Une nouvelle étude révèle une association entre la maladie d’Alzheimer, les maladies des gencives et la perte des dents. Explications.
Les infections des gencives et des os sous-jacents, appelées maladies parodontales, sont courantes. En France, près d’une personne sur deux en est atteinte à un degré sévère, entre 35 et 64 ans, selon une étude de 2002. « Des travaux antérieurs ont suggéré que les maladies parodontales pouvaient être des facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer », souligne Satoshi Yamaguchi pour Sciences et Avenir. Si l’association n’avait encore jamais été démontrée, le chercheur et son équipe ont, cette fois-ci, révélé une corrélation. Leur étude a été publiée dans la revue Neurology.
« Nous avons montré que ces maladies parodontales peuvent affecter la zone du cerveau associée à la pensée et la mémoire : l’hippocampe. Et en particulier la partie gauche de celui-ci », explique le chercheur. Près de 170 personnes, d’une moyenne d’âge de 67 ans, ont été incluses dans cette étude. Après s’être assurés qu’aucun des participants n’était atteint de troubles de la mémoire en début de programme, les chercheurs leur ont fait passer un examen dentaire et des IRM. « Ces derniers nous ont permis de mesurer le volume de l’hippocampe des patients sur quatre années », indique Satoshi Yamaguchi.
Une atrophie de l’hippocampe
Grâce aux IRM réguliers, les chercheurs ont mis en évidence un rétrécissement de l’hippocampe chez les personnes atteintes de maladies des gencives. Les résultats sont cependant différents selon le degré de gravité de l’infection. Pour évaluer ce degré de gravité, il faut sonder la profondeur des poches parodontales. De quoi s’agit-il ? C’est l’espace entre la gencive et la dent. Pour les maladies de gencive légères, ces poches ne dépassent pas les trois millimètres. En revanche, pour les infections plus sévères, elles atteignent parfois cinq ou six millimètres, ce qui peut entraîner le déchaussement des dents et leur chute.
Mais comment ce degré de gravité est-il lié au rétrécissement de l’hippocampe ? « Lorsque la maladie parodontale est légère, moins il y a de dents, plus le taux d’atrophie de l’hippocampe gauche est rapide. Cependant, comme nous nous y attendions, lorsque la maladie parodontale est sévère, l’effet est inversé : plus le nombre de dents est élevé, plus l’atrophie de l’hippocampe est rapide », analyse le chercheur.
La conservation des dents, lors d’une maladie des gencives sévère serait donc délétère pour le patient. Les scientifiques ont même quantifié ce vieillissement. Selon eux, une dent de moins équivaudrait à un an de vieillissement cérébral pour les maladies des gencives légères. En cas d’infection sévère, en revanche, une dent de plus correspondrait à un an et quatre mois de vieillissement cérébral.
« L’importance de préserver la santé des dents et pas seulement de les conserver »
« Ces résultats soulignent l’importance de préserver la santé des dents et pas seulement de les conserver », déclare Satoshi Yamaguchi. « Il est crucial de contrôler la progression de la maladie des gencives grâce à des visites dentaires régulières », conseille-t-il. En effet, la maladie parodontale est dite « silencieuse ». Elle peut être grave, même si le patient ne souffre d’aucune douleur.
Si la priorité du médecin est de conserver le plus de dents possibles, il arrive qu’une dent atteinte d’une maladie parodontale grave ne soit pas extraite quand le patient ne s’en plaint pas. Une erreur, d’après Satoshi Yamaguchi. « Bien sûr, l’importance de conserver des dents pour maintenir la fonction de mastication n’est pas remise en question. Toutefois, nous devrons prendre des décisions plus prudentes quant à la conservation de dents atteintes d’une maladie parodontale grave et difficile à traiter », nuance-t-il.
D’autres études sont nécessaires pour généraliser ces résultats, notamment en prenant en compte une cohorte d’individus plus importante et davantage diversifiée. Dans un second temps, des interventions sur les patients volontaires seront nécessaires. Elles permettront de certifier la relation de cause à effet et d’élucider le mécanisme. Si l’association entre le taux d’atrophie de l’hippocampe, le nombre de dents et la maladie parodontale est confirmée, cette étude pourrait ainsi contribuer à de nouvelles stratégies de prévention de la démence.
sciencesetavenir