Verdir la flotte de pêche de l’UE, un défi coûteux et de longue haleine

L’Union européenne cherche comment verdir sa flotte de pêche vieillissante, dont l’énorme facture énergétique rogne la rentabilité.

Moteurs hybrides, chaluts optimisés, fin des subventions aux carburants fossiles… L’Union européenne cherche comment verdir sa flotte de pêche vieillissante, dont l’énorme facture énergétique rogne la rentabilité – une transition qui s’annonce longue, technologiquement complexe et très coûteuse.

Assurer une pêche plus durable et rentable
Avec des bateaux âgés en moyenne d’une trentaine d’années, « le grand défi est de moderniser la flotte », ce qui permettrait d’enrayer le déclin d’attractivité du métier auprès des jeunes, mais aussi de garantir la survie du secteur, a résumé le 18 juillet le commissaire européen Virginijus Sinkevicius.

L’enjeu est climatique, alors que l’UE vise la neutralité carbone d’ici 2050, mais aussi d’assurer une « pêche plus durable et plus rentable », a-t-il insisté en marge d’une réunion des ministres de la Pêche de l’UE à Vigo (Espagne). Les prix du gazole marin ont plus que doublé en 2022, accaparant 35% des revenus du secteur, contre 13% en 2020. Les besoins en énergie de la pêche sont principalement associés à la traction des engins et à la conservation des captures à bord.

Or, les technologies innovantes « sont en phase de test, n’existent pas à grande échelle, ni à des prix accessibles », reconnaît M. Sinkevicius. Moteurs électriques, hybrides, fonctionnant à l’hydrogène ou aux agrocarburants, diverses pistes sont étudiées, beaucoup nécessitant d’onéreuses infrastructures portuaires.

« Un simple changement de moteur n’est ni réaliste, ni suffisant »
Dans l’immédiat, le Fonds européen dédié à la pêche (FEAMPA), doté de 6,1 milliards d’euros sur 2021-2027, permet de financer l’installation de moteurs moins gourmands en carburants sur des navires existants, ou d’engins de chalut optimisés (mailles plus grandes ou touchant moins le fond) pour consommer moins d’énergie.

Mais pour que ce soit efficace, il faut « réviser » les limitations très strictes imposées par Bruxelles sur la capacité des navires, pour prendre en compte l’espace forcément plus volumineux de ces nouvelles motorisations, s’est agacé le ministre espagnol Luis Planas. Selon un rapport publié en février par l’ONG Oceana, ralentir la vitesse d’un demi-nœud permettrait également d’économiser 15% de carburant… au prix d’une réduction des prises.

L’ONG appelait surtout à bannir le chalutage de fond, technique de pêche requérant le plus de carburant en litres par kilo de poisson débarqué et libérant le carbone emprisonné dans le plancher marin – mais les efforts de Bruxelles pour restreindre cette pratique se heurtent aux protestations de Madrid et de Paris.

De l’avis général, un renouvellement profond de la flotte paraît incontournable. « Pour nos navires vieillissants, un simple changement de moteur n’est ni réaliste, ni suffisant pour viser la décarbonation : ce serait comme greffer un cœur à une nonagénaire. Et les nouvelles technologies de propulsion nécessiteront une refonte complète », avertit Daniel Voces, directeur-général d’Europêche, principale organisation du secteur.

Des financements tabous
Difficile pour des entreprises de pêche, en particulier petites et moyennes, déjà sous pression financière de s’engager sans soutien dans l’achat de nouveaux bateaux. Or, le FEAMPA ne prévoit aucune aide pour la construction de nouveaux navires : « il faut briser ce tabou », insiste M. Planas, estimant nécessaire de muscler les financements publics dans le prochain budget pluriannuel de l’UE pour attirer des investissements privés.

Jugeant le FEAMPA très insuffisant face aux sommes colossales en jeu, Pierre Karleskind, président (Renew, centre) de la commission Pêche au Parlement européen, défend lui le recours à la Banque européenne d’investissement (BEI)… mais qui ne peut prêter aux entreprises de pêche. « Il faut lever ce verrou », estime-t-il.

Pour l’heure, « il n’est pas question de dédier un nouveau fonds » aux achats de navires, mais « plutôt de recourir à tous les outils financiers existants » pour soutenir la recherche et « créer une dynamique », souligne M. Sinkevicius, estimant que « la transition devra aussi être financée par le secteur lui-même ».

Point aveugle des discussions à Vigo : les généreuses subventions aux carburants fossiles pour la pêche, fustigées par les ONG environnementales qui estiment que leur maintien dissuade le verdissement des pratiques de pêche. « C’est un gros tabou. On n’échappera pas à leur élimination, mais il faut le faire intelligemment, parallèlement à la transition : si du jour au lendemain on arrête les subventions, on tue l’outil de pêche européen », avertit M. Karleskind. « Ces subventions sont nécessaires en cette période difficile (…). Il faut s’en défaire très progressivement, mais le problème reste la disponibilité des technologies » moins énergivores, abonde Virginijus Sinkevicius.

afp

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