John Kerry en visite en Chine pour sauver la coopération sur le climat

John Kerry, l’envoyé spécial de Joe Biden pour le climat, est en déplacement en Chine de dimanche à mercredi pour renouer le dialogue entre les deux plus gros pollueurs de la planète. Cette visite, la troisième d’un haut responsable américain en quelques semaines, semble confirmer l’accalmie dans les relations tendues entre Pékin et Washington.

Malgré les tensions diplomatiques, les États-Unis et la Chine, vont tenter de relancer leur coopération climatique à partir du dimanche 16 juillet à l’occasion de la visite de John Kerry à Pékin, l’envoyé spécial américain pour le climat.

Ce déplacement, le troisième de John Kerry en tant qu’envoyé spécial de l’administration Biden, signe la reprise des discussions sur le climat entre la Chine et les États-Unis après une année blanche. En août 2022, Pékin avait coupé les ponts avec Washington après la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants.

« La Chine et les États-Unis sont les deux plus grandes économies du monde et nous sommes également les deux plus grands émetteurs. Il est clair que nous avons la responsabilité particulière de trouver un terrain d’entente », assurait John Kerry dans un entretien accordé la semaine dernière au New York Times.

Selon les experts du climat, la coopération entre les deux premières puissances mondiales est cruciale pour lutter contre le réchauffement climatique alors que les phénomènes extrêmes deviennent monnaie courante et que des vagues de chaleur déferlent partout sur la planète.

« Tout d’abord, il est important que cette rencontre ait lieu », affirme Joanna Lewis, spécialiste des politiques climatiques chinoises à l’université de Georgetown, citée par l’agence Reuters. « Je pense qu’il est important qu’un agenda positif sorte de cette réunion, même s’il s’agit simplement d’un accord pour continuer à se rencontrer ».

Négociateurs chevronnés
Parmi les dossiers chauds que John Kerry compte bien faire avancer : l’accélération de l’élimination progressive du charbon, la lutte contre la déforestation ou encore la réduction des émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre qui s’échappe des installations pétrolières et gazières. L’objectif de cette visite consiste également à préparer le terrain avant la COP28 à Dubaï (du 30 novembre au 12 décembre).

À Pékin, l’ancien secrétaire d’État américain pourra compter sur l’oreille attentive de son alter ego chinois, Xie Zhenhua. Les deux hommes sont réputés pour bien s’entendre et ont travaillé ensemble sur certaines des avancées les plus importantes de la dernière décennie, notamment l’accord de Paris de 2015 qui prévoit de réduire les émissions mondiales afin limiter la hausse des températures mondiales à 1,5°C d’ici la fin du siècle.

« John Kerry est également très apprécié en Chine et a toujours été encensé », souligne Jean-Joseph Boillot, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste des économies émergentes. « Cela montre bien que, comme aux États-Unis, il n’y a pas qu’un bloc unique en Chine avec des partisans d’une logique d’affrontement entre les deux pays ».

Addiction chinoise au charbon
Cependant, si la question climatique semble offrir un possible terrain d’entente en dépit des tensions sino-américaines, de profondes divergences continuent de subsister, en particulier sur le rythme auquel chaque pays devrait mettre un terme aux émissions de combustibles fossiles.

Malgré son engagement d’atteindre la neutralité carbone en 2060, la Chine a réalisé l’an dernier sa plus grande vague de création de centrales au charbon depuis 2015. Pékin cherche ainsi à garantir un approvisionnement stable en électricité en cas de défaillance des énergies renouvelables, dont le pays est le premier producteur mondial. Ce retour du charbon, qui participe à 60 % de la production d’électricité chinoise, alimente les craintes que Pékin ne revienne sur ses objectifs climatiques.

« Il ne s’agira pas d’une négociation qui portera uniquement sur des engagements climatiques dans la mesure où l’administration Biden a déjà lancé des programmes considérables en faveur du climat », estime Jean-Joseph Boillot, en référence à l’Inflation Reduction Act (IRA), adopté en 2022, qui prévoit notamment de consacrer 370 milliards de dollars dans l’énergie éolienne, solaire et les autres énergies propres.

« Pékin devrait plutôt mettre sur la table la question de la guerre technologique menée par les États-Unis qui ont nettement resserré les contrôles des exportations vers la Chine de produits high-tech », ajoute l’expert.

Depuis 2018, Washington cherche à ralentir le développement de Pékin dans la production de composants électroniques, indispensables aux technologies de pointe. Les États-Unis ont notamment dressé une liste noire d’entreprises chinoises accusées de menacer la sécurité nationale. En novembre 2022, les produits d’une demi-douzaine de firmes chinoises des télécoms ont également été bannis du territoire américain.

De son côté, Pékin a récemment annoncé qu’à compter du 1er août, une autorisation préalable sera nécessaire aux exportations de gallium et de germanium. Ces deux métaux critiques, dont Pékin contrôle une grande partie des réserves mondiales, servent au développement de nombreuses technologies comme les lampes LED, la fibre optique ou les panneaux photovoltaïques.

Une phase de détente
Même si les sujets de désaccords ne sont donc jamais bien loin, le déplacement de John Kerry confirme l’accalmie qui se dessine entre les deux rivaux.

Ces dernières semaines, les États-Unis et la Chine ont repris des contacts de haut niveau malgré de vives tensions sur le dossier de Taïwan, la guerre commerciale ou encore les soupçons d’espionnage, qui ont connu en février un épisode spectaculaire avec l’incident des ballons chinois.

La visite de John Kerry est ainsi la troisième en seulement quelques semaines d’un responsable américain en Chine. Fait rarissime, le secrétaire d’État Antony Blinken a rencontré en juin le président chinois Xi Jinping, affirmant que les États-Unis et la Chine voulaient « stabiliser » leurs relations.

La semaine dernière, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a défendu en Chine un dialogue direct entre Pékin et Washington en cas d’inquiétudes concernant des pratiques économiques.

« L’apaisement des tensions avec Pékin est aussi lié à la guerre en Ukraine », estime Jean-Jospeh Boillot. « Car les Américains savent que la Chine », l’un des rares alliés de Moscou, « est l’une des clés de la solution au conflit ».

france24

You may like