitionne de restaurer 20 % des zones terrestres et marines de l’UE d’ici à 2030 avant d’étendre ces dispositifs à tous les écosystèmes dégradés à l’horizon 2050.
Économie contre climat ?
Si le texte a fait l’objet d’un large consensus parmi les experts, la loi sur la restauration de la nature a suscité d’intenses débats au Parlement européen – et souligné ainsi le clivage politique persistant sur la question climatique.
Farouchement opposés au texte, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), première force au Parlement de Strasbourg, avaient réclamé son rejet complet, mettant en avant l’impact potentiel pour l’agriculture, la pêche ou les énergies renouvelables.
Ses détracteurs craignent que les mesures proposées entraînent une baisse de la production agricole mais également le démantèlement d’infrastructures énergétiques dans l’UE, alors même que l’Europe cherche à renforcer son autonomie, après la pandémie de Covid-19 et dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne.
Un point en particulier a cristallisé les critiques : le fait que 10 % des surfaces agricoles deviennent des zones « à haute diversité » dédiés à la plantation de haies, à rotations de cultures ou bien encore à la plantation d’arbres fruitiers. Bien que cette mesure ne soit qu’indicative, certains députés conservateurs estiment qu’elle fera baisser la production agricole, mettant en danger la résilience alimentaire de l’UE.
Accusant la gauche d’organiser la décroissance de l’Europe, le PPE s’est posé en défenseur des agriculteurs, injustement visés, selon eux, par ces réformes. « Nous devons travailler avec les personnes concernées, et non contre elles », s’est insurgé l’eurodéputé allemand Peter Liese, qui a participé mardi à une manifestation devant le Parlement aux côtés d’organisations agricoles.
Les soutiens du texte ont de leur côté martelé un message simple : la défense de l’agriculture passe par la défense de la nature, réfutant un texte « contre qui que ce soit » mais permettant au contraire de protéger l’économie du bloc.
« Avoir des écosystèmes sains est une règle de base pour que les économies fonctionnent », a souligné César Luena, le rapporteur du texte. « Pas d’agriculture sans nature, voilà le bon sens paysan que les démagos d’extrême droite et de droite semblent oublier. Défendre les paysans, c’est protéger les capacités de la Terre et de la terre », a pour sa part assené le député écologiste et paysan bio Benoît Biteau.
Pas d’agriculture sans nature, voilà le bon sens paysan que les démagos d’extrême droite et de droite semblent oublier. Défendre les paysans, c'est protéger les capacités de la Terre et de la terre. #NoNatureNoFood #RestoreNature
Réponse à @Gilles_Lebreton, député RN. 👇 pic.twitter.com/IvdxC5kmzU
— Benoît BITEAU (@BenoitBiteau) July 11, 2023
Victoire en demi-teinte pour la gauche
Au Parlement européen, cette bataille politique acerbe pourrait bien laisser des traces. De nombreux eurodéputés de gauche ont fustigé le rassemblement de la droite, d’une partie des libéraux du parti Renew ainsi que l’extrême droite derrière la même bannière, organisant un vote de rejet contre le texte pour éviter que celui-ci ne soit débattu. Une posture fustigée par certains comme une manœuvre électorale, à l’approche des élections européennes de 2024.
« Si nous souhaitons lutter contre ces alliances, nous ne pouvons le faire que dans les urnes », a insisté César Luena, le rapporteur du texte, estimant que le Parlement a joué son rôle qui consiste à « édicter des lois et non les refuser ».
Pour les députés favorables au texte, cette victoire met fin à un long et pesant suspense aux lourds enjeux. Car en cas de succès du vote de rejet, « aucune proposition alternative » n’aurait pu être proposée faute de temps d’ici aux élections, avait averti le commissaire à l’Environnement Virginijus Sinkevicius.
Pour autant, l’adoption du texte à 336 contre 300 n’est qu’une première étape. Plusieurs dizaines d’amendements ont été portés au texte, édulcorant son contenu. Deux propositions en particulier, sur la création d’aires marines protégées et l’exclusion des navires industriels géants des eaux côtières, n’ont pas été retenues.
« La législation est passée et c’est aujourd’hui l’essentiel. Le combat continue pour faire plus et mieux ! », a tweeté le député européen Raphaël Glucksmann à l’issue du vote.
Le texte doit à présent être approuvé par la commission environnement, puis par la Commission européenne et les États membres pour être promulgué en tant que loi avant les élections européennes de 2024.
1/3 : Merci pour votre mobilisation citoyenne massive (en particulier sur Instagram et Linkedin) ! ⬇️ https://t.co/12HatM0SFq
— Raphael Glucksmann (@rglucks1) July 12, 2023
france24